La définition commune du mot "casual"

Par casual, nous entendons un jeu qui ne s'adresse pas aux gamers, aux joueurs expérimentés. Ce type de jeu propose des épreuves facilement surmontables où l'on est fortement assisté, et où les actions sont automatisées. En somme, un jeu casual réussi nous donne l'impression de réaliser des actions spectaculaires sans fournir beaucoup d'efforts.

Dernièrement ma copine, qui aime me voir échouer dans les jeux vidéo, me regardait jouer à Assassin's Creed Brotherhood, dans une crypte où il fallait trouver son chemin à renfort d'escalade et d'acrobaties. Ébahie, elle me demande "Comment tu fais pour toujours savoir où aller ?" En fait je n'en savais rien, je faisais juste diriger le stick. De même, lors des combats, elle me demande comment je fais pour si bien connaître le système de combat alors que je viens d'acheter le jeu. Facile ; je me contentais d'appuyer sur contre-attaque, et Ezio réalisait un tas de figures différentes à ma place.

Je considère Assassin's Creed comme un jeu casual, et encore pire dans le genre, le premier Prince of Persia next-gen. Pourtant ces deux jeux-là, il me semble, vise un public de joueurs expérimentés. Pas forcément les plus hardcores, mais il s'agit tout de même de jeux sortis sur PS3 et XBox360 qui, contrairement à la Wii, sont des consoles peu populaires aux yeux des non-joueurs.

Autre problème : à chaque fois qu'on utilise le terme casual pour dénigrer un jeu, il y a souvent quelqu'un pour nous dire que Tetris est lui aussi un jeu casual, car il s'adresse à un large public pas forcément friand de jeux vidéo au départ. Pourtant Tetris n'est pas considéré comme un jeu facile et sans intérêt.

Les jeux simplistes

Ce que nous entendons en général par casualisation, je pense, ce sont en fait des jeux proposant des gameplays simplistes. Pas simple. Simpliste, et la nuance est importante. Là encore nous avons tendance à ne pas être clair dans nos propos, moi le premier, en faisant intervenir la difficulté. Lorsque nous parlons d'un jeu vidéo casual, nous nous plaignons beaucoup de sa facilité. Pourtant il y aura toujours un joueur pour nous sortir le célèbre : "Y as-tu joué en hard ?"

En fait je crois que la difficulté n'est pas à prendre en compte, et je vais tenter d'expliquer pourquoi. Au fond, un gamelpay simpliste, c'est un gameplay qui ne nous donne pas beaucoup de marge de manoeuvre. En Facile, c'est facile (normalement) et même enfantin, sans intérêt, mais dès que l'on arrive en Hard, le jeu devient pénible, et le seul moyen de réussir est de devenir meilleur quitte à faire des crises de nerfs.

 Lorsque vous augmentez la difficulté dans Uncharted 2, il va falloir réagir plus vite durant les gunfights, mieux viser, donc devenir meilleur. Mais pas seulement, du moins pas seulement dans le sens du skill pur. Face à l'échec, on va aussi mieux observer la situation, réfléchir à la meilleure façon d'aborder le problème, et exploiter bon gré mal gré des aspects du gameplay dont on n'avait pas besoin avant. Par exemple, on va liquider silencieusement quelques méchants grâce au mode infiltration, on va user un peu plus de la plateforme pour se faire oublier et attaquer par surprise, on va économiser ses grenades. C'est une difficulté très bien dosée, avec une grande marge de progression. D'ailleurs les joueurs considèrent que platiner Uncharted n'a rien de surhumain (seul jeu que j'ai platiné d'ailleurs, avec le 2). Et selon moi c'est bien parce qu'en plus d'être très bien dosée, cette difficulté est attractive. On peut relever le défi, mais il va falloir se retrousser les manches.

Avec un jeu au gameplay simpliste, on ne peut pas, il n'y a souvent qu'une seule façon d'aborder le problème. Il va seulement falloir mieux jouer, dans le strict sens du terme, ou alors tenter d'exploiter des bugs et autres failles, comme celle de l'IA ennemie par exemple. Car pour créer une bonne difficulté, il faut doser plusieurs paramètres. Moins il y a de paramètres dans le jeu, plus la difficulté sera simpliste. Ainsi trouve-t-on de nombreux jeux où de simples fantassins en mode normal se transforment en Terminators dans les difficultés élevées. Perso les jeux où on recommence chaque arène cinquante fois, je laisse tomber, car à ce moment-là je ne joue plus, je fulmine.

La simplification génère l'imprécision et l'approximation, et plus la difficulté augmente, plus ces failles ressortent et parasitent notre plaisir de jeu. Un exemple : dans Assassin's Creed, les sauts sont automatisés. Régulièrement, je me retrouve à sauter dans une direction que je n'ai pas voulue, car au dernier moment, arrivé au bord d'un toit, mon bonhomme bifurque pour je ne sais quelle raison. La plupart du temps ça ne pose pas problème, mais lorsque je dois poursuivre un fuyard, ces approximations du déplacement peuvent devenir pénibles car nous engageant dans la mauvaise direction. Il aurait suffi que je puisse sauter au moment où je le souhaite pour corriger ça. Dans Infamous, je n'ai jamais eu ce problème (bon par contre Cole a tendance à s'accrocher partout), et pourtant devoir sauter par moi-même ne me semble pas plus difficile ni plus contraignant, c'est même plus confortable et plus précis, car je sais quand j'agis.

