Après avoir essoré la bataille de Normandie et ses bocages pleins de surprises dans le premier épisode, après avoir parcouru les Pays-Bas dans Opposing Fronts pendant l'opération Jardin de Marché (ok, opération "Market Garden" ça sonne mieux en V.O.), ou encore s'être doré la pilule sur le front Russe dans Company of Heroes 2, il était grand temps de s'intéresser à la bataille des Ardennes. Nous voilà donc partis pour une campagne solo à la tête de l'armée américaine, pour tenir les lignes et contenir la riposte Allemande au milieu des vastes forêts enneigées.

Always Coca-Cola

Alors je vous entends déjà râler contre "le manque de variété" ou "d'originalité" de l'armée U.S, que c'est très convenu, qu'on en a marre des américains, qu'on n'est pas dans Call of, ou qu'il aurait été plus opportun de diriger une armée exotique... En même temps, prendre le commandement de l'armée Jamaïcaine ne serait pas forcément très convaincant, et puis on dira ce qu'on voudra, c'est quand même vachement agréable de jouer les ricains. C'est un peu comme retrouver ses bons vieux chaussons après une longue période d'absence : on s'y sent bien, on les connaît par coeur et on ne peut pas se résoudre à les jeter. Dès les premières parties, on reprend vite ses marques : on retrouve nos petits blindés Greyhound pour harceler l'ennemi, nos chasseurs de chars Wolverine, l'infanterie incisive et polyvalente des américains, ou encore ces bons vieux chars Sherman. Et on a qu'une envie, c'est de repartir sur le front le plus vite possible.

Mais où est donc passé la Company of Heroes ?

Je vais vous faire une confidence : je n'avais pas été emballé par le scénario et le rythme du CoH 2 original, qui manquait à mon sens de vraies surprises, de retournements de situation, de variété ou de pêche, tout simplement. Et puis le coup du blizzard ou de l'ordre 227 qui interdit toute retraite, présentés comme grandes nouveautés, étaient surtout des artifices de communication à balancer en conférence de presse (car finalement bien plus handicapants qu'enrichissants). Là, à ma grande satisfaction, ce genre de gimmick a été balayé d'un revers de main pour se recentrer sur l'essentiel : des missions dynamiques, intenses, et le recours aux bonnes vieilles mécaniques qui ont fait le succès du premier volet. Sans atteindre le niveau des meilleurs moments de la série, on retrouve des missions nettement plus inspirées avec cet Ardennes Assault. Tenir des points de contrôles le plus longtemps possible, couper les chaines de ravitaillement de l'ennemi, neutraliser son artillerie et la retourner contre lui, bref : on fait dans le classique mais dans l'efficace.

Comme on fait son lit on se couche

Une des grandes nouveautés de ce stand-alone, c'est la carte stratégique. Un peu à la manière du vénérable North & South sur Amiga (ou disons d'un Total War pour parler de quelque-chose d'un poil plus récent), on déplace nos sections sur une grande carte, case par case, pour choisir soigneusement l'endroit à attaquer. Aucune forme de complexité stratégique à ce niveau-là, ni de ressources à gérer : il s'agit surtout d'un moyen ludique et non-linéaire de faire progresser la campagne et cela fonctionne parfaitement. C'est également de cette manière qu'on va pouvoir choisir ses missions tout au long de la campagne, qui propose presque une vingtaine d'étapes et donc une durée de vie très raisonnable.

Chair à canon et chers canons

Chaque bataille constitue également un challenge différent qui peut changer dynamiquement d'une partie à l'autre, avec des objectifs bien diversifiés et des forces ennemies variables selon la mission ou l'évolution des combats précédents. Au fur et à mesure de notre progression, nos forces présentes sur la carte s'amenuisent inexorablement, mais elles récupèrent en contrepartie des bonus d'expérience et des niveaux de vétérance qui boosteront les capacités des unités. Il faut donc redoubler de vigilance avant d'envoyer ses troupes au casse-pipe et veiller à ne pas subir trop de pertes, histoire de ne pas hypothéquer ses chances de succès pour la suite des opérations. Le jeu est d'ailleurs sans pitié à ce niveau-là, avec un système de sauvegardes qui empêche de revenir en arrière à tout va.

