Hello tous,

A 37 ans, je me considère un peu comme un papi gamer. J'insiste sur le papi, même si cela ne me plaît guère. Plus tout-à-fait les mêmes réflexes sur Counter-Strike, où je me fais désormais copieusement démonter par la jeune génération - qui ne sait pas ce qui l'attend, je me console comme je peux -,  plus vraiment en mesure de tenir la cadence en termes d'APM (actions par minute) sur des productions comme Starcraft 2. Mais on fait avec, on apprend à prendre la chose avec philosophie.  Avec l'âge, les réflexes s'émoussent un peu (beaucoup), quoiqu'on en dise, et l'on se met à penser au jeu vidéo différemment. On ne cherche plus nécessairement à scorer, à battre des records, à boucler un titre à 100% parce que l'on met un point d'honneur à glâner tous les trophées. Je n'étais déjà pas fan de cet esprit ultra-compétitif plus jeune, je vous laisse imaginer ce que ça peut donner chez un mauvais perdant congénital à l'aube de la sénilité.

L'un des trucs positifs avec le poids des années, en revanche, c'est qu'on devient peu à peu une encyclopédie de l'époque durant laquelle on a mûri. Pour moi, ce fut les années 1980 et le début des années 1990. Van Halen, The Clash, les Stones, Pink Floyd, AC/DC, les Pixies, U2 dans ses meilleures années... Fan de rock, je suis né pile à la bonne époque pour en profiter, j'ai vu pas mal de ces groupes sur scène et c'est un pan de culture que l'on ne pourra plus me retirer - enfin, sauf vieillissement non souhaité, cf sénilité. J'ai profité des premiers pas de Stephen King en tant que romancier à succès, j'ai lu Clive Barker alors qu'il était au summum de son art. J'ai appris à regarder le sida droit dans les yeux en suivant le journal de 19h sur FR3 ou le JT de la défunte 5. Au ciné, j'ai emballé des filles sur Les nuits fauves, j'ai pu profiter sur grand écran, avec les copains, de L'arme fatale, d'Indiana Jones et le temple maudit (et La dernière croisade, hein), mais aussi de Predator et de Terminator 2, de la trilogie Retour vers le futur, d'Aliens, de Platoon, Full Metal Jacket (merci papa) et, un peu plus tard, du dernier Kubrick Eyes Wide Shut (pas trouvé de copain pour le voir, celui-là. Les cons). Ah, et sportivement je fus témoin de l'époque où le Racing Club de Strasbourg jouait dans la cour des grands, mettant même la fessée, à l'époque, aux Glasgow Rangers, à Liverpool et au gigantesque Milan AC. Le club est en CFA 2  aujourd'hui. Fin de la parenthèse.

Vous me voyez venir, hein ? Les années 1980, ce sont aussi les grandes années du jeu vidéo naissant,  l'époque de la Master System, de la NES, de l'Atari 800 XL ou VCS 2600 ou VCS 7600. Ce sont les années de l'Amiga 500 (auquel j'ai consacré un post récemment), du CPC 464 et 6128, de l'Atari 520 ST (e ou f). Ce sont aussi les années de Sodipeng et de l'arrivée en France, grâce aux efforts de cette petite société, d'un drôle de boite plastifiée qui allait marquer les joueurs à jamais : la Nec PC-Engine a vu le jour au Japon en 1987, fut distribuée officiellement par chez nous dès 1989, et a enterré aussi bien la génération des 8 bits que celle des 16 bits, sur bien des aspects.

Pour ma part, je n'ai jamais possédé de PC-Engine dans mes jeunes années. Mais j'ai souvent rêvé devant les écrans qui en dévoilaient les atours. Je me souviens de ce Noël 1989, par exemple, dans les allées de la FNAC Strasbourg. Une PC Engine tournait en boucle avec le tout récent PC-Kid. Je ne me lassais pas de rester devant l'écran de longues minutes. Sur un tube cathodique, la PC Engine affichait un rendu graphique impressionnant, et surtout proposait une fluidité inédite à l'époque pour qui  n'avait alors eu  devant les yeux que les productions console de la Master System et de la NES. La Megadrive sortirait seulement l'année suivante, et la Super Nes suivrait encore plus tard. C'est dire l'avance technologique que possédait cette petite 8-16 bits nourrie aux hormones, avance encore accentuée, très vite, avec l'arrivée du CD-ROM System 2 alors que la concurrence s'encombrait encore de cartouches. Si NEC n'a pas écrasé ses rivaux à l'époque, c'est à mon sens pour une double raison : la première tient à ce que la firme nippone n'a jamais réellement souhaité s'imposer à l'international (la France est même le seul pays qui, grâce à Sodipeng, a pu bénéficier d'une distribution officielle de la console!). La seconde, c'est qu'il est parfois dangereux d'être trop en avance sur son temps.

