Après une centaine d'heures sur le jeu, l'univers d'Hyrule ne m'a pas encore révélé tous ses secrets. En revanche, j'ai déjà suffisamment explorer plaines et montages pour pouvoir affirmer haut et fort : oui, Breath of the Wild n'est qu'un vil copieur original ! 

Bien que la polémique soit moins marquée que pour un Final Fantasy XV par exemple, Breath of the Wild est un jeu qui ne fait pas autant l'unanimité que ça parmis les joueurs, y compris ceux qui ont eu la bonne foi d'y jouer avant de le critiquer.

Accusé tour à tour de ne pas être un vrai Zelda, ou d'être une pâle copie sans aucune originalité des autres grands open worlds de ces dernières années, les joueurs les plus sévères ne manquent pas d'arguments à brandir pour tailler le dernier AAA made in Nintendo. Mais je vais prendre un malin plaisir à tailler ces explications en pièces, car si je comprends tout à fait qu'un jeu, aussi génial soit-il (ou pas), puisse ne pas être apprécié d'un joueur, encore faut-il le faire sur un fond d'arguments soient assumés comme subjectifs (les goûts, tout ça...), ou qui soient véritablement objectifs lorsqu'on le prétend !

Un faux Zelda ?

Le premier argument que j'ai pu lire contre Breath of the Wild est que le jeu s'éloignait trop de la formule de la série, et qu'au mieux il la dénaturait, au pire il la trahissait - carrément. Pourtant, on a bien notre trio Link/Zelda/Ganon ! Mais reprenons plutôt quelques nouvelles mécaniques qui lui sont reprochés.

La non-linéarité de l'aventure

D'aucun ont considéré que le fait de ne plus être conduits dans l'ordre des donjons, à l'instar de A Link Between World, marque la fin d'une époque pour la série. Mais si l'approche est effectivement en rupture avec la logique générale des grands opus invoqués par les fans, c'est oublié que des morceaux plus ou moins vastes de ces mêmes jeux phares étaient déjà soumis  à la non linéarité, et ce dès les années 1980 et 1990.

The Legend of Zelda premier du nom, n'interdisait nullement de commencer par les donjons deux ou trois, selon votre manière d'explorer la carte, et si certains items marquaient en effet un certain jalonnement de la carte (l'échelle ou le radeau par exemple), plus de la moitié du jeu  pouvait se déroulé dans l'ordre choisi par le joueur. Le numéro de chaque donjon s'affichait certes, me rétorqueront les plus acharnés contradicteurs, mais ils relevaient finalement plus d'un niveau de difficulté que d'un impératif d'ordre.

Si A Link to the Past ou encore Ocarina of Time se sont en revanche montrés plus dirigistes, c'est oublié encore une fois que plusieurs quêtes, tant des secondaires que des fragments entiers de la principale, pouvaient également être librement parcourus par moment. Et au final, j'aurais bien du mal à citer un épisode qui ait été 100% dirigiste du début à la fin de son aventure. Peut-être Majora's Mask et Link's Awakening ; et encore, en faisant fi de plusieurs passages, mais ils ne représentent pas à eux seuls l'ensemble de la série, aussi excellents soient-ils !

Le saut et le vol

On passe à un aspect moins critiqué, mais qui lui aussi ne consitue pas non plus une réelle nouveauté dans cet opus.

Si Link a gagné des aptitudes de sauts automatiques ou dirigés dès Legend of Zelda A Link to the Past, et dès son premier opus 3D, c'est un peu vite oublié que le saut contrôlé à fait son apparition dans la série sur deux épisodes de l'ancienne garde : le très décrié (et incompris) The Adventure of Link, et le classique mais onirique Link's Awakening.

Que ce soit lors des phases de side scrolling du second épisode sur NES ou sur la carte "vue de dessus" du bel opus Game Boy, le joueur avait (ou acquérait via un objet) la capacité de voler, et même de planer un peu sur la petite portable monochrome de Big N !

Mieux encore, la Paravoile de Breath of the Wild trouve un échos indiscutable dans la Feuille Mojo de The Wind Waker, n'en consituant finalement qu'un prolongement logique dans une approche plus vaste de monde ouvert, qui me permet de transiter habilement et subtilement au poins suivant !