Company of XP

Le jeu conserve bien entendu les mécaniques de progression et de bonus d'expérience apportés par CoH 2 (et surtout par CoH Online avant lui) avec l'arbre de compétences et les bonus assignables : pas moins de 4 grandes compétences et 6 améliorations sont disponibles pour une compagnie, pour un total de 72 niveaux d'améliorations en tout. Mais c'est surtout la direction de trois compagnies bien distinctes sur la carte stratégique qui retient l'attention. On se retrouve donc à diriger simultanément une section aéroportée, avec ses parachutistes rapides et mobiles, une division mécanisée spécialisée dans les engins à chenilles et une section davantage portée sur la défense, avec ses soldats du génie et leurs constructions salvatrices. Évidemment, il faudra essayer d'utiliser tout ce beau monde au mieux en fonction des missions et des objectifs, pour optimiser ses chances de survies et diminuer au maximum celles de l'Oberkommando West.

Panzervidia IV

D'un point de vue visuel, le moteur fait bien le boulot et le jeu reste très agréable à regarder. La neige, le vent, les explosions, tout est convaincant. Même si personnellement, l'écart graphique entre le premier CoH et le deuxième épisode ne m'a jamais vraiment ébloui, on est sur des bases solides et on reste dans le haut du panier en terme de rendu visuel pour un RTS. La physique des éléments destructibles est toujours aussi probante et les pluies d'artillerie sont toujours impressionnantes à regarder. Rien à dire non plus du côté de la modélisation des armes ou des véhicules, parfaitement calquée sur les modèles existants et qui ravira les amateurs de modélisme, pointilleux sur l'emplacement exact de la trappe à carburant d'un Stug III ou sur le nombre de chenilles d'un Jagdpanther. Si CoH premier du nom était assez gourmand et nécessitait une grosse machine pour obtenir un rendu fluide, aujourd'hui, une bécane de joueur moyen sera nécessaire et suffisante pour jouer à CoH 2 Ardennes Assault. Mais bien entendu, je ne peux que vous inviter à utiliser des machines qui carburent au diesel pour profiter du spectacle et faire rugir le moteur sans craindre la moindre baisse de framerate, surtout au coeur des affrontements les plus intenses.

Retour de bâton

J'en profite pour vous signaler qu'Ardennes Assault est un "stand-alone", ce qui signifie qu'il n'est pas nécessaire de posséder le CoH 2 de base pour trainer ses guêtres du côté de la Meuse. Un très bon point. En revanche, plusieurs petites choses m'ont agacé... Tout d'abord, et c'est un reproche qu'on peut évidemment adresser à l'ensemble du deuxième épisode, mais qui reste valable pour Ardennes Assault, le jeu et son interface ressemblent à une vaste vitrine pour DLC payants. À chaque coin de menu, on a l'impression qu'il va falloir passer à la caisse pour jouer à un jeu complet (et même si l'ensemble de base est tout de même déjà bien rempli). Par exemple, si vous souhaitez diriger une quatrième et dernière compagnie sur la campagne solo, il faudra dégainer la carte bleue. Si le fond est discutable, la forme, elle, est au moins maladroite. Autre chose : certes, le jeu est globalement agréable à regarder, mais il faut quand même avouer que ça manque de diversité. Alors je sais que l'action se situe dans les Ardennes et qu'il ne faut pas demander les tropiques, mais au final, on ne sort jamais vraiment du triptyque arbre/neige/lac gelé. Dommage aussi qu'on ne retrouve pas nos chers britanniques, si plaisants à jouer par le passé, ou la Panzer Elite Division. Oui, je suis nostalgique.

Victory

Le principal est là : à partir du moment où on lance cette nouvelle campagne, il devient extrêmement difficile de trouver la touche "échap" pour quitter le jeu. Les missions s'enchainent et les heures défilent à toute allure sans qu'il soit possible de freiner tout ça. C'est la marque des (très) bons jeux. Le tir a également été corrigé d'un point de vue narratif : les cinématiques niaises et désuètes de la campagne Russe ont été remplacées par des séquences nettement plus convaincantes. L'ambiance sonore est elle aussi un motif de satisfaction, avec une mention spéciale pour la VF qui n'a pas trop à rougir de la comparaison avec les voix originales (incontournables par le passé).
En d'autres termes, on tient là un excellent épisode de la saga, qui m'a réconcilié avec ma série préférée en matière de RTS. Et il était temps, parce qu'on aurait pu perdre espoir. Mais heureusement, les renforts sont arrivés pile au bon moment !