Le règne absolu des consoles de salon aura vécu. C'est la thèse désespérante des prophètes de malheur, toujours prompts à imaginer que les modèles industriels des constructeurs traditionnels reposent sur des fondamentaux économiques vieillissant et voleront en éclats face au dynamisme assassin des smartphones et autres tablettes.
 
A les entendre, les grands acteurs de cette industrie seraient presque obligés de s'excuser d'exister.
 
Sûrement fatigué de ces prises de parole à l'emporte pièce, de hautes figures de l'industrie montent au créneau pour défendre leur métier. C'est le cas de Yosuke Hayashi, responsable du studio vedette de l'éditeur Tecmo Koei, le Team Ninja : "je ne pense pas que les consoles sont amenées à disparaître de la scène vidéoludique. Il existe encore des millions de personnes jouant aux jeux vidéo avec une machine et un pad branchés à la télévision". Il en veut pour preuve le succès écrasant de la franchise Call of Duty Modern Warfare "jouée par des millions de personnes" et pesant plus de 6 milliards de dollars en valeur. Sa suite est de nouveau partie pour exploser les compteurs.
 
A l'inverse, les partisans de l'extinction des vieux dinosaures du jeu vidéo objectent un marché composé de plus d'un milliard de smartphones soit autant de joueurs potentiels, auquel il faudrait ajouter les jeux à navigateur web, autre bulle spéculative à avoir le vent en poupe. A cela, le président de Nintendo répond "la destruction de valeur" que représente cette activité dont le prix de vente unitaire d'un jeu dépasse rarement le prix plancher de 0,99€. Une valeur que Square Enix a toutes les peines du monde à justifier quand celui-ci propose une adaptation d'un épisode de sa franchise star Final Fantasy à près de 17€ sur smartphone...
 
La différence notable entre ces deux mondes qui se regardent dans le blanc des yeux, c'est la manière dont la personne appréhende une session de jeu. Sur smartphones, ce loisir est entendu comme passe-temps "durant la pause café" précise Warren Spector alors que sur console traditionnelle (salon ou portable) les joueurs sont disposés à fournir un investissement personnel plus engagé. C'est pourquoi la majorité silencieuse, celle pour qui cette guerre fratricide qu'imaginent avec mauvaise foi les petits studios (Zynga en tête) et autres analystes de comptoir (coucou Patcher !) n'a pas lieu d'être, bien au contraire. C'est la complémentarité qui est avancée.
 
Jusqu'à présent, Ubi Soft s'est montré parmi les éditeurs le plus prolixe dans ce domaine avec la prochaine complémentarité d'une future licence de poids sur console de salon, Watch Dogs, avec les smartphones et tablettes. On pourrait ajouter, le réseau tentaculaire tressé pour Fifa 13 par Electronic Arts ou l'insidieux portail ResidentEvil.net de Capcom.
 
A l'heure où l'action FaceBook casse ses plus bas presque tous les jours, c'est toute l'économie de ces jeux qui est remise en question. La dégringolade de Zynga est l'arbre qui cache la forêt d'un véritable désastre financier. Ce secteur est coupable d'avoir voulu grandir trop vite. Les déclarations désolantes des principaux partisans peuvent être interprétées comme un réflexe de survie.
 
Pour le nouveau maître à penser de la Team Ninja (Itagaki a été débarqué avec fracas), la menace qui pèse sur les consoles viendrait plutôt de l'intérieur. L'inflation galopante des coûts de production provoque une aversion au risque chez les éditeurs. Ces derniers seraient tentés de reproduire le même schéma vertueux si un genre de jeu venait à s'arracher : "si un seul titre cannibalise toutes les ventes, il mènera à sa perte l'industrie du jeu vidéo dans son ensemble" s'alarme le nouvel homme fort de Team Ninja. On peut malheureusement avoir un avant-goût de ce phénomène destructeur avec Electronic Arts, auteur de deux titres quasi identiques au CoD MW d'Activision. D'autres éditeurs avec une ambition moindre (2k Games avec Spec Ops) s'engouffrent dans cette dangereuse spirale.
 
Et cela, beaucoup de monde feint de l'ignorer.