Dans la grande valse des droits d'exploitation de licences récupérés par les éditeurs au détriment des développeurs d'origine (Crytek avec Far CryUbisoft, Bohemia Interactive avec Operation FlashpointCodemasters...) les allemands de Piranha Bytres ont eux aussi connu les affres de la séparation de biens avec JoWood. Qu'importe : tandis que le premier nous gratifie aujourd'hui d'un Risen corrigeant les errements techniques de leur précédente production (Gothic 3), le second s'est adjoint les services de Spellbound Software pour nous préparer un Gothic 4 : Arcania qui aura au moins le mérite de partir sur de nouvelles bases. Représentant toujours avec profondeur et fierté le genre RPG "fantastico-réaliste", Risen fleure bon l'artisanat teuton, et conjugue avec brio une vraie simplicité - menus résolument old school, interface limitée à une feuille de personnage, un inventaire, une carte et un journal de bord - et un souci du détail hallucinant. Ainsi, le jeu vous invitera à maîtriser divers arts et compétences, bien sûr, mais c'est surtout les relations complexes qui se jouent ici entre factions et personnages, promesses d'une expérience non linéaire, qui impressionnent. Le naufragé pouilleux que vous incarnez dans le jeu, échoué sur une île de Faranga où des temples anciens sortent mystérieusement de terre, va manifestement avoir fort à faire...

Vis ma vie... de galérien

Retour à Faranga, où vos premiers pas traduisent votre relative impuissance. Armé d'un simple gourdin trouvé parmi des débris, vous évitez soigneusement les confrontations directes avec n'importe quel animal un peu costaud - les sangliers, au hasard - et trouvez dans la simple utilisation d'une poêle, brandie au dessus d'un feu de camp tandis qu'y cuisent viandes ou poissons, une vraie source de réconfort. Le bonheur du crève-la-dalle... Rapidement, de grandes lignes se dessinent : Faranga, auparavant administrée par un gouverneur du nom de Don Esteban, désormais reclus, est maintenant sous la houlette de l'Inquisition, qui étudie de près ces mystérieux temples sortis de terre, ainsi que tout ce qu'ils contiennent. De la ville de Port-Faranga au camp retranché des rebelles dans les marais, entre monastère, sombres cavernes et forêt luxuriante, l'univers qui s'offre à vous, finalement assez "réduit", se révèle en tout cas d'une richesse impressionnante. Car Risen a fait le pari du vivant... et de la personnalisation. Ainsi, impossible, comme dans un Oblivion, de devenir à la fois voleur plus discret qu'une ombre, magicien d'exception, guerrier expert en tous types d'armes et archer émérite (en tout cas pas dans les mêmes proportions). Vous devrez faire vos choix en fonction de vos aspirations et de vos rencontres, consultant différents maîtres experts dans tel ou tel art... et les rémunérant pour leurs conseils. Libre à vous, également, de développer différentes compétences, en forge, alchimie, orfèvrerie, dépeçage, calligraphie (pour les parchemins magiques) ou prospection des métaux, autant de domaines qui se révéleront sinon indispensables, du moins fort pratiques pour vous faciliter la vie. Dans tous les cas, votre progression se révélera lente - comptez dix heures de jeu à vivoter sans équipement digne de ce nom -, mais la satisfaction que vous tirerez à voir votre avatar ressembler peu à peu à quelque chose fera figure de juste récompense. Évidemment, entre Inquisition (guerriers de l'Ordre et mages du Monastère) et rebelles, il vous faudra, à un certain moment, choisir votre camp...

L'effet papillon...

Si l'intelligence artificielle de Risen souffre sans surprise de multiples défauts (comme dans absolument tous les jeux à monde ouvert comparables), l'autonomie véritable des PNJ, qui "vivent leur vie", ainsi que le système de relations complexes mis en place par Piranha Bytes, entre degré d'affinité et liens de subordination, ne peuvent que forcer le respect. Ici, chacune de vos actions, chacun de vos choix, a des conséquences plus ou moins importantes. Ainsi, vous pourrez tuer - ou faire tuer indirectement - de très nombreux PNJ dans le jeu, ce qui aura pour résultat de vous bloquer l'accès à certaines quêtes... ou vous attirer des inimitiés/faveurs inattendues. Ici, l'adage "les ennemis de mes ennemis sont mes amis" se voit particulièrement bien représenté, et vous forcera souvent à bien réfléchir avant d'agir. Du côté des combats au corps à corps, auxquels vous n'échapperez évidemment pas face aux loups, gnomes, goules, ogres, squelettes et autres joyeuses créatures qui vous barreront la route, on apprécie la limpidité du système mis ici en place : bouton de souris gauche pour frapper, droit pour parer, et esquive possible, le jeu se chargeant des différents types d'enchaînements à votre portée. Une simplicité bienvenue, et une technique de combat qui s'affirmera au fil du temps, rendant vos coups - ou vos tirs à distance, ou vos sorts - plus nerveux, plus précis, plus efficaces...