Je ne reviendrai pas, ici, sur les multiples versions de la console qui ont vu le jour jusqu'à l'arrêt de la production en 1994. Duo, Duo-RX, Supergrafx, LT ou portable de rêve GT... Tous ces modèles n'ont connu qu'une visibilité toute relative dans notre pays, les magasins proposant ces hardwares se faisant rares à l'époque. Pour ma part, j'avais alors succombé aux sirènes de la Neo-Geo, ce qui avait rendu l'acquisition d'une telle machine un tantinet secondaire. Reste que ce PC-Kid continuait à me faire rêver. Vous voyez, le genre d'impression qui vous marque, le souvenir que vous enjolivez au fil des années. PC-Kid est devenu mon mythe, et c'est PC-Kid qui, finalement, en est arrivé à me faire craquer.

Voici un peu plus d'un an et demi, j'ai donc franchi le pas en profitant d'une belle opportunité. Une Nec Duo-RX me tendait les bras, et j'ai cédé. Pendant plusieurs mois, j'ai donc profité de la ludothèque opulente de la belle, principalement sur CD. Pourtant, je ne retrouvais pas la patine de ce PC-Kid tel qu'il subsistait dans ma mémoire. J'ai fini par me séparer de la machine, un peu frustré. Ce qui me valut à l'époque de copieux sarcasmes de l'ami Dopamine, puis une bonne crise de culpabilité.

J'ai voulu comprendre la raison de ce mariage raté, alors qu'il avait tout pour durer. Alors j'ai cherché, et cherché encore. Pour finalement découvrir grâce à des connaisseurs, voici un peu moins d'un mois, que la console qui tournait à la FNAC lors de mon premier contact avec la machine n'était sans doute pas une Coregrafx adaptée par Sodipeng (deuxième version de la console, transformée pour convenir au standard SECAM 50hz des écrans français à l'époque). Il devait s'agir d'une PC-Engine japonaise, premier modèle, de couleur blanche. La particularité de la machine tient de fait à sa sortie vidéo : conçue pour délivrer son signal sur antenne, la première PC-Engine avait rapidement été dotée d'une extension dénommée AV Booster, d'ailleurs indispensable pour fonctionner sur les écrans européens. L'AV Booster se connectait au bus extérieur présent à l'arrière de la console, et avait pour principal avantage de délivrer une image plus nette et plus fluide que celle proposée par un signal AV standard, en vigueur à partir de la Coregrafx.

 

Heureux hasard, une telle machine était justement en vente sur un forum de passionnés. Mon sang n'a donc fait qu'un tour, j'ai fait l'acquisition et la console est arrivée au courrier. Depuis, je revis enfin mon souvenir de jeunesse tel qu'il était gravé dans ma mémoire. Les cartouches de PC-Kid et PC-Kid 2, que j'avais achetées lors d'un voyage à Tokyo et soigneusement conservées dans ma ludothèque même après la revente de la Duo-RX, sont un véritable régal pour tout fan de retrogaming qui se respecte. Et il y a un bonus : Ninja Spirit, le plus grand jeu de plate-forme de l'ère des 8 et 16 bits, dont je ne pense pas un jour pouvoir me lasser.

 

Si tout va bien (remboursement de l'emprunt voiture bouclé, augmentation de salaire grapillée...), j'espère pouvoir retourner au Japon d'ici le printemps prochain. Entre deux escales nature, il tombe sous le sens que je ferai halte à Akihabara et à Nakano pour enrichir ma ludothèque de quelques cartes de jeu bien choisies ( qui a dit Jackie Chan ? ^^ ). Car les jeux NEC voient leur cote monter, eux aussi, dans les quelques enseignes qui en proposent encore dans notre joyeux pays. Si l'envie vous titille de vous intéresser de plus près à cette glorieuse page de l'histoire vidéoludique, je vous suggère de fait de ne pas trop tarder, ces consoles prenant désormais régulièrement de la valeur (leur cote ne baissera plus, soyez en sûrs). Bientôt, toute cette affaire risque de passer hors budget.