Paul Robertson, héraut du pixel art, dont on présentera sa création la plus impressionnante, King of Power 4 Billions %, et Anamanaguchi, groupe d'artistes chiptune de renom (autant que cela peut se faire dans la macrosphère micromusic) donnent respectivement au jeu son aspect et sa B.O. En effet, l'ambitieuse volonté prise pour Scott Pilgrim contre le Monde est de faire de ce titre PSN et XBLA, une œuvre extrêmement fidèle à la BD d'une part mais également un objet ultra référencé à la culture jeu vidéo et plus largement, à la pop-culture. Ceci Scott Pilgrim contre le Monde le réussi à merveille mais comme nous allons amèrement le constater, le jeu vidéo, comme son nom l'indique, se joue avant tout, et l'enrobage aussi plaisant soit-il, ne peut à mon sens que ramasser les bouts de verre, si le gameplay et le "rythme vidéoludique" ne suivent pas.

Precious Little Life

Revenons en vitesse sur le pitch de Scott Pilgrim pour les nouveaux : Scott, sympathique glandos de 23 ans installé à Toronto, vit avec son coloc' Wallace (qui possède à peu près tout ce qui se trouve dans leur appartement, jusqu'à la brosse à dents de Scott...) et joue de la gratte dans son groupe les Sex Bob-Omb. Bref, une vie à la cool jusqu'à ce que Scotty flashe complètement sur la magnétique Ramona Flowers. Cette dernière partageant ses sentiments mais étant bien plus inaccessible qu'il n'y parait. Pour vivre sa love story avec sa douce, Pilgrim devra en effet vaincre la totalité de ses ex démoniaques. Un synopsis parfait pour un beat'em all, non ?

Comme le veut assez souvent le genre, vous avez au début du jeu le choix entre quatre personnages : Scott, Ramona, Kim et Stills. Chaque personnage possède sa propre palette de coups évidemment, mais le tout ne change pas radicalement de l'un à l'autre : coup léger, coup fort, protection, saut et attaque spéciale exclusive. Basé sur un système d'EXP, le système de jeu vous permet d'obtenir de nouveaux coups au fur à mesure de votre progression. Outre l'attaque spéciale de chacun, ce qui différencie la manière de jouer des différents personnages, c'est "l'invocation" qu'ils possèdent : Kim, si sa barre de "mana" est assez remplie, pourra en effet faire appel à sa petite amie pour que celle-ci l'embrasse et c'est bien connu lui redonne de la vie, alors que l'invocation de Stills lui offrira un puissant soutien offensif, un court instant. Tant qu'on en est à parler du maniement des personnages, disons le franchement, celui-ci manque de souplesse. OK, il y a des choppes assez amusantes et porter un voyou sur quelques mètres, pour ensuite le jeter à la face de ses copains est assez jouissif mais le sentiment général à propos du gameplay est que celui-ci est assez rigide, très classique et n'apporte pas la dose de fun et de folie que l'on attendait du titre. On peut prôner que le jeu étant "à l'ancienne" de par son aspect graphique, la jouabilité est de même. Mais cela ne tient que si on considère Scott Pilgrim comme partageant un gameplay imitant celui du Street Gangs de la NES et pas celui des champions du beat'em all tels que The Punisher sorti sur Arcade en 1993 puis sur Megadrive et les Tortues Ninja : Turtles in Time sorti en 1991 sur Arcade puis sur SNES. Leur jouabilité reste bien au-dessus du nouveau-né Scott Pilgrim et il est assez déstabilisant de se dire une fois que l'on joue à ce titre PS3, qu'on ressortirait bien Megadrive et Super Nintendo pour rejouer à de vrais beat'em all. Oui car comme c'était le cas pour Sailor Moon sur Super Nintendo, l'emballage ne fait pas tout.

L'essentiel est invisible pour les yeux

La progression dans les niveaux aussi jolis et foisonnants soient-ils, reflet du style Robertson, ultra fidèles et référencés à l'œuvre originale de O'Malley ainsi qu'à des classiques du jeu vidéo, n'en restent pas moins assez monote et fastidieux à arpenter. En effet, la difficulté est outrancière et certains niveaux semblent assez mal équilibrés (j'ai beau être fan de l'univers, le premier niveau m'a semblé durer une éternité...). Rajouter à ça et cela malgré ma passion que vous connaissez peut-être pour la micromusic, les boucles sonores chiptune bien trop courtes qui habillent musicalement l'aventure, au bout de cinq minutes, filent littéralement la migraine... Pour que j'en arrive à dénigrer une B.O. chiptune, je peux vous assurer qu'il faut vraiment qu'elle m'ait exaspérée. En fait, cette dernière phase est assez symptomatique de mon sentiment général envers Scott Pilgrim contre le Monde. Tout, je dis bien tout, dans Scott Pilgrim s'annonçait séduisant : le genre beat'em all, la direction artistique de Paul Robertson ainsi que la présence de Anamaguchi à la bande son. Au final, le jeu est excessivement difficile, rigide et surtout n'apporte finalement pas cette dose de folie démésurée et rock'n'roll qu'on aurait attendu de la licence Scott Pilgrim. Les combats face aux boss n'y changent rien et n'ont pas vraiment le souffle épique auquel on s'attendait.

Ainsi, deux choix s'offrent à nous : soit on reste béat devant l'univers de Scott Pilgrim, sa direction artistique, sa minutie dans la fidélité à la BD et le détail référentiel à des titres tels que Street Fighter, Super Mario & cie ou alors la licence nous est inconnue et on se retrouve devant un beat'em all à l'aspect certes original mais assez monotone et rigide, à la difficulté excessive. Si la sémiotique visuelle est pour vous plus parlante, disons que Scott Pilgrim contre le Monde gratte habilement trois étoiles dans les cœurs des fans, alors qu'objectivement, pour les autres, il n'en mériterait que deux. De quoi occuper une soirée avec trois potes sur le canapé (le jeu multi jusqu'à 4 est exclusivement local) mais malheureusement pas le titre culte que l'on attendait. Aurait-on idéalisé la venue de Scott Pilgrim ? C'est possible mais avec la morale d'une certaine fable de Jean de la Fontaine en tête nous avons su la garder froide.