Aux antipodes des déclarations assassines d'un Kenji Inafune à la recherche de lumières médiatiques, beaucoup de développeurs japonais opposent un sens nettement plus pédagogique à l'appréhension de la crise de créativité qui frappe l'archipel. C'est le cas d'anciens collègues d'Inafune justement, au premier chef Masachika Kawata, producteur de Resident Evil Mercenaries chez Capcom.
 
Au troisième jour du GDC, ce dernier a brillamment passé son grand oral. Cette tribune est effectivement l'occasion rêvée pour Kawata d'exposer la stratégie de l'éditeur qui se signale par l'adoption d'une politique de production calquée sur une méthode de développement agricole séculaire, le Nimousaku que l'on peut traduire par culture parallèle. Durant ces deux dernières années, la hausse vertigineuse des coûts de fabrication a forcé Capcom à revoir en profondeur l'organisation du travail afin de dégager de nouvelles approches managériales. Le pragmatisme prime désormais sur la standardisation des dispositifs de création.
 
Cette technique de développement analogue a été expérimentée lorsque la mise en chantier des épisodes Mercenaries et Revelations sur 3DS a été décidée par l'état-major de l'éditeur. << La procédure de base est au coeur du concept de Nimousaku >> insiste Kawata. C'est un terme emprunté à la sémantique agricole qui se réfère à un savant ordonnancement de la culturation d'un lopin de terre sur une période donnée : << en 2012, nous avons commencé avec le pôle Recherche & Développement la mise en pratique de cette organisation du travail en créant une base commune aux deux titres. L'équipe s'est ensuite divisée en deux groupes distincts, précise le créatif. L'un était dédié à Mercenaries tandis que l'autre s'afférait à l'écriture du scénario de Revelations. >>
 
Cette rationalisation de l'appareil de production offre l'opportunité à Capcom de diminuer le coût de fabrication d'un jeu ainsi que de diluer le risque économique. Il poursuit : << nous avons décidé de faire de l'épisode Revelation un jeu d'horreur construit autour de lieux confinés à l'action posée. A contrario, Mercenaries se positionne comme un titre dynamique aux environnements ouverts dans lesquels l'action est effrénée. Grâce à cette méthode de travail, nos coûts de production étaient couverts, les briefing écourtés >> se réjouit Kawata. Caractère ludique distinctif mais mutualisation des technologies, ceci représente la première phase de l'étape de production de Resident Evil sur 3DS.
 
La décision d'externaliser la réalisation du jeu est intervenue très tôt dans le processus de production : << c'était quelque chose d'inhabituelle pour nous. Plutôt que sous-traiter l'ensemble du déroulement du titre, nous avons délégué une partie des tâches à accomplir. Personnellement, je pense que cette approche croisée a été très bénéfique pour Capcom, notre démarche qualité a été préservée. >> Le créatif fait sûrement référence aux deux malheureuses expériences rencontrées par l'éditeur quelques années plus tôt. La réalisation de Bionic Commando et de Dark Void avait entièrement été prise en charge par des studios occidentaux pour un résultat loin d'atteindre les standards qualités que s'imposent l'éditeur nippon. Les valeurs sûres telles que les franchises Resident Evil sont désormais la chasse jalousement gardée de Capcom.
 
Il termine son allocution par une parabole difficilement saisissable : << ce genre de jeux incarne l'art japonais du Makunouchi Bentou (une sorte de Happy Meal du McDo). >> On retrouve généralement des ingrédients divers et variés à l'intérieur de cette boîte de petite dimension conçue pour le déjeuner. << Nous avons la fierté de croire que nos compétences sont emballées au coeur d'une variété de talents délimitée dans un petit espace. Il en est de même pour la 3DS. Nous japonais, avons la faiblesse de croire en notre habileté à travailler dans un océan de contraintes. >>