La course automobile a sa triple couronne : Le Mans, les 500 miles d'Indianapolis et le Grand prix de Monaco. Il y a aussi de véritables mythes comme Pikes Peak ou l'enfer vert de la boucle nord du Nürburgring. Pour la course en moto, la plus grande, la plus prestigieuse et la plus dangereuse surtout, c'est celle de l'île de Man. Avant de plonger dans ce jeu, il faut d'abord quelques explications sur le contexte qui est choisi...

Rouler à l'extrême limite

Cette compétition a fêté sa centième édition l'année dernière avec (malheureusement) comme d'habitude des morts à la clef. Car le TT de l'île de Man se déroule sur l'île du même nom, un petit bout de terre indépendant à mi chemin entre Liverpool et Belfast. Il faut réaliser que la course se déroule sur des routes de tous les jours, en passant par des villages, et à des vitesses dépassant les 300 km/h. Dès lors, chaque écart peut être fatal et les chutes sont souvent synonymes de blessures graves ou de décès.

C'est ce qui déchaîne les passions et aussi ce qui va sans doute provoquer moult discussions sur le jeu, puisqu'en dehors de quelques tracés annexes, c'est "juste" la course de l'île de Man qui va constituer l'épine dorsale du jeu. Cela représente tout de même environ 60 Km et 264 virages, dont il faudra apprendre chaque trajectoire avec l'immense avantage de s'en sortir totalement indemne en cas de crash. Sa modélisation d'un seul tenant, ainsi que le fait d'avoir la sensation d'être dans un monde ouvert (ce qui n'est pas le cas), constituent une véritable prouesse. L'utilisation du laser scan et des heures de repérage ont été nécessaires pour le reproduire le plus précisément possible. Le challenge est très relevé, la moindre erreur a d'énormes conséquences au niveau des performances. Rester concentré un peu mois de 20 minutes sans commettre une seule erreur est un véritable petit exploit.

En revanche, la récompense est à la hauteur de l'investissement, le plaisir de réussir une section en frôlant les murs avec des lignes de trajectoires tendues procure une immense satisfaction. Que ce soit dit, TT Isle of Man est un jeu pour les otakus de la moto. Si vous ne décidez pas de vous ouvrir au mythe du TT, vous risquez de passer à côté de la substantifique moelle du jeu de Kylotonn.

Like the wind

Pour avoir de bonnes sensations, il faut pouvoir se mettre à la place d'un Michael Dunlop. Pour ce faire, quatre vues sont à disposition, de la plus éloignée à celle qui vous perche sur la fourche. Il faut bien entendu se positionner en vue première personne pour avoir les meilleures sensations. Conscients qu'il est difficile de contenter tout le monde sur l'orientation du regard, particulièrement importante ici (en moto vous allez encore plus qu'en voiture à l'endroit où se porte votre regard), les gens de Kylotonn proposent plusieurs réglages pour l'orientation de la tête. C'est très bien vu, pour coller aux aspirations de chacun.

Tout la difficulté réside dans le fait de bien sentir la moto lorsqu'on engage un virage. Le rayon de braquage dépend de la vitesse et de la répartition du freinage lorsqu'il est utilisé. Il faut être doux et très progressif pour garder la machine sur l'asphalte. Bourrinez et vous serez soit sur les fesses à cause d'un "wheelie", soit sur les dents à cause d'un "stoppie". Une fois bien installé sur votre selle virtuelle, les sensations sont excellentes. Les bruits aérodynamiques témoignent des vitesses extrêmes, le vent siffle sur le casque et les légers mouvements de caméra rendent très bien les phases d'accélération et de décélération. L'effet tunnel que l'on peut ressentir à haute vitesse est rendu en assombrissant les bords du cadre. Seuls les mouvements verticaux sont un peu en retrait et on sent moins bien les pertes de contact avec l'asphalte. Cela oblige à connaître parfaitement la piste pour ne pas perdre l'arrière sur une bosse et se retrouver les quatre fers en l'air. Globalement les sensations sont excellentes et le retour des pilotes qui ont réellement couru sur le TT ont été payants. Le jeu est d'ailleurs dédié à Daniel Hegarty, vainqueur du TT en 2016 dans la catégorie "privés". Le britannique est malheureusement décédé l'année dernière alors qu'il courait le Grand prix de Macao.

