Regarder Enter The Void n'a pas été chose aisée, interrompu plusieurs fois durant le film par de multiples coups de fils ou autres visites inpromptues, j'ai du relancer le film au moins 4 fois avant de le regarder dans de bonnes conditions. 

Et ça partait mal, me retaper l'intro anxiogéne ou l'hallucination du début commençait à me mettre dans une sorte d'état second. J'ai pourtant réussi à me plonger complétement dans le film. Et j'ai pris une claque, une bonne grosse claque qui fait mal et qui laisse une grosse marque rouge. 

Synopsis :

Oscar et sa soeur Linda habitent Tokyo depuis peu. Lui est dealer alors que sa soeur est stripteaseuse dans une boite de nuit. C'est lors d'un deal tournant mal qu'Oscar prendra une balle, sentant la vie quitter son corps, il se raccrochera à une toute petite parcelle de celle-ci pour continuer à "vivre" et veiller sur sa soeur.

Gaspar Noé, réalisateur de l'étrange

Noé est connu, réalisateur du sulfureux, irréverencieux et violent Irreversible. Je dois me confesser avant de continuer. N'ayant pas vu ce métrage, son interêt me semblant encore à prouver, je ne pourrais comparer son style ni voir si l'on retrouve les thêmes abordés dans Enter The Void. 

il est aussi le réalisateur de Seul contre Tous, film de 1999, chronique d'un boucher.

Gaspar Noé est de ces réalisateurs divisant énormément, l'interêt de ces films étant à chaque fois pointés du doigt.  Vide de sens pour certains, moches pour d'autres ou alors beaucoup trop jusqu'au boutiste pour une partie du public. Il suffit de voir à quel point la fameuse scène du "viol" dans Irreversible continue à alimenter les débats. Il est d'ailleurs drole de voir que le film ne se voit résumer la plupart du temps que par cette scène. On entend souvent ce genre de conversations :

- T'as vu Irreversible ? J'en entends beaucoup parler.

- Quoi ? Ce film ? Avec la scène du viol ? C'est un film de malade, faut pas le voir. 

Ce qui va me pousser à tenter de récuperer le DVD pour pouvoir enfin voir ce film et m'en faire mon avis. Mais bref ! Passons. Ce réalisateur semblant à certaines occasions, incarner le vilain petit canard du cinéma Français. 

Un film d'une beauté hypnotisante

S'il est un film que l'on doit saluer, ne serait-ce que par la prouesse technique qu'il sous entend ou bien une mise en scène bluffante, c'est Enter The Void. Prenant le parti prit de situer la caméra soit en vue dite subjective, à savoir les yeux de l'acteur en tant que caméra ou alors en la plaçant juste derrière le protagoniste. Durant une bonne partie du film, on incarne le héros, on vit en lui. 

Saluons aussi la fluidité permanent de la caméra, voltigeant littéralement autour des acteurs, passant entre les décors sans coupure visibles, multipliant les changements de lieux, d'acteurs de manière tout à fait naturel. 

Le tout s'avère déroutant au début, n'étant pas habitué à un film ou la caméra est l'acteur, j'ai du m'habituer doucement, le plus dur fut les clignements de yeux retranscrit par la caméra. 

Vient s'ajouter à cette prouesse filmique, des décors magnifiques. Jouant sur la ville de Tokyo et cet aspect de cité ne dormant jamais, Noé nous plonge dans une mégapole lumineuse, pleines de couleurs, mélangeant le jaune, violet, vert et rouge ensemble. L'imagerie du film faisant penser à un long trip lors d'une prise d'hallucinogénes. Tout est sublimé par les couleurs, chaque décors prenant vie devant nos yeux. Et le tout fonctionne à merveille, on ne tombe jamais dans le kitch ni dans l'abus de couleurs poussant à aller vomir par les yeux. 

Soyez tout de même prévenus, la surabondance de couleurs peut tout de même déranger, certains n'y verront que de l'aggressivité visuelle, de l'acharnement à nous faire perdre la vue par un excés de couleurs, un trip sous acide où vous ne redescenderez jamais. Enfin, vous m'avez compris.

Une grande histoire d'amour

Parce que oui, c'est sympa tout ça, le film est beau et emmène la mise en scène dans d'autres galaxies mais est-ce qu'il y a un propos derrière ? Au moins une petite idée ? 

