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Inutile de vous présenter aujourd'hui Battlefield 3 et son rouleau compresseur promotionnel impeccable, même si l'on peut d'emblée s'interroger sur la politique marketing assez curieuse qui découle de cette bêta multijoueurs : jusqu'ici, Electronic Arts avait toujours mesuré - main dans la main avec le développeur DICE - sa communication sur le titre, dosant ses effets avec parcimonie à l'aide de trailers promotionnels tous plus réussis les uns que les autres. Jusqu'à l'arrivée de cette bêta sur consoles, il faut le reconnaitre, assez catastrophique sur un plan strictement technique, et donc par ricochet, préjudiciable à l'ensemble de la marque Battlefield. Si les joueurs consoles de Battlefield sont malheureusement coutumiers des ratés parfois assez lourds dans ces périodes de stress-test des serveurs et de réglages lié au lancement, Electronic Arts semble se mettre une balle dans le pied en livrant ainsi en pâture aux joueurs désireux de s'initier à la licence - un petit mois à peine avant la sortie officielle -, une version proprement bourrée de bugs jusqu'à la gueule, autant de carences qui atteignent pour certaines des sphères totalement atmosphériques en la matière.

Red Ring of the DICE

Outre les nombreux problèmes de connexion, de création d'escouades et de freezes intempestifs de console, citons aussi des modèles physiques parfois fantaisistes avec des corps désarticulés ou qui s'allongent (le syndrome du cou de girafe), des trous invisibles dans le sol (une vraie misère pour en sortir, d'autant plus comico-pathétique quand les coéquipiers respawnent sur vous), des ennuis récurrents et frustrants de "hitbox", la possibilité d'amorcer ou d'éteindre un objectif pendant la mort (!), des roquettes qui n'explosent pas une simple planche de balsa, le son qui s'amoindrit subitement... sans oublier le meilleur pour la fin : j'ai, parait-il, fragué l'un de mes contacts sur le Xbox Live sans même être présent en ligne ! Depuis circule l'espoir qu'il s'agirait d'une version bêta qui daterait de quelques mois, sans que DICE ne l'ait jamais formellement confirmé, ce qui serait d'autant plus étrange pour un jeu censé lorgner également en direction d'une nouvelle base de joueurs. Si tel n'est pas le cas, ce qui semble le plus vraisemblable, on peut légitimement s'inquiéter du peu de temps laissé au studio pour peaufiner tous ces aspects essentiels à n'importe quel shooter qui se respecte.

Il paraît nécessaire également de pointer du doigt une autre caractéristique qui n'est pas vraiment rédhibitoire en soi, mais qui dénote tout de même d'un certain changement spirituel de la part de DICE : on constate régulièrement à l'occasion de cette bêta l'existence de scores fleuves, avec des ratios "Kills / Deaths" exagérément élevés, ce qui constitue un glissement sémantique vers le jeu d'arcade, d'autant plus qu'il faut considérer qu'il s'agit du mode "normal", le mode "extrême" - disponible dans la version finale - étant par essence encore plus propice aux morts violentes et soudaines. Globalement, on meurt très vite dans Battlefield 3, et par conséquent, il devient plus aisé de fraguer son prochain. Si la topographie de la map, évoquant par endroits les goulots d'étranglement de l'extension Vietnam, peut donc expliquer en partie ce constat, l'équilibrage des parties parait encore trop permissif, surtout si l'on tient compte de l'absence de véhicules, potentiellement plus meurtriers qu'un fantassin de base. Est-ce à dire que les développeurs estiment que le gameplay de leur bébé gagnerait à devenir moins frustrant, et par conséquent moins exigeant que ses aînés ? Difficile de l'affirmer, surtout que paradoxalement, le simulacre de guerre tend de plus en plus vers une fuite en avant en la matière, les scènes de guérilla urbaine et souterraine dans Battlefield 3 ayant rarement, voire jamais, été aussi suggestives et prégnantes qu'ici.

