Metal Gear Solid.
N'ayant pas joué aux épisodes antérieurs, c'est une saga qui a commencé pour moi en septembre 98 - en import japonais sur Playstation.
A l'époque, j'avais 16 ans - je rentrais en terminale - et c'est un jeu que j'attendais déjà depuis de nombreux mois, en partie à cause des infos distillées par un certain magasine de jeux video dont je fus abonné pendant de nombreuses années, un certain Joypad.
Je me souviens que j'avais été ébahi, bluffé, subjugué par la mise en scène et le gameplay novateur, les boss dantesques, les musiques somptueuses, et un scénario que "j'interprétais" par bribes ne parlant pas le moins du monde le japonais...
Toujours est-il que ma passion pour cette série était lancée. Si bien que 5 mois plus tard, je me rachetais le jeu dans sa version mal doublée française le jour de sa sortie, pour enfin tout comprendre. Et je fis de même pour les opus suivants, sans oublier de passer par le remake Twin Snakes sur Game Cube.
12 juin 2008 - près de 10 ans plus tard. J'ai maintenant 26 ans. Je suis marié, j'ai un petit garçon de 2 ans.
Et je suis encore là le jour J pour acheter le jeu qui clôturera la saga.
Je le sais, j'en suis certain, c'est Hideo qui l'a dit.
26 juin 2008 - 1h30. Après 21h20 de jeu, ça y est c'est terminé.
Sentiment de vide ludonumérique.
Je n'avais pas ressenti ça depuis ICO et Shadow of the Colossus.
Je ne le savais pas encore, mais je ne toucherai plus un seul jeu pendant plusieurs semaines après ça.
Un autre jeu allait forcément être sans saveur, pas à la hauteur. Impossible.
Je venais de clôturer 10 ans de jeux vidéos, 10 ans de la vie de Snake, 10 ans de ma propre vie.
Une page qui se tourne, avec un regard encore différent sur les jeux vidéos.

12 décembre 2008. 6 mois plus tard.

[Attention ce texte contient des spoilers]

 

Humain comme Snake
Quelle oeuvre !
Comment un créateur peut-il à ce point donner vie à une flopée de polygones ?
Et que l'on puisse s'y attacher, s'en émouvoir, pour de bon. Réellement.
Partager la déchéance de papy Snake. Ses faiblesses, lorsqu'il tousse, se plaint du dos.
Supporter le regard des autres sur lui, et sur nous-le-joueur, lorsque Naomi l'examine torse nu.
Humain.
Partager, avec lui, sa triste car éphémère cure de jouvence virtuelle, lorsqu'on le découvre avec le visage qu'il devrait avoir sans sa maladie dégénérescente, portant l'octo-camo de Solid Snake en Europe de l'est.
Humain.
Vivre son retour à Shadow Moses ; dans ses rêves de Metal Gear Solid 1 ; quand "The Best Is Yet To Come" vous prend aux trippes sans prévenir, et que vous sentez que les larmes vous montent aux yeux. Frissons.
Humain.
Lutter avec lui jusqu'à la fin dans les micro-ondes. En martelant la manette.
Humain.
Son dernier combat.
Pour obtenir des réponses, pour enfin ne plus être le pantin du gouvernement, le pantin du joueur, le pantin de Kojima.
Et enfin, pouvoir n'être plus qu'un Humain.

Humain comme Kojima.
Kojima n'est pas un dieu, il n'est pas parfait. Son œuvre n'est pas parfaite.
Comment pourrait-il en être autrement ?
Alors 6 mois plus tard, je m'interroge toujours autant sur ce que j'avais pu lire ici ou là sur les défauts du jeu, sur sa fin.
Un jeu "où l'on ne joue pas (assez)" ou une "une fin où Kojima trahit Snake et le joueur".
Le jeu a des défauts. Des vrais.
On aurait pu jouer plus longtemps, les Beauty & Beasts auraient pu être mémorables comme les Boss des autres Metal Gear Solid, on aurait pu choisir nous-même la destinée finale de Snake en décidant de presser R1 ou pas, on aurait pu contrôler Raiden devenu si charismatique, on aurait... on aurait...

Mais l'œuvre ne nous appartient pas.
On ne peut décider de la fin de Snake, de sa dernière aventure.
On ne peut revenir sur les choix de Kojima.
Kojima termine de façon imparfaite son œuvre imparfaite.
Mais pourquoi vouloir toujours plus, toujours mieux ?
C'est Humain.
Alors on subit, peut-être, surement même.
Mais on profite, surtout, car on sait que ce sera la fin.
On a droit à une mise en scène incroyable, des réponses et révélations fondamentales sur le scénario de toute la saga.
Un Snake qui passe par la guerre civile au moyen orient, l'infiltration de nuit, la traque en pleine jungle, l'assaut d'une villa pour retrouver Naomi, le bourrinage à la mitraillette pour s'échapper de soldats zombifiés, d'un jeu de piste nocturne en pleine ville occidentale, d'un retour enneigé aux sources, des combats aux commandes de Metal Gear (bon sang !), une bataille finale et retrospectivo-musicale contre Ocelot pour clore la saga.
Des phases de jeux, peut-être imparfaites, peut-être trop courtes, mais d'une grande variété.

Jubilatoire pour certains.
Peut-être pas mémorable pour d'autres.
C'est Humain.

Humain comme le gamer.
Conscient des défauts du jeu, ce n'est pas ce que je retiens 6 mois après.
C'est encore ce dont je fais abstraction en y rejouant en ce moment, seulement pour la seconde fois, à l'approche de la date fatidique du 12 décembre 2008.
6 mois après.
Personnellement, humainement, la conclusion à travers Metal Gear Solid 4 et donc l'œuvre toute entière m'aura profondément marqué.
En tant que gamer, et en tant qu'être Humain.
Je sais que comme pour Metal Gear Solid, dans 10 ans j'en éprouverai la même douce nostalgie.
Le sentiment d'avoir participé et vécu pleinement quelque chose de grand et d'inoubliable dans ce medium.
Quelque chose qui ne se reproduira peut-être jamais.
Et c'est pour n'en retenir que le bon, que l'essentiel finalement, je fais abstraction des imperfections.

Quand on aime une personne, on l'aime avec ses qualités et ses défauts.
Mais quand la personne n'est plus là, on ne retient que les bons moments passés avec elle.
J'ai aimé la saga Metal Gear Solid.
J'ai aimé le personnage de Snake, et je ne retiendrai que les moments incroyables qu'il m'aura faits vivre manette en main.
Metal Gear Solid 4, une histoire de sentiments.
D'êtres Humains.

 

I'm no hero. Never was. Never will be. [Old
Snake]