Attention ce test est une critique d'Alan Wake, il est destiné à ceux qui
ont déjà terminé le jeu et qui souhaite partager leurs impressions. Il contient
donc un certain nombre de spoiler.

J'ai découvert la série des Max Payne sur le tard (l'an dernier) mais j'ai
réellement apprécié l'expérience narrative et interactive qu'il proposait,
d'une maturité assez surprenante pour un jeu vidéo. Je me suis donc mis à
attendre Alan Wake avec une certaine impatience.

Experience de jeu

Mes premières heures à Bright Falls ont été synonyme de déception. Le jeu a
une structure trop proche de Max Payne, c'est à dire extrêmement linéaire,
alternant scène gameplay et scène narrative.

Coté gameplay, ça commence assez mollement: on découvre le système de tir
combiné au système d'éclairage, original mais pas époustouflant non plus. Et on
court en forêt. Beaucoup. Trop...

Là où j'attendais le plus Alan Wake c'était bien sûr au niveau de la
narration et le début est assez catastrophique: les personnages accumulent les
clichés et sont ultra référencés. Leurs visages peu expressifs et pas vraiment à
jour techniquement n'aident pas à l'immersion. Les voix sont correctes mais
sont loin de donner plus de corps aux personnages à l'image de Red Dead Redemption. Le script utilise
une assez grosse ficelle: la fiancée du héros disparait et l'on doit la
retrouver. Cette disparition arrive tôt dans le jeu, avant que le joueur ait le
temps de s'attacher à ce personnage assez transparent et cliché. Le thème
surnaturel paranoïaque est loin d'être original en jeu vidéo: la saga Silent Hill a déjà pas mal creusé le
sujet. Le jeu use et abuse de la mise en abime : la paranoïa s'installe et
remet en question existence même d'Alan et de tout ce qui ce passe. Les enjeux
dramatique étaient, pour moi, à cet instant,  très bas: je suis perdu dans un monde, peut
être imaginaire, pour sauver une femme à qui je ne tiens pas plus que ça.

Le jeu s'est cependant amélioré avec le temps, en particulier à partir de
l'épisode « Truth ». La fin que je redoutais est envisagée à ce
niveau: Alan est un fou dont la femme est morte il y a quelques temps.  Etant rendu à la moitié du jeu, j'en déduis
que cette hypothèse n'est pas la bonne. Ouf ! L'histoire aurait donc un
sens? Oui tout au long des 3 derniers épisodes, le fonctionnement de l'univers
de Bright Falls va être décortiqué, les relations entre les différents
personnages vont être éclaircies. Même si ce basculement vers le fantastique un
poil série B (la puissance ténébreuse diabolique lovecraftienne...) en lieu et
place d'un rouage purement psychologique en aura peut être déçu certains, il
m'a en revanche réellement remotivé. Le monde devenant plus réel, les enjeux
dramatiques prenaient alors plus de poids.

Le gameplay prend lu aussi de l'ampleur avec une difficulté accrue,
obligeant à switcher stratégiquement entre nos différentes armes. Les séquences
deviennent plus spectaculaires et plus variées avec l'apparition de PNJ.

La fin m'a déçu car si elle a le mérite de clôturer la quête d'Alan, elle
reste assez ouverte et floue. Je pense qu'Alan est condamné à écrire à perpétuité
la vie joyeuse des habitants de Bright Falls, sous peine de laisser la force
ténébreuse revenir. Ce sacrifice sert donc de twist final un peu mal amené pour
ne pas finir sur un happy end et aussi pour...promouvoir les DLC! Alan Wake
étant considérer comme l'équivalent d'une série télé, c'est compréhensible mais
il faut voir si les DLC seront à la hauteur. Le gameplay du jeu étant assez répétitif,
je me demande comment ils vont réussir à l'étaler sur de nouveaux épisodes...

Après cette vue globale du jeu je vais essayer de revenir sur quelques
points dans ce qu'a réussi ou raté Alan Wake à mes yeux.