Et du propos, il y en a dans le film et pas qu'un peu. Même s'il est difficile de le voir au début. On pense voir un film juste beau visuellement, puis, tout doucement le film commence à distiller quelques idées, quelques pistes, que le spectateur doit récupèrer pour réfléchir sur le sens de tout ça.

Partant du postulat de ce jeune frère se faisant abattre au début du film, Enter The Void va nous conter pendant prés de 2h40 une belle histoire d'amour. Enfin, belle, pas vraiment mais une histoire d'amour en tout cas. Oscar refusant de quitter ce monde, refusant de laisser sa soeur venue exprès pour le rejoindre. Il se verra ainsi vaquer en tant qu'âme dans notre monde pour surveiller sa soeur, la soutenir, tout en revivant à intervalles réguliers les moments marquants de sa vie.

Il est ainsi question de ce frère, aimant sa soeur d'un amour bien étrange, d'une soeur tout autant paumée, voyant en son frère l'homme idéal. Oscar jouant ainsi le role de frère protecteur et aimant mais aussi d'amoureux transi et jaloux de ceux s'approchant de sa soeur. Cette vision se retrouvant validée par la scène ou Oscar "possédera" l'homme faisant l'amour à sa soeur pendant quelques secondes. Comme si par cet acte se concretisait une envie au  fond de lui. 

Il est aussi question de jeunesse volée, d'enfants privés par la mort prématurée de leurs parents, d'une enfance heureuse. Devant par la force des choses, grandir plus vite que prévu, sans repéres, sans personne en tant que modèle de vie. Se forçant à devenir adulte dès le plus jeune age, l'un, pour soutenir sa soeur et la protéger quoiqu'il arrive et l'autre pour grandir et quitter ce monde d'enfance. De cette "jeunesse" naitra deux adultes encore enfants, paumés, refusant toute responsabilité, comme s'ils cherchaient tous deux à revenir à l'état d'enfant. 

Noé évoquera avec talent, l'acceptation de la mort, s'autoriser à quitter les autres, à les laisser faire le deuil de la personne, les laisser vivre avec la perte de quelqu'un. Partir ainsi sans regrets. Cela sera retranscrit dans le film par Oscar en tant qu'âme, refusant de quitter ce monde, refusant de laisser sa soeur qu'il voit encore comme une enfant, refusant d'accepter qu'aussi difficile que cela puisse être, elle sera capable de faire le deuil. L'idée de l'âme restant dans ce monde sera représentée de manière intelligente, Oscar étant hypnotisé par chaque lampe ou source de lumière dans le film. Représentant ainsi cette grande lumière que voit les morts avant de partir. 

Des acteurs, de la musique et pleins d'autres trucs !

Le film est ainsi porté par d'excellents acteurs, mention spéciale à la magnifique Paz de la Huerta, sublime en soeur perdue dans la grande Tokyo. Nathaniel Brown est aussi excellent même si peu présent pendant une partie du métrage, seul sa voix résonnant durant le film. Chaque second rôle remplit parfaitement son boulot même si certains semblent toutefois moins bons. 

Rien à redire sur les musiques, oscillant entre techno aggressive et musique classique reposante. 

Un film parfait alors ?

Pas vraiment. Enter The Void souffre d'un gros défaut, sa longueur. Beaucoup trop long à certains moments, trop prétentieux sur certaines scènes, le film se perd en élucubration visuelle et perd ses spectateurs à certains moments. Il aurait été judicieux de raccourcir un tout petit peu le film. Notez que le DVD propose une version courte, raccourciçant le film d'une bonne vingtaine de minutes. 

De plus, certains délires visuelles semblent à certains moments, présents, simplements pour rallonger le film ou appuyer de manière assez lourdes sur une idée. Le problème étant qu'une fois l'idée assimilée, il est désagréable de voir le réalisateur appuyer de nouveau dessus. Bon, au moins il est gentil, il mattraque bien le truc au cas ou certains n'ont pas pigés l'idée. 

Le film est assez long à se mettre en place, on dérive un peu au début et on ne sait pas vraiment à quoi s'attendre. De plus, le générique d'intro en découragera plus d'un à mon avis. 

En conclusion !

Enter The Void reste un grand film, visuellement bluffant, bourrés de bonnes idées, d'une mise en scène magnifique ainsi que diverses propos très intéressant. Malheureusement, le film est long, trop long diront certains, lourd à certains moments et demande donc d'être pret avant d'être vu. 

Un film à voir. Au moins une fois, ne serait-ce que pour contempler un beau film.