Revenons à la relation Boker / Elizabeth. La romance et la sexualité sont un sujet qui est rarement bien traité dans le jeu vidéo - à mon avis. Quelle est votre opinion à ce sujet ?

Vous savez, il y a beaucoup de choses qu'un BioShock essaie de faire, que d'autres ne font pas. Beaucoup de gens me posent des questions sur la politique, par exemple. Une fois encore, il s'agit moins d'une réflexion sur ce que nous pouvons faire de bien ou de mal, et plus d'une réflexion sur ce que les autres ne font pas. Et les opportunités que cela laisse entrouvertes. Je continue de croire que nous sommes jeunes, que le média est jeune. Et on cherche encore comment faire les choses. Et pour le meilleur comme pour le pire, on se lance dans des choses que d'autres personnes ne font pas. Je crois qu'une romance mature, qu'on ne voit pas beaucoup dans les jeux, est tout simplement très difficile à faire. Il y a beaucoup de choses, comme, comment construire une relation entre vous et ce qui se résume finalement à un pantin, dans un jeu vidéo ? Mais, vous savez, je crois que nos pairs des films d'animation on démontré depuis des années qu'il est possible de le faire efficacement. Peu importe qu'il s'agisse d'un dessin en ligne claire, d'une marionnette, ou d'autre chose : on peut construire des relations très efficaces entre des personnages. Et donc on étudie beaucoup cela. Comment créer des relations entre personnages. Comment donner le sentiment qu'on a besoin d'un personnage. Comment donner le sentiment que ce personnage a besoin de vous. C'est une première étape. Tout le monde peut faire un personnage en s'arrêtant au "oh, elle est canon", elle a un corps attirant, ce n'est pas difficile. Ce qui l'est, c'est comment construire au-delà de ça, comment donner le sentiment que vous vivez une expérience inédite. Généralement, les gens s'arrêtent à "elle est canon". Ça tient parfois à peu de choses. Prenons Elizabeth par exemple, certains de ses traits sont exagérés, comme ses yeux. Ça permet de mieux lire son visage, surtout de plus loin, lorsque vous êtes à 6 mètres d'elle. Nous n'avons pas les mêmes indices dans la vraie vie, c'est beaucoup plus subtil - on doit exagérer les choses. BioShock use beaucoup d'exagération. Ses visuels sont très exagérés, en général, elle correspond donc à l'univers. Mais c'est un processus sur lequel nous passons beaucoup de temps de réflexion. Et il est très important pour nous que ce personnage développe une relation avec le joueur, que ça fonctionne.

Beaucoup usent de la grammaire du cinéma pour raconter leur histoire (avec les cinématiques par exemple), mais pas vous. Il y a beaucoup à faire dans ce domaine, et notamment au travers de l'IA. Pourquoi est-ce si difficile ?

Il y a beaucoup d'inter-dépendances. Une chose dépend d'une autre. Les graphismes sont plus simples. On peut faire une scène magnifique en ajoutant telle et telle chose. Ce n'est pas facile pour autant, mais le processus est plus linéaire. Lorsque vous commencez à traiter avec une toile d'interactivités, ça devient vite très très compliqué. Dans BioShock, nous avons essayé de hausser la barre par rapport à ce que nous avions pu faire avant en termes d'interactivité. Mais dès que vous avez quelque chose qui se passe, et qui affecte ça, qui à son tour affecte ça, vous libérez tout un tas de nouveaux bugs et de soucis. Mais si vous ne le faites pas... Vous savez, si votre processus de développement ne vous laisse pas le sentiment que vous avez presque traversé une guerre, c'est que vous ne vous êtes pas assez poussé pour livrer aux gens une expérience qui va les exciter et les passionner. Parce qu'ils iront jouer ailleurs, quelqu'un d'autre se sera confronté à ces défis. Pour ce jeu, il eût été facile pour nous de revisiter ce que nous avions déjà fait, façon 1.5. Mais ce n'était ni la mission du studio, ni ce que nous voulions faire. Ce que nous avons retiré de mieux avec BioShock, c'est que les personnes qui paient nos factures, les joueurs, nous font maintenant assez confiance pour qu'on prenne des risques. Et c'est vraiment excitant pour nous.


Vous vous focalisez cette fois encore sur une expérience solo ?

Je vais vous donner le même genre de réponse que j'ai donné sur BioShock 1. On ne fait pas les choses juste pour les faire. On ne fait pas du multi juste pour avoir du multi. On l'a déjà fait par le passé, ça n'a jamais marché pour nous. Ce n'est pas une bonne idée créativement, ce n'est pas une bonne idée d'un point de vue business. Nous expérimentons avec des choses tout le temps ; si nous avons quelque chose à dire avec ce jeu qui n'est pas "single player", il faut que ça témoigne de quelque chose d'aussi important que le reste du jeu. Si on a ça, vous le verrez dans le jeu, sinon, vous ne le verrez pas.

Si vous aviez une dernière chose à faire passer à propos de BioShock Infinite, quelle serait-elle ?

On veut emmener à nouveau le joueur dans un endroit, qui, quand il le découvrira... qu'il se dise "c'est quoi ce bordel", "qu'est-ce que je vois, là" ? Et il y a cette répercussion : "en quoi est-ce un jeu BioShock ?" - Je crois que les gens, au fur et à mesure, comprendrons de mieux en mieux en quoi c'est un jeu BioShock. Mais aussi en quoi il est différent des précédents BioShock. Restez à l'écoute pour la suite, je crois que ce sera très intéressant ; nous essayons de faire les choses un peu différemment de la manière dont d'autres les font, en termes de ce que les gens attendent d'une suite, et on est impatients de pouvoir vous en montrer plus.