Maxine a un don. C'est que son professeur de photographie, Mr Jefferson, pense et clame tout haut. Il ne se trompe pas. Mais cela ne concerne pas forcément l'usage d'un objectif. L'adolescente aux faux airs de Natalie Portman dans Leon est en mesure de manipuler le temps. Elle le découvre en sauvant la vie de celle qui fut jadis sa meilleure amie dans cette ville d'Arcadia Bay qu'elle vient de retrouver après cinq années passées à Seattle. Chloe aurait du mourir d'une balle dans le ventre. Max a rembobiné et activé l'alarme. Quelques minutes auparavant, elle ramenait son Polaroid d'entre les morts en annulant une maladresse. Ce ne sont pas les seuls miracles qu'elle va accomplir en cette étrange journée d'octobre.

Max et compagnie

Le joueur qui incarne Max a vite l'occasion de se balader dans le campus de Blackwell. Les interactions y sont nombreuses, certaines optionnelles, et vont permettre de découvrir les vertus du pouvoir dont elle dispose. On trouve quelques puzzles qui, une fois que vous avez remarqué un objet à utiliser, autorisent des retours en arrière. Certains dialogues, certaines situations attendront que vous choisissiez entre plusieurs options proposées. Balancer le gosse des plus généreux donateurs de la ville au proviseur, est-ce une bonne idée ? Faut-il intervenir lorsqu'une camarade se fait houspiller par un surveillant trop zélé ? Impossible de le savoir sur l'instant. On essaye. On se ravise. On revient après réflexion - il n'y a pas de limite au rewind. Bref, on peut expérimenter une réaction à court terme, mais craindre pour plus tard... En outre, cette aptitude se révèle assez chouette pour avoir l'air plus cool auprès des skaters ou d'une geek, aborder un sujet délicat dont vous ne devriez pas avoir connaissance avec un(e) autre élève. Une info acquise dans une autre "timeline" et le tour est joué pour nouer quelques relations. Quels impacts auront les choix appliqués, résumés et comparés à la fin du chapitre à la façon d'un jeu Telltale ? Nous souffleront-ils ? Difficile à dire. Mais on a envie d'y croire.

Papillon de lumière ?

On a envie d'y croire parce que les développeurs sont parvenus à créer un univers attachant, teinté de nostalgie et planant - ce à quoi la bande originale folk/rock sur laquelle travaille Jonathan Morelli du groupe Syd Matters et qui comprend aussi des titres de Alt-J, Mogwai ou encore José Gonzalez n'est pas étrangère. A pas mal de situations éprouvées, comme se faire interroger en cours alors qu'on a la tête ailleurs, de thématiques liées aux tensions sociales ou à la très cruelle adolescence, se greffent des mystères et intrigues (dont une dispiration très, très louche) qu'on croirait sortis de Veronica Mars ou de Twin Peaks, et ce pouvoir digne de Butterfly Effect. Les références à la pop culture ne manquent guère, sont parfois un peu grossières, tous comme les contours de la plupart des personnages croisés. Mais c'est peut-être cette familiarité qui aide à se sentir comme enveloppé dans une bulle. Et à fermer les yeux lorsque la direction artistique, l'emploi des couleurs et des effets de lumières et la mise en scène léchée ne suffisent pas à cacher des modélisations et animations pas toujours heureuses, une synchro labiale absente et un découpage des lieux arpentés en zones trop restreintes. Ou que quelques répliques semblent tomber comme un cheveu sur la soupe si l'on n'a pas suivi un ordre de marche précis... Reste à voir si on ne les ouvrira pas davantage si la suite de l'aventure nous déçoit.

Il est toujours compliqué d'évaluer un premier épisode. Celui de Life is Strange, dont les défauts principaux sont plutôt d'ordre plutôt technique, arrive à séduire sans peine, en deux heures de temps. Son approche film indé américain, son intrigue et ses personnages qui commencent à se dévoiler fonctionnent bien. Le système de jeu à base de retour en arrière et de choix aux effets pas toujours évidents promet énormément. Le potentiel est là pour Maxine. Il ne lui reste plus qu'à faire ses preuves avec le prochain volet, dans six semaines.