Je viens de découvrir la face cachée de ma Wii U achetée à Noël 2012, et ne m'ayant réellement servi que pour Noël 2012 en famille. S'en suit alors le désert ludique de cette machine... jusqu'à cette semaine.

Aujourd'hui 38 ans, j'ai découvert le jeu vidéo sur l'Atari 2600 que m'a offert mon père à mon 7e anniversaire. J'ai ensuite roulé ma bosse sur l'Amstrad CPC de mes cousins, l'Amiga 500 de mon ami d'enfance, le 386 de ma chambre d'adolescent, les consoles SNES et Megadrive de l'époque. Je ne vous parle pas des Gameboy, Playstation et consort. Ces dernières années, je passe plus mon temps à acheter des jeux qu'à y jouer, la vie ne me laissant plus assez de temps pour m'y consacrer pleinement. Chaque moment manette en main est un petit sacrifice de disponibilité que je pourrai utiliser à d'autres occupations. Les FPS et les jeux de sport ne m'inspirent pas, je ne prends pas de plaisir avec les jeux de stratégie, les jeux on-line ne m'attirent pas. Reste quand  même l'envie de connaitre le plaisir qu'ont ressenti des millions de personnes avec les sagas annuelles comme Assassin's Creed. 

Pour la soirée de Noël un cousin (adulte) me demande de lui prêter une Super Nintendo avec Mario Kart et quelques jeux pour qu'il passe du très bon temps avec ses amis. J'adore le retrogaming, et je comprends son enthousiasme.  Je ressors donc la console, les câbles, les manettes et les jeux. Petit test de mise en route sur la TVHD pour être sûr que tout est en marche. Le cable Péritel s'enfiche un peu à tâton derrière la télé, plaquée près du mur. J'insère une cartouche dans la console, je branche le transformateur sur le secteur, j'allume l'appareil. Le voyant rouge dans le coin s'illumine... Et le drame survient : l'écran reste noir. J'essaie d'autres cartouches, vérifie le câble video, rien n'y fait. Le réflexe de l'adolescent des années 90 refait surface: je souffle dans la cartouche et sur le port de la console. Un geste qui me rappelle des souvenirs. Finalement quelques tentatives débrident la console et le logo Nintendo pixelisé apparait. Quel soulagement... jusqu'au moment où l'on me demande d'appuyer sur Start. Sur quatre manettes, seuls deux ont un bouton Start fonctionnel, à condition d'appuyer de toutes ses forces, au risque de plier le plastique en deux. Puis la déception du vieillissement matériel : les directions sont dures à actionner. Le changement de jeu nous ramène sur ce redouté écran noir. De nombreuses tentatives sont nécessaires pour faire démarrer Super Street Fighter II. Les boutons Start font encore des siennes, les quarts de cercles ne veulent rien entendre et les Hadoken peinent à sortir des mains de nos combattants. Les années ont eu raison du matériel. Quelle tristesse.

Pour me consoler, j'entreprends d'entrer dans l'eShop de ma Wii U, pour je ne sais quelle raison. Je reluque pour la n-ième fois Zelda A link to the Past et Super Mario World, dans la rubrique Virtual Console. 7,99 euros chacun, cela représente tout de même une somme. Reporté au prix de la cartouche lors de sa sortie, 450F, l'actuel prix parait pourtant une misère. Or, la déception de ne pouvoir y jouer avec la véritable Super Nintendo et sa manette historique me pousse à les acheter. Le téléchargement se fait quasiment instantanément. Je lance Zelda pour me convaincre que son achat n'était pas une bêtise.  Cet instant me marquera sans-doute longtemps, ne m'attendant pas à ce qui va suivre.

Les premières notes de musique retentissent quand les trois triangles de la triforce se regroupent au centre de la TV. Les cuivres synthétiques tonnent, et l'épée Excalibur, ou Master Sword de son nom anglophone, tombant du ciel avec le fameux  son clinquant, achèvent l'introduction. Tout à coup un sentiment de bien-être m'envahit. Les cinq premières minutes confirment mon ressenti: je tombe en pleine nostalgie. Chaque instrument du synthétiseur interne de l'émulation me rappelle les moment de ma vie quand je jouais à ce jeu sur la télévision familiale, dans le salon. Chaque sprite me rappelle cette époque, des images réapparaissent dans ma tête. L'émotion survient à chaque recoin du château d'Hyrule. Je ne parle pas là de larmes aux yeux, bien sûr, mais de tendresse. Je me retrouve en pleine séquence "Dominique Bretodeau' d'Amélie Poulain, mais en moins romancé, plus réaliste. Les consoles 16 bit n'étaient pas assez puissantes pour le photo réalisme, les designers de l'époque étaient contraints au design cartoon, que ce soit dans le graphisme ou dans les dialogues. Pas de roman pour raconter l'histoire comme aime faire Kojima, toute tirade tient ici sur quelques lignes. Le père a beau agoniser dans un sous-sol du château, avec juste assez de souffle pour transmettre son épée à Link, la seule réaction de ce dernier montré à l'écran est cette posture de victoire brandissant l'objet légué, sans se soucier de la mort du père. J'aime cette naïveté intrinsèque aux limitations 16 bit. Cela s'apparenterait à des enfants mimant des adultes. Ici, les gardes disparaissent une fois vaincus, les feuilles des arbustes découpés volent le temps d'une seconde pour disparaitre ausitôt, l'animation de Link poussant le blason du passage secret est la même que celle où il marche. On ne peut pas faire mieux, par manque de place dans la RAM de la SNES. La démarche de Link me fait même penser à celle Woody dans Toy Story, courant en sautillant et agitant des bras. 

