Notre héros rentre d'une journée de travail. Il est tard, la nuit est déjà tombée sur la ville. Il retrouve enfin sa dulcinée, qui semble avoir eu une bonne descente aujourd'hui. Quelque peu assommée par les vapeurs d'une délicieuse liqueur, la belle s'assoit, le temps de reprendre ses esprits et de nous permettre de rapidement comprendre les mécaniques de cette aventure qui tourne vite au cauchemar.

La ligne claire

Largement inspiré du point'n click, 12 Minutes s'en démarque pourtant presque immédiatement : loin des délires capillotractés de l'époque Gilbert/Schafer, ici tout est simple, clair, lisible. En balayant le curseur au-dessus d'un salon en vue aérienne qui fait office de cadre, on découvre les objets avec lesquels on peut interagir. Prince charmant oblige, nous voilà en train d'associer un mug vide au robinet pour servir un verre d'eau à madame, qui le siffle sans se faire prier. On prend, on combine, on repose : tout semble pensé pour ne jamais perdre le joueur, ou tromper son raisonnement. Voilà qui n'est pas si commun, et pourrait éviter de tourner plus que de raison... en rond.

Cette soirée promise à bien des ébats tourne vite au vinaigre, alors qu'un prétendu représentant des forces de l'ordre frappe à la porte. En l'absence de réaction, nous voici rapidement menottés. Il y aurait sans doute eu tant à faire, mais la rapidité de l'action l'emporte. Le "flic", ô combien suspect, hurle, mentionne un meurtre qui aurait eu lieu huit ans auparavant. Que se passe-t-il ? tout est si confus. Le quidam n'obtient pas de réponse, et finit par passer ses nerfs sur notre héros... qui meurt donc étranglé dans son salon. Les corps parviennent, faute de visages à lire, à préciser ce qui se joue, et offriraient peut-être même quelques pistes à suivre.

Ça caille tous les soirs par ici

Qu'importe, puisque la particularité de cette aventure est évidemment de proposer une boucle, un retour en arrière permanent, mais c'est fort de son expérience et la gorge encore serrée que notre avatar reprend le cours du temps, à peine rentré à la maison... Encore sonné, il tente évidemment de persuader sa belle que tout ceci ressemble fort aux aventures marmottées de Phil Connors. Mais faute de preuve, tout est à refaire, et les nouvelles lignes de dialogue mériteront sans doute d'y revenir plus tard, plus au fait de ce qui se joue dans l'intimité d'un appartement. Laisser portes ouvertes et y revenir mieux équipé, voilà qui n'est pas sans rappeler une délicieuse série judiciaire. Nous est donné une occasion de parcourir plus en détail l'intérieur, et de voir dans le couteau posé sur l'évier une occasion de changer le cours du temps. Immanquablement, la mort et l'anticipation glanée au fur et à mesure change la perception des lieux, et les interactions tombent sous le sens.

Dès lors, plusieurs options s'offrent à nous : attendre le représentant de l'ordre et le poignarder prestement, ou s'éclipser dans la salle de bain. Un tour de clé plus tard, nous voici à l'abri. Du moins, jusqu'à l'arrivée de l'antagoniste, qui comprend après quelques appels au secours qu'une autre personne se cache dans ce modeste appartement. C'eut été bien trop facile. Les coups de surin sont assénés en vain, le trépas signe une nouvelle fois l'arrêt de la boucle. Et c'est la tête pleine de théories que l'on reprend le cours de sa vie.

Danse avec les loop

La mort ne nous va finalement pas si mal, et l'on se rend très vite compte de l'apport potentiel de chaque boucle : faute d'avoir réussi à neutraliser la flicaille, la mention de ce meurtre non-résolu ouvre de nouvelles lignes de dialogue, qui finiront sans doute par dévoiler une vérité, aussi sordide soit-elle. Une curieuse façon de mener l'enquête, qui pourrait donner lieu à des embranchements très nombreux. Encore faut-il que l'équilibre soit au rendez-vous.

En l'espace de quelques minutes seulement, l'aventure de Luis Antonio nous a évidemment mis l'eau à la bouche, et si bien des titres recyclent aujourd'hui sans trop y réfléchir la mécanique de retour à la case départ chère aux Rogue-like, ce récit semble exploiter avec beaucoup d'intelligence le principe de boucle, pour dévoiler petit à petit ses subtilités, et nous réserver, du moins l'espère-t-on, bien des surprises... Gageons que si son réalisateur parvient à conserver notre intérêt intact, sans tomber dans une redondance qui pourrait plomber le rythme, 12 minutes donnera à bien des joueurs envie de démêler jusqu'au bout de la nuit les fils de son intrigue bien emmêlée.

ON L'ATTEND... TOUJOURS AUTANT !
En l'espace de quelques minutes, 12 Minutes nous a donné envie de plonger immédiatement dans une troisième boucle, afin de saisir les enjeux de ce thriller minimaliste et pourtant complexe dans son déroulement. Si l'écriture et la structure s'avèrent aussi solides qu'escomptées, il y a fort à parier qu'Annapurna Interactive ait une fois encore eu du nez ! Prévu sur PC, Xbox One et Xbox Series, 12 Minutes arrive "très bientôt", selon les mots de son réalisateur. Pas de blague hein ? Nous avons assez attendu...