Des sensations... pures

Ce constat posé, que retenir en l'état du mode Rush de la carte Opération Métro ? Si dans un premier temps, l'amélioration visuelle par rapport à Bad Company 2 n'est pas flagrante, la faute à un aliasing assez prononcé, on découvre progressivement les dizaines de petits changements amorcés par le moteur Frostbite 2.0, notamment en ce qui concerne la gestion des lumières. L'addition de features sympas comme les lampes posées sur le canon de l'arme qui éblouissent l'adversaire de près (mais qui trahissent sa position de loin), ou encore les viseurs laser qui brûlent la rétine, sont autant d'ajouts capables d'inverser instantanément le rapport de force dans une confrontation. Quant à la physique de la destruction, désormais LE point fort et attendu de la licence, si la map Opération Métro se montre relativement chiche sur cet aspect (des murets et autres caisses, quelques pans de murs et des colonnes dans le métro, et enfin les façades des immeubles haussmanniens), on sent bien, du moins on l'espère, qu'il en reste encore sacrément sous le coude, dans l'attente d'arpenter enfin des maps beaucoup plus généreuses en la matière. Le meilleur reste donc à venir.

On peut saluer aussi la nouvelle fonction du tir de suppression, qui concrètement, oblige à contourner un barrage de tirs sous peine de sentir sa vision se brouiller, ainsi que la possibilité de s'allonger, qui si elle favorisera les habituels "sniputes", rajoute énormément en terme d'immersion (se vautrer sur le sol après une course désespérée sous un concert de balles connaît peu d'équivalent à l'heure actuelle dans le genre), tout en permettant aux plus vicieux de se mélanger à un groupe de cadavres afin de mieux surprendre l'adversaire. Autre gros domaine où l'on attendait fiévreusement DICE : le sound design. Il faut avoir longuement pratiqué les modes multijoueurs des épisodes Bad Company afin d'apprécier à quel point l'enveloppe sonore fait partie intégrante de l'expérience Battlefield. Comprenez que sous leurs dehors purement immersifs, les bruitages participent à 50% au gameplay, et une installation adéquate avantage "physiquement" le joueur dans la mesure où il sera capable d'anticiper précisément l'arrivée d'un ennemi, à l'aide de son ouïe.

Frères d'armes

Enfin, soulignons que DICE a pris le parti de favoriser, voire d'exiger des joueurs une complémentarité de tous les instants, poussant définitivement le teamplay dans ses derniers retranchements. Cette consolidation de l'aspect tactique est encore renforcée par l'apparition de points de spawn mobiles (inexistants dans les épisodes de Bad Company), et par la cascade de bonus qui récompensent toute action à portée collective. C'est pourquoi une escouade organisée - et communicative - apparaîtra virtuellement invincible, se mouvant comme un seul homme en attaque comme en défense. J'ai notamment en mémoire quelques scènes de guérillas absolument jouissives en compagnie de la team, dont cette confrontation quai à quai à l'intérieur du métro, où les balles et autres roquettes fusaient par centaines dans un maelström destructeur et intense, ainsi que cette défense héroïque du dernier point A de la map, située dans une boutique au rez-de-chaussée, reconvertie littéralement en Fort Alamo. Des "battlefield moments" comme on aime les nommer entre nous, qui annihilent instantanément toute forme de réticence chez celui qui les aura vécus.

Cette bêta multijoueurs de Battlefield 3 souffle donc sensiblement le chaud et le froid, mais rassure sur un point crucial : le peu qu'on entrevoit de la version finale laisse augurer de prochaines confrontations par équipe qui se hisseront, en principe, à la hauteur de celles des épisodes précédents. S'il est encore trop tôt pour affirmer que l'élève sera capable de dépasser les maîtres, le gameplay jouit cependant d'un potentiel énorme, que l'on souhaite ardemment voir s'épanouir sur l'ensemble des maps de Battlefield 3, futur terreau que l'on espère fertile en émotions.