Je n'ai pas rejoué à cette oeuvre depuis que j'ai acheté ma PSX en 1997. 15 ans déjà. Le revoir, le rejouer me procure probablement autant d'émotion que si je pouvais revisionner ma VHS perdue des 101 Dalmatiens et de Peter Pan avec le doublage d'époque (emblématique Roger Carel). Chaque nouvel écran me réchauffe le coeur, me faisant prendre conscience que je les avais complètement perdus de ma mémoire. La libération de Zelda, le gros garde devant la cellule tournoyant son arme, la recherche du passage secret derrière le blason, l'arrivée dans l'église avec sa musique de choeur à la fin de l'échapée, les discussions avec les habitants du village, cette musique de donjon, ... Tout était oublié, et tout est redécouvert avec tendresse. 

Super Mario World m'a fait le même effet, avec ces collines en background, ces dragons bipèdes tout droit sortis d'un livre pour enfant dans le premier niveau, l'ajout des percussions quand on chevauche Yoshi, ... et cette musique dans les grottes! 

Qu'importe que Zelda tourne en 50 Hz sur Wii U. Qu'importe ce prix de 7,99 euros quand on se dit que ces jeux ont déjà été rentabilisés en leur temps. La nostalgie est là. J'ai pourtant déjà joué aux émulateurs sur PC. J'ai acheté une GP2X Wiz et une PSP craquée pour lancer leurs émulateurs Snes9x. Mais les problèmes de screen tearing, la taille de l'écran de la Wiz et de la  PSP, l'OS du PC, l'obligation de se promener dans les options pour optimiser le soft, ... tout me rappelle que je ne suis pas sur une SNES. La Wii U a pour elle la garantie que tout est déjà optimisé pour rester la plus fidèle à l'original. Sur grand écran dans le salon, je retrouve les conditions de jeu de mes 15 ans. J'allume la console et 30 secondes après je suis dans le jeu. On n'atteint pas le démarrage immédiat de la SNES de l'époque, mais aujourd'hui celle-ci a des difficultés ne serait-ce qu'à s'allumer correctement. 

Je pense que ces deux jeux Zelda et Super Mario World ont vraiment cet effet sur moi car ils ont fait partie de ma vie. J'avais déjà acheté Super Metroid pour 0,30 euros sur l'eShop, mais ne l'ayant pas possédé dans mon enfance, il n'a pu réveiller tous ces mêmes souvenirs. Je joue donc à ces deux jeux, non pas pour leurs qualités ludiques indéniables, mais pour me rappeler ces petites tranches de vies, adolescent chez mes parents, me rappeler la musique que j'écoutais ("De La Soul is dead", "Qui sème le vent récolte le tempo", "Losing my religion", ... Jimmy Jay, si tu m'entends... ), les personnes que je cotoyais et qui ont depuis disparu de mon quotidien pour toutes les raisons de la vie. Je ne dis pas que les jeux HD ne peuvent égaler ces jeux 16 bit. Red Dead Redemption, Ico, The last of us, Ninokuni, The walking dead et associés sont des moments forts pour moi. Les jeux 16 bits sont juste une autre facette du jeu video. Un peu comme nos parents mettant Radio Nostalgie dans leur voiture, non pas parce qu'ils adorent la playlist, mais parce que l'entendre leur permet de revivre leur passé. Dans 15 ans peut-être, John Marston et Ellie me procureront les mêmes sentiments. 

Aujourd'hui, ma Wii U, c'est juste ma madeleine de Proust. Pour cela, je ne regrette pas son achat.

 PS: Je ne résiste pas à l'envie de partager ces publicités que j'avais connu à la télévision du temps où "Le prince de Bel-Air" passait sur France 2 et où Sangohan se battait pour la première fois contre Cell dans le Club Dorothée. Elles ont sûrment déjà circulé sur Gameblog.