Salut à tous,

Le mensuel Sciences et avenir, dans son numéro de mars, s'est offert une "Une" qu'on ne voit pas tous les jours. Sur fond blanc, des lettres noires et rouges qui disent "On a créé le virus le plus dangereux au monde". Forcément, j'ai été interpellé. Et je me suis précipité sur les pages du dossier de 7 pages consacré au sujet. Une lecture qui m'a fait froid dans le dos.

"Deux substitutions d'acides aminés au niveau du brin codant pour la polymérase PB2, du clivage de quelques autres sur le brin codant pour la protéine Ha ainsi que sur celui de NS1". Ces quelques manipulations ont suffi au laboratoire de Ron Fouchier, l'Erasmus Medical Center de Rotterdam, pour transformer l'inquiétant virus de la grippe aviaire, ou H5N1, jusqu'ici peu transmissible à l'homme, en une souche hautement contagieuse et transmissible entre humains par voie aérienne. Les propriétés du virus, à savoir sa mortalité pour 60% des infectés, sont intactes. Vous avez bien lu. Une découverte que le New York Times a récemment qualifié de "création du Jugement dernier".

Le magazine fait le point sur les étaps de la création, et sur les motivations du laboratoire, qui explique avoir souhaité mener ces recherches pour identifier les mutations possibles du virus, et donc pouvoir les anticiper dans la nature tout en travaillant sur la création d'un vaccin.  Problème, la création de ce super-tueur a également alarmé la communauté scientifique internationale, dont une bonne partie estime aujourd'hui que ces recherches d'"apprenti-sorcier" n'auraient jamais dû être menées. Le super-virus, qui plus est, a été élaboré dans un laboratoire de niveau P3, certes réservé aux études sur des souches dangereuses, mais loin du niveau de sécurité maximal qu'offrent les laboratoires P4 (une vingtaine dans le monde, dont un à Lyon). Double crainte à la clé, donc: avec la publication des résultats, le virus pourrait intéresser le bio-terrorisme -ce qui a d'ailleurs amené le NSAAB (National Science Advisory Board for Biosecurity) à demander la censure de certains passages de l'étude publiée par Ron Fouchier-; surtout, personne n'est jamais à l'abri d'une fausse manipulation et donc de la lilbération par erreur de ce super-H5N1 dans la nature. Avec des conséquences qu'on imagine désastreuses.

Fallait-il mener ces recherches ? C'est la grande question. Mais à présent, une autre interrogation pointe à l'horizon: que faire de ces données, comment les diffuser sachant que la censure de l'autorité fédérale américaine a également suscité une levée de boucliers chez une partie des chercheurs ? La seule solution serait de sortir par le haut de cette situation, en développant un  vaccin "capable de neutraliser toutes les souches virales. C'est possible", affirme le prix Nobel de médecine 2008, le virologue Luc Montagnier, qui fait partie de ceux qui pensent que "ces travaux n'auraient pas dû être menés".

Je vous renvoie au dossier de Sciences et Avenir, absolument passionnant pour qui s'intéresse aujourd'hui aux enjeux de la recherche et de la connaissance. Le magazine coûte 4 euros, et a bien besoin de lecteurs. C'est à peu près le prix d'une bière à Paris...