A quelques semaines du lancement de Metal Gear Solid 4 : Guns of the Patriots, le 12 juin prochain, Hideo Kojima est relativement énervé. En effet le 18 avril dernier, nous relayons une interview publiée dans le magazine anglais Edge, où Kojima soulignait sa relative déception concernant Metal Gear Solid 4... comparativement à sa vision originale. Une information qui aurait eu un énorme retentissement chez les joueurs, et qui sera probablement revenue aux oreilles de Sony dont la console était citée. A ce moment, nous nous étions permis de souligner combien l'homme était exigeant avec lui-même et ses équipes. Mais aujourd'hui, coup de tonnerre, Hideo Kojima réagit fermement, pointant du doigt une certaine liberté de traduction de la part du magazine Edge, mais surtout un problème d'interprétation, puis de sur-interprétation et de différences culturelles. Intéressantes et longues explications...

Sur Internet, on trouve des articles relatant le fait que je ne suis pas satisfait de la PS3. J'aimerais clarifier tout cela aujourd'hui. En réalité, le sens de mes propos a totalement été tronqué. Quand je suis interviewé, je réponds en japonais, et je ne peux pas contrôler la façon dont le journaliste interprète mes propos en anglais. Lors de la traduction, le sens de ce que je dis change parce que le journaliste utilise ses propres mots pour le faire.

Je suis japonais, aussi j'essaie d'être quelqu'un de particulièrement modeste. Je ne souhaite pas me vanter en disant que « je suis l'incroyable Monsieur Metal Gear », ou encore que « c'est le meilleur épisode », comme les américains le font. C'est pourquoi je réponds dans les interviews en japonais, et Monsieur Sai traduit très bien tout cela en anglais. Les Occidentaux n'ont pas une tradition de modestie. Les déclarations sont traduites correctement, mais le sens est compris de manière totalement différente, c'est ainsi que sur un site web, le sens de ces déclarations change du tout au tout.

Pour la question qui concerne ma récente déclaration à propos de ma déception avec Metal Gear Solid 4, je répondrais aux commentaires qui ont suivi l'article « MGS4, Inside The Biggest PS3 Game » que mes propos ont également été tronqués. C'était en anglais ici et là, et c'est devenu étrange. En effet, les lecteurs japonais ayant traduit cela pour leurs sites internet ont écrit des choses du genre « Oh, la PS3 est morte ». Très vite, se sont propagés sur la toile des commentaires du type MGS4 sur PS3 n'est pas bon. Si vous me demandez si j'ai vraiment dis ça, je répondrai bien évidemment non. Mais j'imagine que je suis responsable de tous ces articles...

Maintenant, je vais expliquer ce que je voulais dire. Imaginons que le jeu soit une voiture. Après avoir regardé ses caractéristiques, le développeur revendique que la voiture sera capable de voler, ce qui rend le public très enthousiaste. Cependant, le développeur ne s'arrête pas là, et fixe ses objectifs bien plus hauts. Si la voiture est capable de voler, le développeur essayera de la faire voler à Mach1. En fait, il souhaite aller au-delà de l'attente des gens, et pourquoi pas la faire voler dans l'espace ! Mais au final, après avoir essayé, le développeur annonce qu'il ne le pourra pas la faire aller dans l'espace, mais qu'il a réussi à faire voler la voiture à Mach1. Ce qui est déjà extraordinaire. J'aurai souhaiter qu'on me comprenne ainsi, mais vu les réactions je pense que je n'ai pas très bien travaillé.

Récemment, j'ai pensé ne plus donner d'interview. Ce n'est pas mon travail. Créer des jeux est mon travail. La prochaine fois que j'irai faire une interview en Amérique, je dirai simplement que « MGS4 est le meilleur, fin de l'histoire ». Ce n'est pas très cool pour un japonais de se réduire à ça, mais si je ne le fais pas, de tels incidents peuvent encore arriver. Si vous regardez MGS 4, vous comprendrez. MGS 4 ne m'appartient pas totalement, je n'en ai pas le contrôle total et j'en suis confus. Certains sont peut-être déçus de ma façon de dire les choses. Mais je suis très confiant dans ce jeu. Ce que j'ai fait, et pas seulement avec ce jeu PS3 mais aussi avec ceux de la PS2, est de me fixer des objectifs et d'essayer de les atteindre. Les choses de ce genre arrivent souvent dans les journaux japonais. Là où ils ne choisissent qu'une partie d'une interview. Ils ne changent pas vos propos, mais de la manière de les exposer, et ainsi le sens s'en trouve changé.

Je suis toujours prudent en accordant des entrevues. Même dans mon entreprise, j'apprends beaucoup sur la communication avec les médias, mais je souhaitais en faire plus : être en lien direct avec l'interviewer. Mais si des choses comme ça arrivent encore, je ne ferais plus d'interviews. Je ne suis pas payé pour donner ces interviews (sourire). Je ne vais pas en faire plus. C'est décidé, j'arrête mon podcast. C'est aussi simple que ça.

Ça va mieux en le disant. Il y aurait donc eu sur-interprétation / déformation / amplification des propos de Kojima. Ok. La barrière de la langue a bon dos. De là à arrêter de donner des interviews, Kojima semble lui aussi sur-réagir. En tant que créateur / producteur, son métier n'est-il pas aussi de parler de ses productions, d'aborder et d'expliquer à la presse le cœur, le message de ses productions ? Hideo Kojima est encore aujourd'hui l'un des rares à faire part d'une vision à la fois personnelle et intéressante du média jeu vidéo. Il focalise ainsi l'attention. Parfois pour le meilleur lorsqu'il évoque sa vision du futur de ce divertissement, parfois pour le plus sensationnel comme dans cette affaire de « déception ». C'est aussi ça être un homme exposé.

Aux journalistes de respecter propos et sens initiaux. A Kojima de faire en sorte de bien se faire comprendre. Car ses propos semblaient relativement clairs concernant la partie technique, et le fait que son équipe avait vu trop haut, avait surestimé la PS3. L'heure serait donc à rassurer les joueurs... et indirectement Sony. Quoiqu'il en soit, qui connaît le caractère de Kojima sait que l'homme ne pourra rester muet éternellement.


"La prochaine fois vous demanderez à Snake de vous répondre... ça me fera des vacances!"