Pour ceux qui n'aurait pas eu la chance de se procurer le quatrième épisode de la série en import à sa sortie, rappelons que Legend of Mana se distingue des opus précédents en proposant un cheminement bien différent, presque à la carte : au fur et à mesure de l'aventure très chapitrée, notre héros (ou héroïne) acquiert des artefacts qui lui permettent de placer sur une carte des environnements toujours plus variés. Bourgades, donjons et autres zones à explorer se découvrent ainsi au compte-goutte, et offrent un cheminement bien différent, une complexité qui rend cette première traduction dans notre belle langue encore plus nécessaire.

Écran total

Le premier détail qui saute immanquablement aux yeux en lançant cette version en forme de Remaster HD, c'est évidemment la largeur de l'image, qui délaisse son format 4:3 d'origine pour épouser les courbes bien droites de nos écrans larges, et offrir un rendu fort sympathique, mais qui donne parfois l'impression d'écraser un peu les décors, aussi somptueux soient-ils.

C'est que la plastique du titre se veut des plus alléchantes : les visuels déjà chatoyants de l'opus PlayStation profitent d'un joli lissage en haute définition, ce qui créé un contraste d'autant plus déroutant que les sprites sont présentés dans... leur jus, ou presque. Ennemis et alliés tranchent donc avec la modernité des environnements, un choix curieux que l'on finira par accepter, tant le pixel art de 1999 reste agréable, même deux décennies plus tard. Au vu des récents loupés en matière de lissage, les esthètes que nous sommes un peu tous accepteront avec plaisir cette prise de conscience.

That '90s Show

Les (nombreux) menus du titre accusent eux aussi le poids des âges, et s'avèrent un peu retors, surtout lorsque l'on découvre qu'il faut les dompter soi-même, aucune explication digne de ce nom ne venant éclairer le joueur novice. Le constat s'applique d'ailleurs rapidement à l'ensemble du jeu. Legend of Mana est un titre de son époque, complexe, au cheminement très particulier, et qui nécessite la lecture d'un bon vieux manuel pour en comprendre toutes les subtilités. Et l'on touche là immédiatement l'une des limites de cette réédition : si les vieux briscards de l'action-RPG parviendront tant bien que mal à s'en dépêtrer, le jeu s'avère bien tortueux pour les nouveaux venus. Vous l'aviez peut-être oublié, mais nous en sommes encore rendus à l'époque où la quête ne pourra pas continuer tant que vous n'aurez pas salué tel ou tel PNJ, ou activé une zone trigger facilement évitable. De quoi rendre rapidement zinzin n'importe quel rôliste moderne, qui avait oublié que l'exercice consiste parfois à simplement chercher comment déclencher la suite des événements.

Au vu de sa particularité, ce remaster HD de Legend of Mana aurait certainement mérité un accompagnement digne de ce nom, surtout lorsque l'on se rappelle que le seul "menuing" occupait SIX PAGES du manuel d'origine. Quand même. La sauvegarde rapide bien dans son époque est heureusement de la partie, mais accessible via un second menu, exclusif à ce remaster, une dualité qui n'arrange pas notre affaire.

Il avait le verbe haut

Fort heureusement, la version française se veut des plus soignées : il lui aura fallu 22 ans pour sortir, mais cette localisation s'attache à retranscrire les nombreux niveaux de langages et autres tournures de phrases plus ou moins alambiquées de la version japonaise. Déconcertante de prime abord, on réalise à quel point la VF participe à l'immersion, au prix de quelques vilains raccourcis chez les différents vendeurs du jeu. Sur ce point, la promesse est plus que tenue : elle fait presque figure de référence, c'est dire. En attendant de connaître le nom du ou des responsables de cette jolie plume, qu'ils soient anonymement remerciés.

Autre promesse largement tenue : les réorchestrations des musiques de l'illustre Yoko Shimomura profitent elles aussi d'un traitement à l'or fin. Que vous soyez ou non viscéralement attachés aux thèmes de l'original, difficile de faire marche arrière lorsque l'on s'essaye à ce millésime 2021, qui réhausse sur tous les plans la moindre composition. Il suffit d'écouter les version arrangées héroïques de Traveler's Road ou les percussions de To the Sea pour s'en convaincre. Toute la bande-son est d'ailleurs directement accessible via le menu principal, aux côtés de quelques magnifiques artworks, et la possibilité de sauvegarder (presque) n'importe quand, non sans redécouvrir un sourire en coin le look so PlayStation des conventions de l'époque.

Bonus traque

Ce même menu permet également d'accéder au nouveau jeu bonus : Ring Ring Land, un petit plus qui se débloque une fois le premier familier en votre possession. Aussi profond que visuellement épuré, ce croisement entre un Tamagotchi, un Monopoly et jeu de rôle papier, se contente de nous faire jeter le dé pour avancer et pour combattre, sans parvenir à véritablement convaincre, tant l'exercice se veut répétitif et aléatoire.

Mais nous l'avons vu : tous ces ajouts ne sauraient faire oublier le caractère résolument old school de cette aventure qui nécessite parfois de parler au bon PNJ pour faire avancer la quête principale découpée en une soixantaine de chapitres, et malgré la possibilité de désactiver les combats, toujours aussi peu développés, pour mieux se focaliser sur l'exploration (attention, les affrontements nécessaires à la narration restent quant à eux obligatoires), les compagnons de route font toujours preuve d'un comportement assez erratique. Un problème pardonnable en 1999, mais qui aurait sans aucun doute mérité d'être corrigé. Heureusement, la présence d'un mode deux joueurs en local aidera les mieux accompagnés à faire passer la pilule, et à profiter du voyage, qui reste visuellement et musicalement fort chatoyant.