L'open-world

Nintendo l'a affirmé, on ne peut donc douter de la source, Breath of the Wild puise une grande partie de son inspiration et de ses racines dans The Legend of Zelda, premier du nom. Comme dans ce dernier, on se retrouve livré à nous-même dans le vaste monde d'Hyrule - 128 écrans sur les 128 Ko de la cartouche NES, 9 par 6,8 km sur Switch et Wii U - sans grandes indications, encore que le jeu de 2017 nous gratifie d'un petit tutoriel avant de nous lâcher dans son univers en ruines.

Reprendre la formule de l'épisode fondateur d'une série n'est pas vraiment ce que j'appelle une trahison.

Plus encore, en tenant compte des limitations techniques de leurs époques et de leurs supports, peut-on affirmer que A Link to the Past, Ocarina of Time, les Oracles, ou encore The Wind Waker ne sont pas des open-worlds dont la carte s'offrirait à vous à mesure que vous gagnez en capacités ? Il est vrai que leurs maps n'étaient pas entièrement accessible dès le début, mais pour le joueur ordinaire, il en est de même dans Morrowind ou dans The Witcher 3 - qui sont pourtant bien des open-worlds.

La température

Un dernier aspect un peu moins primordial que je vais traiter dans cette partie dédiée à la - finalement - non-trahison de ce dernier Zelda à série d'origine concerne le monde ouvert de ce Breath of the Wild.

Breath of the Wild offre différents environnements, dont les plus extrêmes nécessitent d'adapter son habillement pour ne pas voir sa barre de vie délicatement rongée par le thermomètre.

Certains ont pu y voir encore une fois une mécanique nouvelle et inutile, mais je tiens à rappeler qu'Ocarine of Time - déjà et encore lui - proposait aussi ce type d'approche.

Qui a déjà essayé de faire le Temple du Feu sans la Tunique Goron (la rouge) ? Et bien Link se mettait à brûler et à perdre de la vie. En 1998, donc. Comme en 2017 dans ce Breath of the Wild autour de la Montagne de la Mort, mais qui a juste étendu cette logique aux contrées les plus glacées d'Hyrule.

Un amoncellement d'idées extérieures à la série

Deuxième grande famille d'arguments contre Breath of  the Wild, ce dernier n'aurait aucune originalité et surtout, reprendrait tout ou majeure partie de ses éléments constitutifs dans les grand open-worlds modernes que peuvent être Skyrim ou The Witcher 3, mais bien sûr en moins bien.

Nous avons déjà vu que Breath of the Wild reprend en fait énormément de mécaniques déjà présentes, à des stades certes parfois plus embryonnères et moins ambitieux, dans un ou plusieurs opus précédents de la série. D'autres mécaniques, comme les tours à gravir pour révéler la carte locale, renvoi à des séries  comme Assassin's Creed. Mais attelons nous à décrire ce que ce Zelda ne fait justement pas comme les autres open-worlds !

Un monde palpable

Il n'aura échappé à personne - en dehors des cas de mauvaise foi manifeste - que l'immersion dans le monde de Breath of the Wild passe par une interaction poussée avec l'environnement, qui certes peut rappeler le fait de ramasser des assiettes dans Skyrim ou de se prendre un banc de sable dans le coin de la figure dans Minecraft, ne se fait en réalité pas du tout comme dans les jeux précités.

Si l'on compare à la série des Elder Scrolls, cette dernière permet de prendre pratiquement n'importe quel objet posé sur une table ou dans une étagère, d'une façon que l'on ne retrouve effectivement pas dans le dernier Zelda en date. Mais si ramasser une chopine est rigolo, en terme de moteur physique, impossible - en dehors de quelques passages scripté par par épisode - d'utiliser rocs et rondins pour écraser un adversaire en contre-bas, ou d'utiliser une caisse pour faire un contre-poids. Et je n'évoque même pas le fait de pouvoir piéger un adversaire dans un cercle d'herbes enflammées ou bien de lui faire ramasser une arme en acier en plein orage. Effet garanti ! Oblivion ou Skyrim ont certes un moteur physique, mais il est limité et utilisé qu'à l'échelle d'énigmes locales et prédéterminées, là où Zelda l'intègre de façon systématique et organique.

Car Breath of the Wild étend cette approche à tout son univers en intégrant son moteur physique et météorologique comme une seconde peau à ses graphismes, et laisse l'entière liberté au joueur d'en user comme bon lui semble. Et ça, c'est unique.

Une leçon de level-design

Second aspect sur lequel  Breath of the Wild n'a absolument aucun équivalent, et ce de façon bien plus marquée encore que pour le moteur physique, c'est la façon dont le monde a été construit.

