Du coup, vous avez mis tout ce que vous vouliez dans Wasteland 2, ou il reste encore des choses qui ont dû être abandonnées ?

Ah, il y a toujours des petites pépites qui restent de côté et qui attendront le prochain Wasteland pour exister, si le succès est au rendez-vous. Mais c'est difficile de créer autant de contenu que tout le monde ne verra pas. On imagine des trucs très marrants, et on réalise que ce sera vraiment difficile pour tel joueur, sur telle partie, pour que ces trucs spécifiques arrivent. Il y a tellement de moments que j'adore, qui ne seront peut être vu que par 10% des joueurs. C'est une façon étrange de faire des jeux...

Ça donne envie de plonger dans le jeu ! Et donc, une fois que Wasteland 2 sort et que vous avez remboursé Brian Fargo, tout le reste, c'est du bénéfice ?

Absolument, c'est un des avantages du financement participatif. Avec un AAA, on se dit "OK, on a eu toutes ces avances que les devs touchent habituellement, et on commencera à faire de l'argent si on vend 5 millions d'unités." Notre compagnie ne mise pas tout sur le succès de Wasteland 2. On est solide. Mais un succès nous donnera juste plus de liberté pour un nouveau titre, peut-être un autre Kickstarter avec notre argent par dessus. C'est un gros avantage de ne pas être limité par l'argent que l'on obtient du Kickstarter.

Vous surveillez un peu le marché, comme la sortie récente d'un autre RPG kickstarté : Divinity Original Sin ?

Oh oui totalement. J'adore ce qu'ils ont fait. De faire un titre si peaufiné et obtenir un bon succès commercial avec, c'est génial. C'est un bon point pour le financement participatif d'avoir des titres indé aussi bons. C'est d'ailleurs intéressant de voir comment la communauté indé se serre les coudes en ce moment. Dans l'édition, tout le monde est ton ennemi, tout le monde est compétitif. En tant qu'indé, on partage les liens pour se renvoyer le trafic. On se fait de la promo les uns les autres. Même Tim Schafer a parlé de Wasteland 2 dans ses mises à jour. Le soutient est global et plutôt puissant. Après tout, la visibilité est une part cruciale du succès. C'est impossible de trouver son jeu indie de rêve en traînant sans but sur Steam. Nous avons 70.000 backers pour Wasteland 2, et 75.000 pour Torment... Ça fait du monde dans la balance quand on communique sur des projets autres que les nôtres. Parce que leur succès est bon pour nous. Et rien ne me fait plus plaisir quand un titre comme ça sort et réussit.

A propos de cette communauté justement. Elle a payé pour le jeu, elle peut l'essayer depuis décembre. Est-ce qu'elle peut être difficile parfois ? C'est pas mieux d'avoir un éditeur, plutôt que cette horde de gens exigeants ?

Eh bien jusqu'ici, nous avons trouvé les joueurs de la communauté incroyablement raisonnables. Ils ont des billes dans le jeu. Ils sont actifs financièrement parlant. Et même si on décide parfois de quelque chose qui ne va pas tout à fait dans leur sens, ils restent de notre côté. C'est une position totalement unique. Je n'en changerais pas pour rien au monde. Je trouve la communauté bien plus raisonnable qu'un éditeur. Avec un éditeur, on débute avec sa vision du jeu, et on finit par sortir un titre qui est la vision du service marketing. Là, nous allons sortir un jeu qui est 100% fidèle à la vision que nous avions au départ. Et c'est si rare. La communauté entière nous demande de faire ce jeu que nous avons promis de faire. Ça a été fantastique, et d'autant plus parce que nous avons lancé l'accès anticipé : nous avons eu tellement de retours qui ont aidé aux mises à jours.

C'est pas un peu fatigant de garder tout le monde au courant des progrès constants du jeu ? Tous les projets Kickstarters communiquent en permanence. Peut être trop, selon moi (rires).

C'est beaucoup de travail de garder tout le monde au courant, de prendre cette décision dès le début et de garder le rythme. C'est quelque chose qu'on ne fait jamais dans le « monde normal ». Même Fallout 2 : on avait une équipe au travail pour deux ans, et le jeu est sorti, les premiers retours sont arrivés deux jours après le lancement. Et ensuite ? On ne peut pas réagir à cela : le jeu est ce qu'il est. Pouvoir réagir, et améliorer le jeu au fur et à mesure, ça vaut le coup.

Perso, je remercie tout ces gens qui testent le jeu, parce que je préfère découvrir le jeu fini et peaufiné !

(rires) Je pense que la plupart des gens sont comme vous !

Bref, vous regrettez pas un peu les éditeurs ?

(silence dubitatif)

Pas un tout petit peu ?

Non... Ma vie est tellement mieux maintenant.