Cela dit, je ne fais pas d'une difficulté mal dosée le synonyme d'un gameplay simpliste. Le raccourci est trop facile, et le problème est autre. Mais dire qu'Assassin's Creed est un jeu
facile (je donne l'impression de
m'acharner sur lui, mais en fait j'aime bien la série...) , c'est se tromper de cible. Imaginez un timing très serré lors des
combats, des ennemis qui s'enfuient plus vite sur les toits avec notre
imprécision dans les déplacements, et le jeu deviendrait vite pénible. En fait les gameplays simplistes donnent des jeux faciles parce qu'ils ne peuvent pas faire autrement, selon moi.

L'excuse de l'accessibilité

C'est le grand mot du moment. À nous joueurs qui utilisont à tort et à travers le mot casual comme une insulte, l'industrie nous rétorque avec des airs d'ouverture d'esprit le mot accessibilité, en plus de nous rappeller que pour les gamers, il reste les modes de difficultés supérieures dont j'ai parlé plus haut comme d'un faux argument.

Je pensais que cette accessibilité était un argument marketing, qu'elle visait réellement un public plus large friand d'aventures faciles et sans intérêt. Sauf qu'en général, les jeux que j'aime, je ne les trouve pas si inaccessibles que cela, même des fois je les trouve plus simples à jouer, car plus intuitifs. Et l'intuitivité, c'est de mon avis beaucoup plus important que l'accessibilité. L'intuitivité, c'est même ce qu'on peut attendre de mieux d'une jouabilité et d'un gameplay, quand on en oublie la manette, quand le personnage réagit comme on le souhaite sans même penser à quel bouton presser. Les gunfights d'Uncharted ? Un bonheur. Oui l'infiltration est simpliste, et la plateforme également. Mais ces deux aspects, compris dans le grand tout qui forme le système des gunfights, y trouvent leur légitimité. Le tout devient complexe, et pourtant simple à aborder.

Seulement, l'intuitivité doit demander, j'imagine, énormément de patience pour être parfaitement calibrée, un travail minutieux et probablement ingrat.

L'accessibilité, l'intuitivité du pauvre ?

J'ai tendance à croire qu'aujourd'hui les développeurs parlent d'accessibilité pour cacher leur fainéantise. Il est probablement plus facile d'automatiser et d'assister le joueur grâce à des éléments en surbrillance, plutôt que de penser à une manière de suggérer intelligemment la direction à suivre, en somme plus facile de pousser la chaise roulante d'un joueur que de lui apprendre à marcher.

De même est-il de mon avis de joueur qui ne connaît rien à la programmation plus facile dans un Assassin's Creed Brotherhood de créer un énorme contenu en copiant-collant un type de mission cinquante fois, plutôt que de créer moins de situations, mais en les élaborant soigneusement pour qu'elles soient réellement différentes. Je me souviens que dans le 2, peu importait la mission, on pouvait la plupart du temps les résoudre en employant systématiquement des mercenaires ou des prostituées. De même pourquoi me fatiguerais-je à explorer le système de combat quand je peux massacrer un régiment entier en appuyant machinalement sur contre-attaque ? Ce n'est pas à moi à rendre le jeu intéressant. J'aime qu'un jeu me force à explorer son gameplay, plutôt que de me fournir un tas de possibilités dont je n'ai aucunement besoin.

Car la diversité du gameplay, lorsque que ce dernier est superficiel, est une fausse richesse. C'est même devenu une échappatoire. On possède nombre d'accessoires, de gadgets, d'armes ou de mouvements différents dans les jeux simplistes. Mais ça n'approfondit jamais le gameplay, c'est juste une illusion, un attrape-nigauds, qui ne parvient pas à gommer le sentiment de lassitude, bien réel celui-là. J'aurais aimé, dans Batman AA, à la place de ce ballet de castagne si bien chorégraphié, peut-être des combats moins fluides et moins beaux à regarder, mais où j'aurais pu choisir mes coups au lieu d'appuyer sur X en surveillant mon timing. Il me semble plus gratifiant de réussir une belle action une fois de temps en temps, que d'y assister de manière répétitive sans y être pour grand-chose.

Concluons

Au fond, le mot casual est en fait pour de nombreux joueurs synonyme de jeux simplistes. Ce n'est pas la Wii le problème, ni Kinect ni le move, qui s'adressent, sans aucune ambiguïté, à un public lambda. Il me semble que ce problème siège au sein même des jeux gamers, et que c'est moins une intention marketing de la part de l'industrie que la négation progressive du gameplay, et par extension du jeu vidéo, à une époque où tout le monde s'en réclame, où beaucoup prétendent l'aimer, et l'aiment si mal, ou si peu. J'ai beau avoir été très déçu par les dernières productions Rockstar, j'y sens quand même un vrai amour du jeu vidéo, certes maladroit et souvent mal fichu, mais ça c'est un autre problème. J'ai beau apprécier le temps que je passe sur Assassin's Creed Brotherhood ou Fight Night Champion, je garde toujours l'impression dérangeante que la majorité du temps, Ubisoft ou EA sont des usines à faire du jeu vidéo. Là où Rockstar se ruine pour innover dans l'animation faciale pour L.A. Noire, nous offre aussi quelques extensions à la durée de vie équivalente à un Mafia 2 ou un The Saboteur pour sept fois moins cher, Ubisoft recycle mesquinement son AC 2, en fait une espèce de gros DLC vendu au prix d'un jeu neuf, et l'appelle Brotherhood. 

Je prend plus de plaisir à Brotherhood qu'à Red Dead Redemption, mais je suis quand même bien content d'avoir acheté le premier en occasion, et le second en neuf malgré ma déception. Bon là je dévie du sujet, il vaut donc mieux m'arrêter !