Suite à la mort de son meilleur ami Nick, le journaliste d'investigation Samuel Higgs retourne pour la première fois à Basswood, petite ville minière américaine, afin d'assister à son enterrement. Sur la route, tandis qu'il est presque arrivé à destination, Sam arrête son véhicule afin d'observer, depuis un promontoire, la ville (et la vie) qu'il a décidé de quitter deux ans auparavant. Il se remémore alors les raisons de son départ.

Where is my mind

C'est l'occasion pour le joueur d'accéder pour la première fois au fameux Palais Mental de Sam, qui lui permet notamment de retracer le fil de ses souvenirs grâce à des objets ou des lieux liés à son passé. Concrètement, la mémoire du personnage se matérialise sous la forme d'un monde cristallin dans lequel émerge peu à peu les souvenirs. Dans la scène introductive du jeu, le joueur apprend ainsi la raison de son départ : l'échec de sa relation avec une certaine Anna. Pour le moment, le Palais Mental n'a qu'une simple fonction d'exposition de l'intrigue et le joueur ne fait que suivre passivement ou presque son déroulé.

Dans la scène suivante, Sam est confronté à Joan, la fille de Nick et sa propre filleule, qui lui reproche de les avoir abandonnés deux ans plus tôt. Quand elle lui fait part de son scepticisme quant à la mort "accidentelle" de son père et qu'elle lui demande d'enquêter, Sam doit choisir entre l'impliquer dans l'investigation ou la laisser sur la touche afin de la protéger. Ce choix impérieux se matérialise cette fois sous une autre forme : celle d'une discussion en aparté entre Sam et son Double, une réplique sarcastique de lui-même et souvent en désaccord avec lui. Il apparaît uniquement à Sam et l'on peut y voir une façon originale de mettre en scène, explicitement pour le joueur, les dilemmes intérieurs du personnage. A l'issue de ces échanges, le joueur doit faire un choix entre l'option qui a la préférence de Sam et celle préconisée par son Double.

Mauvaises pensées

Visuellement, le jeu paraît bien plus convaincant que lors de sa première présentation en juin 2018. Les visages des personnages bénéficient d'un rendu plus photoréaliste que sur les précédentes oeuvres du studio, même Tell Me Why paru pourtant il y a peu. La séquence de la veillée au bar, dans laquelle Sam retrouve plusieurs vieilles connaissances (qui ne lui veulent pas tous du bien d'ailleurs), permet ainsi d'admirer toute une galerie de personnages qui auront, on se doute, un rôle à jouer plus ou moins important dans l'intrigue du jeu. Toutefois, les animations restent inégales et l'on sent chez quelques-uns un manque d'expressivité dans leur visage. Une fiche est créée dans le menu du jeu pour chaque personnage rencontré, consignant la moindre information à leur sujet et les conséquences sur eux des décisions de Sam.

Le lendemain, notre reporter se réveille dans son lit d'hôtel sans se souvenir des derniers évènements de la veille, si ce n'est la cuite monumentale qu'il s'est prise. Lorsqu'il découvre sa chemise ensanglantée dans sa baignoire, il se met à paniquer. Son esprit se met à errer dans une version bien plus sombre et inquiétante de son Palais Mental. Pour que Sam puisse retrouver son self-control, le joueur doit alors littéralement fuir les mauvaises pensées qui l'assaillent sous la forme de portails qui se mettent sur son chemin, et ainsi retrouver la voie de la raison. Sans relever du génie, cette séquence n'en est pas moins diablement efficace car elle permet de rendre compte de la détresse psychologique du héros à cet instant.

Enquête de vérité

Lorsqu'il reprend ses esprits, Sam se met en tête de résoudre l'énigme de la chemise ensanglantée. S'ensuit une séquence dans le bar, où il tente d'amasser tous les indices lui permettant d'élaborer une hypothèse quant à ce qui a pu se produire la veille. Cette séquence s'avère très classique dans la forme, d'autant que les hypothèses formulées n'ont aucune conséquence sur l'intrigue. Une autre séquence d'enquête, située à la toute fin de la démo, se révèle bien plus intéressante. Notre ami revient sur les lieux de l'accident qui a coûté la vie à son ami. Grâce aux indices glanés sur place ou à des informations préalablement acquises (un tronc d'arbre renversé, des traces de pas suggérant un animal percuté, l'état d'ébriété supposé de Nick...), les hypothèses de Sam se matérialisent devant ses yeux et l'on voit les conséquences que cela implique si telle ou telle preuve est probante ; un peu à la manière des souvenirs remixés de Remember Me du même studio. Le joueur doit donc relier les bonnes causes aux bons effets pour que tout puisse concorder.

Si cette démo est représentative du reste de l'aventure, ne vous attendez pas à pouvoir explorer Basswood à votre guise. A l'image de la plupart des titres du studio, Twin Mirror se veut très dirigiste et s'attache avant tout à l'histoire de ses personnages. L'une des séquences les plus "ouvertes" des trois premières heures du jeu nous invite à parcourir une petite section de la ville, à la recherche d'informations sur un certain Dennis. Lorsqu'il s'adresse à sa filleule Joan, au shérif local ou au pharmacien, Sam peut décider de couper court à la conversation pour poser la question qui l'intéresse, auquel cas son interlocuteur pourra s'en offusquer. Même si je l'ignore à ce stade, on peut espérer que ces choix (de même que les précédents) auront une influence sur les comportements futurs de ces personnages et sur l'intrigue du jeu.

ON L'ATTEND... AVEC CURIOSITÉ
Après s'être tenu trop longtemps éloigné des radars, Twin Mirror nous dévoile enfin pleinement ses ambitions grâce à cette longue session de jeu que je qualifierais de solide. Peu révolutionnaire dans sa forme, le nouveau bébé de Dontnod, co-produit par Shibuya Prodductions, propose néanmoins des séquences qui se démarquent, dans le Palais Mental de Sam ou lors des échanges avec son Double. Malgré la matérialisation intéressante des hypothèses formulées par Sam, la partie investigation se montre par trop classique. Enfin, on pourra noter au rang des interrogations qui subsistent l'impact des choix de Sam sur l'intrigue. Réponse le 1er décembre, et en un seul épisode cette fois.