Monsieur chieur...

On pourrait, devant ses nombreuses qualités, rester aveugle aux divers travers de Risen. Mais qui aime bien châtie bien, et ce paragraphe sera celui des errements divers dont il nous gratifie. On peut ainsi, dans Risen, surprendre régulièrement des conversations entre PNJ... et s'apercevoir qu'elles n'ont ni queue ni tête ! Exemple choisi :

− Comment va-t-on faire pour se nourrir ?
− Réussite ou échec ?
− C'est ce que j'ai entendu dire moi aussi
− Après la pluie viendra le beau temps

Un échange de points de vue pas vraiment constructif... À l'instar d'Oblivion, riche de dialogues du même acabit, on prêtera donc une oreille distraite aux conversations alentours, pour l'ambiance, davantage que dans l'espoir de piocher des informations d'importance. Lors de vos conversations personnelles, notez également que certains choix de dialogues censés disparaître restent parfois sélectionnables (ex : vous rapportez un cuissot grillé à un PNJ qui en réclame, et le choix "Allez la chercher vous-même votre foutue viande !" reste affiché). Dans la série petites imperfections, citons enfin la possibilité qui vous est offerte de piétiner un PNJ sans le réveiller, de rester au milieu d'un feu de camp sans vous brûler, des bugs de collision assez nombreux (mais sans conséquence), l'inventaire "infini" pas vraiment réaliste (mais tellement pratique) ou encore les choix de dialogues constitués de phrases trop longues dont vous ne pourrez lire la fin. Dans le genre rigolo, il vous sera également possible de prendre un bain tout habillé, avec votre bouclier sur le dos... Bref, quelques défauts de finition, donc, mais qui ne gâchent en rien, je vous rassure, l'expérience de jeu.

Mais sur Xbox 360...

Déjà moyennement emballé par certains aspects "esthétiques" de Risen sur PC, j'avoue avoir été franchement déçu par ce que propose - en tout cas techniquement - la version Xbox 360 du jeu. Le portage, effectué par les français de Wizarbox (qui s'étaient déjà occupés de l'adaptation de Arx Fatalis sur Xbox), tient en effet difficilement la comparaison, la faute à des textures plus grossières, une profondeur de champ moins importante, des textes dont on ne peut modifier la taille et par conséquent parfois difficiles à lire sur un écran TV, un framerate quelquefois carrément poussif (la cour du monastère fait dans le Slide Show) et une luminosité d'ensemble qui tire carrément sur le sombre (non, ce n'est pas votre télévision qui est mal réglée). Évidemment, une Xbox 360 rivalise difficilement avec les processeurs et cartes graphiques dernière génération, et l'expérience de jeu proposée reste plaisante, mais la différence reste trop marquante pour ne pas lui enlever une étoile par rapport à la version PC. On attend évidemment avec impatience une hypothétique refonte graphique du jeu, bientôt, avec deux patchs à venir. Le premier, qui sortira aux alentours du 15 octobre, inclura notamment une amélioration globale de la végétation, et un réglage gamma pour la luminosité. Le second, prévu pour "dans quelques semaines", affinera certaines textures et permettra au héros de profiter d'un visage, disons, plus avenant. De bonnes et belles choses que l'on attend de juger sur le tas - n'hésitez pas à faire part de vos commentaires - mais qui auront de toute façon du mal à effacer le sentiment d'inachevé lié à cette version, mise sur le marché de façon manifestement un peu précipitée...

Même s'il n'en porte plus le nom, Risen est un nouvel épisode de Gothic fort réussi, qui à la profondeur et l'intérêt de jeu allie une étonnante simplicité de gameplay. Pas forcément bouleversant graphiquement, en particulier sur cette version 360, le titre de Piranha Bytes respire en tout cas l'amour du travail bien fait, le souci du détail, et propose un système de choix et conséquences multiples qui transportera d'aise les amateurs du genre RPG. Mention spéciale à la B.O., toujours composée par le talentueux Kai Rosenkranz, riche de morceaux de musiques qui collent parfaitement à l'ambiance, et aux efforts consentis pour les voix en français (avec Boris Rehlinger, voix officielle de Colin Farrell et Jason Statham, José Luccioni, la voix d'Al Pacino, etc.), même si, au final, la qualité d'ensemble du doublage se révèle assez inégale. Enfin, il convient de souligner la qualité moindre de ce portage Xbox 360, à l'intérêt évident, mais à la réalisation pour le moins perfectible... en attendant des mises à jour que l'on espère salvatrices.