Il sera de bon ton d'apprendre les trajectoires avec celle qui sera tracée par le jeu pour débuter. Les points de freinage sont corrects et prennent en compte le délai de latence du joueur pour réagir. Les aides à la conduite comprennent l'antipatinage et l'ABS ou l'anti wheeling qui sont réglables en intensité. Si tout mettre à fond peut être sécurisant, ce sera au détriment des sensations, mais il vaut mieux y aller progressivement pour dompter la bête. De plus, pas de rembobinage comme on peut le trouver dans beaucoup de jeux de courses. Les chutes sont définitives et le temps perdu ne sera pas rattrapé. On apprend à la dure et à l'ancienne. C'est aussi ce qui crée la tension et fait le sel du pilotage.

Une écurie rugissante

Deux catégories de motos sont disponibles : les Supersport et les Superbike. Il est à noter que les side-car doivent arriver prochainement avec un DLC gratuit (une excellente nouvelle). Il existe aussi des catégories "légères" et "électriques" en réalité, mais pas de nouvelles à ce sujet pour le moment. Pour résumer, on apprend sur les 600cc (Supersport) et on fait ensuite des expériences de mort imminente avec les 1000cc qui passent la barre des 310 Km/H. Autant dire qu'il faut s'accrocher pour ne pas perdre la boule. Le mode solo propose de choisir son bolide, mais pour en faire l'acquisition en son nom propre (avec un avatar rapidement créé), il faut faire quelques économies en mode carrière.

Ce dernier vous met dans la peau d'un pilote débutant sacrifiant à la progression graduelle en accumulant les gains des différentes compétitions qui lui sont ouvertes. La notoriété aidant, les propositions se multiplient et il faut faire des choix pour aller vers les opérations les plus rentables. Rien de bien folichon, car même si 9 circuits fictifs permettent d'éviter de passer tout son temps sur le tracé le l'île, tout cela manque de variété et l'aspect gestion et entretien de la bécane est rudimentaire. Tout est automatique et les réparations se font en fonction des chutes lors de la dernière épreuve. Il suffit alors de choisir de recommencer une course qui se serait soldée par un nombre important de chutes, pour éviter de gaspiller ses deniers. En tout, 40 motos officielles sont modélisées (de fort belle façon d'ailleurs) dans le jeu. Une mention spéciale est à décerner pour la reproduction sonore qui respecte toutes les motorisations réelles. Du grand art ! Les mécaniques hurlent littéralement et on n'a qu'une seule envie : faire exploser le compte tours. Un regret toutefois : l'absence inexplicable des Yamaha R1. Une histoire de licence sans doute.

Sur la piste, les courses se déroulent soit de façon traditionnelle en Tourist Trophy, soit avec un départ en paquet. Dans le premier cas, on se trouve dans la même configuration qu'un Rallye avec des départs échelonnés et un classement établi en fonction du meilleur temps. La seconde option est une course classique avec départ arrêté. Les neuf tracés fictifs sont intéressants et respectent le même esprit que le TT. Les joueurs du monde entier ont déjà signé des temps impressionnants.

Rendez vous avec le mythe

Au risque de me répéter, le sous-titre Ride on the Edge (qui est également le slogan de la véritable épreuve) est parfaitement adapté et on ne peut comprendre ce que représente cette course qu'une fois les premiers 60 kilomètres bouclés. C'est tout simplement un monument du même tonneau que le Nürburging, qui nécessite une concentration extrême, surtout si vous décidez d'en faire plusieurs tours pour faire de l'endurance. Dans ce cas, un arrêt au stand s'impose environ tous les trois tours en fonction de votre moto.

Évidement le jeu n'est pas exempt de défauts et il arrive que l'IA se comporte de façon incohérente et que des chutes incompréhensibles frustrent le pilote virtuel. Ainsi, certains freinages en ligne peuvent tout de même mener à la chute en fonction du relief. Dans la mesure où il n'y a aucun retour haptique sur le niveau d'adhérence de la moto, les sanctions sont immédiates et sans appel. Peut être qu'une mise à jour apportera un plus de ce côté, Kylotonn y a forcément pensé, puisque la manette vibre au démarrage d'une course pour simuler la mise en route du bolide. Les courses en ligne sont également en retrait et il sera sans doute plus intéressant de chasser le chrono en asymétrique plutôt que de tenter des courses qui ont un délai de synchronisation bien long.

Si vous avez envie de comprendre pourquoi les pilotes qui roulent sur le TT sont à la fois des héros et des types dérangés, ce jeu est fait pour vous. Si vous avez envie de relever un challenge conséquent à force d'entraînement et de persévérance, ce jeu est fait pour vous. En revanche, si vous avez besoin d'un plaisir plus ou moins immédiat, passez votre chemin. Ici, la victoire se mérite au prix du sang.