Moderniser le jeu d'aventure en le découpant en épisode à la façon d'une
série télé

Je suis d'accord avec les concepteurs de ce jeu, le format série télé est
parfaitement adapté au jeu vidéo. Cela permet de maintenir un certain rythme et
d'être sur que l'histoire progresse tout au long du jeu. Pour ce qui est de
l'histoire, le pari est tenu, on n'est pas limité à un gros bloc narratif au
début et à la fin comme dans pas mal de jeux, l'histoire progresse tout au long
de l'aventure. De plus, les résumés en début de chaque épisode permettent de
faire un point sur tous ce qui a été découvert et de ne pas perdre le
fil.  Au niveau du rythme ce n'est vraiment pas ça par contre: qui a vu
des épisodes de série télé d'1h30/2h ? C'est beaucoup trop long. J'aurais
aimé picorer le jeu comme une série télé en me disant « allez un dernier
épisode avant de me coucher ». Ces épisodes dépassent à mon avis la durée
d'une session de jeu et il arrive de s'arrêter avant d'avoir atteint la fin.
J'aurais préféré que les auteurs de ce jeux nous propose 2 fois plus d'épisodes
mais de 45 minutes seulement (ou même plus court).

Mixer narratif et gameplay

C'est plutôt un échec ici aussi. Pour reprendre la formule de David Cage, le
jeu est découpé comme un film porno: séparant brutalement les séquences d'action
et de narration. Les séquences narratives de jour sont pour moi dénué de
gameplay. Il faut juste allez d'un point A à un point B et recommencer :
c'est mieux qu'une cinématique mais ce n'est pas encore ça. Divers média parsèment
le terrain de jeu : pages de roman, émission radio ou série télé. Malheureusement
si ceux-ci aide à l'immersion, ils nous empêchent aussi de progresser dans l'aventure
nous obligeant à nous arrêter et à poser la manette quelques secondes (ou minutes)
pour les lire, voir ou écouter.  Les séquences
d'action s'enchainent parfois pendant 30 minutes sans réel apport narratif :
je traverse la forêt infestée de ...d'infestés... pendant 30 minutes pour rejoindre
le point B. Comme dit précédemment, à la fin, ça s'améliore avec la
participation de PNJ à l'aventure. Des recettes hollywoodiennes sont alors utilisées
tel que l'acolyte qui fait des blagues bidons, vos amis qui disparaissent et
que vous devez retrouver. C'est assez basique mais ça crée des liens et des
objectifs plus motivants. Enfin 2 scènes sont réellement audacieuses en termes
de narration : une scène où l'esprit d'Alan survole un flashback et permet
de découvrir un certain nombre de réponse et la dernière scène où Alan écrit la
dernière page de son livre "Departure" en écrivant les mots avec sa
lampe torche. C'est dans ces moments là que je reconnais la patte des auteurs
de Max Payne. Le gameplay est nul là aussi, mais l'interactivité donne vraiment
du sens à ces scène que l'on ne peut retrouver que dans un jeu vidéo.

Rendre le jeu accessible à un large public

Je pense que c'est clairement réussi ici, la jouabilité semble réellement
pensée pour ne pas être prise de tête : un bouton =  une fonctionnalité. Pas de map, des check
points (halo lumineux) visibles de loin : pas de moyen de se perdre. Les séquences
d'action sont stratégiques mais très jouables : pas de cover system, level
design plat. On sent réellement la volonté des développeurs de ne pas perdre de
joueurs en route. En temps que gamer je trouve juste un peu dommage que le mode
normal (je choisis toujours le mode normal dans les jeux vidéo) n'est pas été
le mode difficile, je me trimballais toujours avec une tonne de munitions sur moi,
je n'avais pas cette pression type survival sur moi et j'avais l'impression de
jouer au mode « pour les nuls ». Je suis aussi déçu du manque de
variétés des scènes d'action qui ne s'explique pas par les choix de jouabilité
ou de public.

Conclusion

Le jeu vidéo est un média qui tend à devenir plus mature et intelligent (du
moins je l'espère). Alan Wake semble vouloir s'inscrire dans ce mouvement mais
il a du mal à se séparer de ses références ciné et littéraire et à trouver sa
propre identité. De plus, le coté interactif de l'expérience a trop été mis de
coté à mon gout. On est, comme Alan, manipulé pour suivre un chemin tout tracé
sans vraiment avoir l'impression de réellement participé à l'aventure.