Frogster est clairement un éditeur de F2P atypique. Rien ne vaut une petite interview avec Pierre Poinsenet, le PR manager français, pour cerner un peu mieux la stratégie de la boîte et comprendre plus en détail certaines décisions. On y parle de Tera un peu, mais aussi de business et d'adaptation de jeux asiatiques. De quoi affiner ses connaissances du marché avec des paroles de pro.


Gameblog : Pourquoi avoir choisi d'inclure un titre à abonnement dans votre catalogue, et quelle masse de travail est-ce que cela a demandé à Frogster ?

Pierre Poinsenet : TERA est avant tout un jeu qui a tout de suite fait l'unanimité en interne, nous avons tous voulu travailler dès que possible dessus. Les personnes qui ont pu le tester, que ce soit à la Gamescom, au Paris Games Week l'an passé ou au cours d'une des sessions de test que nous avons organisées, ont tous été épatés par la qualité et l'esthétique des graphismes du jeu ainsi que par le système de combat très orienté action, et il en a été de même pour nous lors des premiers tests.

Seulement, voilà, TERA a été pensé depuis le départ comme un jeu à abonnement et ne saurait pas, à l'heure actuelle, offrir aux joueurs un système F2P qui soit cohérent, équilibré et surtout viable. Une chance pour nous que Frogster ait commencé en éditant en Europe des jeux à abonnement : nous n'avons pas trop eu à nous adapter, puisque nous avions déjà les connaissances de base. Nous avons cependant pris le parti de renforcer l'équipe en recherchant des personnes qui soient des vétérans du milieu.

J'ai entendu dire que le succès de Tera en Corée est un peu retombé après sa sortie à cause d'un manque de contenu haut niveau. Est-ce la raison pour laquelle vous avez repoussé la sortie européenne jusqu'en 2012 ? Comment allez-vous étoffer le jeu ?

Les résultats en Corée n'ont eu aucune influence directe sur la décision de retarder ou non la version occidentale du jeu. Nous avons pris le temps de nous asseoir à la même table que nos partenaires d'EnMasse Entertainement (une société fille de Bluehole Studios, le développeur coréen du jeu qui a à sa charge l'édition du jeu en Amérique), et Frogster a convenu, après de longues discussions et de nombreuses tractations, qu'un report au printemps 2012 était vraisemblablement la meilleure solution pour offrir au jeu encore plus de contenu qu'il n'en avait déjà.

Il est important de noter que nous n'avons pas repoussé le jeu tel qu'il était au moment de sa sortie en Corée au mois de janvier dernier. Les joueurs occidentaux doivent garder en mémoire que la version qu'ils auront entre les mains au moment de la sortie du jeu comprendra le jeu auquel les Coréens ont aujourd'hui accès, avec deux mises à jour majeures, mais aussi vraisemblablement une grande partie du contenu à venir d'ici la publication en occident.

Vous gérez plusieurs jeux à présent. Pourquoi ne possédez-vous pas un portail comme les autres éditeurs de F2P ?

Nous y travaillons actuellement, en collaboration avec Gameforge. Nous sommes en train de réfléchir à des solutions pour intégrer tous nos jeux F2P sur leur portail dans un futur très proche.

Intéressés par les supports iOS et Android, sur mobiles et tablettes ?

Nous ne sommes pas directement intéressés, à l'heure actuelle, par des produits utilisant uniquement ces supports. Comme vous l'aurez noté, cependant, j'insiste bien sur le fait que ce n'est pas le cas maintenant, mais que ça peut être amené à changer.

Nous sommes par contre définitivement intéressés par des projets qui s'affranchissent des barrières, des projets multi-plateformes. Nous sommes actuellement en train de travailler à la mise en place d'une version de Runes of Magic qui fera appel aux technologies dites du « cloud computing » et du « video streaming », en partenariat avec la société Kalydo. Les joueurs pourront grâce à ce système jouer sans avoir à installer le jeu sur leur machine, juste en téléchargeant un petit outil à intégrer dans leur navigateur qui se transformera dès lors en une vraie salle de jeu. Ce système prévoit aussi une implémentation sur Facebook à terme.

Donc, oui, on peut dire qu'on ne ferme totalement la porte sur aucune possibilité ni sur aucun type de jeu.

Selon votre expérience, sur quels éléments une équipe d'adaptation doit se focaliser pour importer un jeu asiatique sur le marché européen ?

C'est très clairement un processus long et délicat que celui de localisation d'un jeu asiatique. Long car vous n'avez pas à vous concentrer sur un seul élément en particulier, mais sur des milliers de petites choses qui doivent être toutes parfaites à la sortie du jeu. Délicat car toutes ces petites choses ne sont là que pour une chose, et pas la moindre : offrir aux joueurs un jeu qui leur fasse plaisir sans qu'il ait perdu l'esprit dans lequel le développeur l'a créé.

Vérifier chaque traduction, contrôler la cohérence du scénario, s'assurer que toutes les quêtes sont agencées dans une intrigue qui se tienne, jouer au jeu vous-même pour faire en sorte que tout convienne, envoyer autant de retours que possible au développeur pour pousser le jeu encore plus loin... La liste est longue, et chaque élément en est important.

Créer un jeu adapté aux joueurs tout en gardant le ressenti face à la version originale. C'est une mission parfois difficile, notamment quand certains éléments du jeu sont parfaitement acceptés en Europe et à la limite de l'intolérable aux États-Unis (ou inversement), mais nous nous arrangeons pour toujours trouver un compromis, en gardant en tête que nos fans de la première heure doivent retrouver dans leur version ce qui les a incités en premier lieu à suivre ce jeu.

Propos recueillis par Fumble
Merci à Pierre Poinsenet et Frogster pour les réponses.