Comme Nintendo l'a fait savoir dans les interviews des développeurs, le moteur physique du jeu est global et impacte la totalité de la carte en temps-réel - rien que cet exploit devrait permettre de relativiser ses défaut techniques. Et si je reparle du moteur physique dans le paragraphe dédié au level-design, c'est que ce dernier joue à fond l'utilisation du premier !

Les cent-vingt sanctuaires, mais aussi plusieurs zones de la mapmonde, offrent des challenges que le joueur peut le plus souvent résoudre de deux ou trois manières différentes (aimant, gel du temps, escalade, approche PGM et j'en passe), simplement en fonction de son utilisation ou non du moteur physique du jeu et de son habileté ! Rares sont les épreuves mono-solution, et on se rapproche là de l'excellente approche ouverte que peut offrir par moment un titre comme Portal, mais à une échelle totalement inédite et en poussant la logique encore plus loin. Là encore, Breath of the Wild innove en appliquant cette approche d'énigmes plurielles - et toutes absolument brillantes - à son système de jeu entier, et non à des phases pré-établies ou scriptées, aussi nombreuses soit-elles.

La troisième dimension

La carte extérieure de Breath of the Wild offre une verticalité presque inédite dans un open-world - Minecraft n'en jouant pas de la même façon en privilégiant la profondeur, et Xenoblade Chronicles X nécessitant de changer d'échelle pour en prendre conscience tout en la sous-exploitant - et permet une exploration d'une ampleur inédite.

Le héros est capable d'exploiter le moindre morceau de paroi verticale, synonyme de barrière dans n'importe quel autre jeu à monde ouvert. La superficie du jeu est certes à peine supérieure à celle de Skyrim, mais son "explorabilité" est décuplée par cette feature incroyablement bien exploitée.

Bon, soyons tout de même honnête, Daggerfall permettait de grimper les murs (et seulement les murs) via sa compétence "grimper". Mais dans Zelda, vous y ajoutez les falaises, et les arbres (ce qui avait beaucoup plu à Shigeru Miyamoto).

Au-delà du terme de level-design, Breath of the Wild en appelle plutôt de façon magistrale à une notion inédite : celle de world-design !

L'endurance

Si la jauge d'endurance n'est pas en soit une nouveauté dans le jeu vidéo - on la retrouve de Morrowind à Dark Souls - son utilisation revêt d'une astuce inédite dans le Zelda de la Switch et de la Wii U.

Dans les autres jeux, elle ne sert principalement qu'à deux choses : les combats, et parfois le sprint. Ce dernier élément est repris dans Breath of the Wild, mais son utilisation impacte aussi l'escalade, la nage et l'utilisation de la paravoile. Cela pose des limites logiques à l'exploration (à moins de considérer Link comme un triathlète accompli), sans avoir à utiliser des astuces plus grossières comme des palmes pour nager, ou un grappin pour se hisser.

En outre, cela oblige à penser son itinéraire enfonction de la taille de sa jauge d'endurance et titille l'esprit du joueur. Il faudra se jouer ici d'un rebord pour récupérer, là un rocher entre la rive et l'île convoitée. Cela offre ainsi une exploration plus intelligenge que le  classique "je vais tout droit en courant" ou "je contourne la montagne pour trouver le chemin qui est comme par hasard à l'opposé d'où je me trouve". Là encore, Breath of the Wild propose au joueur de faire ses choix, à la fois selon sa progression, mais aussi et surtout en fonction de sa propre vision.

On est là dans un aspect plus secondaire du jeu, je l'admets volontier, mais qui apporte aussi son sel au jeu d'une manière que là encore je ne retrouve pas dans les autres open-worlds.

En conclusion, et bien que je n'ai pas balayé tous les aspects de ce Legend of Zelda Breath of the Wild (je n'ai pas parlé des combats, de la narration, etc.), on voit bien que tant les arguments de la trahison que ceux de l'absence d'originalité tiennent difficilement la route. Breath of the Wild, c'est justement un équilibre subtile entre influences et modes extérieures (Nintendo ne s'en cache pas), influences internes à la série (sur ce point, Big N est plus discret), et mécaniques novatrices. C'est donc bien un Zelda, un vrai, aussi classique qu'il est original, se réinventant tout en gardant ses bases . Et ça, seul Nintendo pouvait nous l'offrir !

Maintenant que vous connaissez un peu mieux mon avis et mes arguments, je vous invite à débattre dans les commentaires si vous le souhaitez. Selon le contenu des échanges, je mettrai peut-être cet article à jour.