zelda
 
Le site Glitterberri.com a eu la bonne idée d'exhumer d'un lointain passé l'interview accordée en 1991 par Miyamoto à un journal japonais. Une mine d'informations est à piocher, surtout des anecdotes. Elles révèlent l'adoption d'une organisation de travail pas si éloignée des exigences professionnelles qui ont cour de nos jours.
 
Le génial créatif parle des projets parallèles qui gravitent autour de la licence phare Mario. Le second volet de la franchise Zelda promis à un avenir radieux a été réalisé en même temps que Super Mario World. Après quelques impératifs calendaires, A Link to The Past << devait sortir en mars, la date a finalement glissé pour les vacances d'été pour en fin de compte célébrer le premier anniversaire du lancement de la Super Nintendo (au Japon). >> Cette organisation évite une mobilisation de toutes les ressources humaines en direction d'un seul projet : << nous ne consacrons pas trop de temps sur un jeu ni même nous n'enrôlons pas une armée de programmeurs dédiée à un seul titre. >> Dans un premier temps, une petite équipe travaille sur un projet pendant une année. Elle constitue le noyau dur d'une plus large équipe dont les rangs sont amenés à grossir afin de parfaire les derniers détails << durant environ huit mois >> précise le créatif.
 
Dans une ambiance décontractée loin de la lourdeur des protocoles actuels : << nous commençons en petit comité par expérimenter une tonne d'idées folles avant que le projet ne prennent véritablement forme. >> Discuter en petite assemblée de la faisabilité des idées évite dès le départ de confier à un très grand nombre de personnes : << une grosse quantité de travail à ne plus savoir qu'en faire >> prévient Miyamoto. La méthode de production la plus sage consiste donc à évaluer la puissance effective de la console afin de répartir au plus juste les tâches à effectuer.
 
Pendant le développement marathon du jeu, l'implication de Miyamoto a été sans relâche, jusqu'à provoquer quelque interrogation sur son état de santé : << les gens me demandaient "comment vas-tu tenir si tu ne rentres pas chez toi ?", mais je tenais à les rassurer, je m'attachais toujours à respecter mes huit heures de sommeil sans quoi je serais tombé de fatigue. >> Une discipline de vie professionnelle que le game designer a veillé à être respectée par ses collaborateurs, davantage par souci de productivité que par élan humaniste : << l'élaboration d'un jeu ne progresse qu'avec le repos, je me suis personnellement assuré que les programmeurs respectent cette hygiène de vie. >>
 
Sans oublier tout de même l'obligation qui leur est faite de ne pas compter les heures passées au bureau : << ce n'est pas très intéressant d'avoir du personnel qui n'a que cette idée en tête "il est temps de rentrer à la maison, à demain tout le monde". Si une personne s'absente de son bureau parce que la journée est finie alors que ses collègues sont toujours au travail, leur réaction sera de se demander "mais qui est ce type ?". >>
 
Après les à-côtés du développement du jeu, Miyamoto converse sur les bénéfices qu'apportent la Super Famicom : << les contraintes matérielles nous avaient interdits d'aller jusqu'au bout de nos aspirations lorsque nous avons réalisé le premier épisode de Zelda. Par exemple, à l'entrée du donjon du niveau 7, nous avions juste eu la possibilité de changer la couleur de la terre lorsque celle-ci était imprégnée d'eau [...] vous aviez la possibilité de brûler les petits arbustes mais notre intention était aussi de vous donner la possibilité d'en embraser de plus grands. Il y avait beaucoup de petits détails comme ceux-là. >>
 
Inversement, le surcroît de puissance soulève également des problèmes : << avec un visuel qui a gagné en précision, je voulais que les animations du personnage soient plus évoluées. Par exemple, il manquait dans l'épisode 1 la possibilité de porter des coups d'épée en diagonale. Au moment où nous avons appliqué cette habilité, la jouabilité en a été affectée. >>
 
La multiplication du nombre de boutons de la manette SFC a en outre posé des problèmes d'affectations des tâches : << nous avons procédé par tâtonnement dans l'assignation des boutons [...] c'est une source d'inquiétude de se représenter la manière dont le joueur appréhendera la jouabilité [...] il y avait des membres de l'équipe qui s'étaient opposés à la configuration des touches quant à la façon de tirer un levier. Il aurait simplement suffit d'appuyer sur le bouton "A". Cependant, la sensation de tirer un levier serait totalement absente [...] en combinant cette action avec les touches directionnelles de la manette, les joueurs peuvent décider eux-mêmes vers quel sens ils doivent effectuer cette opération. Ce qui est nettement plus gratifiant. Il nous a fallu beaucoup de temps pour matérialiser ce sentiment d'accomplissement. >>
 
En fin d'interview, il résume sa philosophie de travail qui prend les atours d'une leçon de classe : << vous ne pouvez pas réaliser des jeux qui se fondent uniquement sur les rêves et l'espérance. Vous avez l'obligation de respecter la cohérence du programme [...] avec vos idées [...] il appartient au concepteur d'imaginer la manière de les compiler dans un programme. J'ai la certitude que c'est dans l'agrégation d'idées au programme que réside la force d'un jeu, pas dans l'imagination et la créativité. >>
 
A méditer.