Le jeu vidéo en relief existe, même sur console de salon

Et le jeu vidéo dans tout ça ? En 3D il ne se porte pas si mal merci et il occupe toujours toute la surface de l'écran, lui. Bien sûr Nintendo semble faire un pas en arrière avec sa 2DS au format contestable du point de vue de l'élite du gaming. Mais ce n'est qu'une concession économique, une occupation populaire du terrain dans les magasins et les esprits.

Les jeux 3DS/2DS continuent de sortir avec le format 3D relief embarqué. Les gamins plus préoccupés par l'efficacité du jeu que par l'esthétique désactivent déjà la 3D sur 3DS, ne serait-ce que pour montrer le jeu à leur voisin de coude. Il faut un grand gamer pour lui dire : "attends, comment il est ton insecte en 3D là dans Animal Crossing ?" Et de monter d'autorité le volume 3D juste le temps de jouir de l'image.

Davantage passé inaperçu malgré des qualités incontestables bien qu'inégales également, le relief sur consoles de salon existe bel et, même plutôt bien. Défendus becs et ongles par Sony obligé par sa stratégie globale de vente de HDTV et autres équipements audiovisuels, la 3D est en option sur près de 80 jeux PS3.

Une fois pratiqués, les plus spectaculaires ne s'oublient pas : WipEout HD, Super Stardust HD, MotorsStorm 3D Rift, Gran Turismo 5, Killzone 3, Uncharted 3, Assassin's Creed 3. Sans compter les rééditions HD et 3D réussies telles Ico et Shadow of the Colossus ou même Sly Cooper Trilogy. Et si le über ambitieux The Last of Us de Naughty Dog se passe (hélas et sans explication) d'option 3D, Sony continue à soutenir le relief en sortant le fascinant Puppeteer en 3D sur sa PS3.

Bien entendu, contrairement à ce que prétend maître Miyamoto pour défendre ses Mario 3D Land, le relief ne participe pas vraiment au gameplay. Il n'aide pas aujourd'hui à concrètement se positionner dans l'espace (avec ou sans relief, sans l'ombre sous les blocs, Mario ne saurait pas où donner de la tête). En revanche le relief rend encore plus vivant le monde projeté sur un écran. Le Zelda : A Link Between World 3DS tournant exceptionnellement à 60 images/secondes en fait une démonstration éblouissante de fluidité. Sur petit ou grand écran, l'effet "aquarium" dans les profondeurs d'une 3D réussie ouvre l'horizon vers l'infini.

La surprise d'une 3D musclée sur Xbox 360

Puisque les jeux contemporains vendent l'immersion, une 3D réussie est un des meilleurs moyens de s'y plonger et d'y croire encore plus. À cet égard la surprise est venue du clan Microsoft pendant la génération précédente de consoles. Laissant seul Sony au créneau de la propagande 3D, et pourtant limité au format DVD et non Blu-ray sur Xbox 360, Microsoft a néanmoins sorti en loucedé un Gears of War 3 dont l'option 3D reste une des plus réussies à ce jour parmi la petite trentaine de jeux Xbox 360 avec option relief.

La puissance de l'Unreal Engine (qui profite aussi à des jeux sur PC, non répertoriés ici) reste sans égal. Le toujours vantard développeur Crytek ne s'est pas gêné pour sortir ses 3 Crysis en 3D sur Xbox 360 mais pour un résultat désastreux avec le 3e épisode. La réédition 3D déplorable de Doom 3 confirme, comme au cinéma, qu'une bonne conversion ne peut être improvisée. Le DLC (Pigsy's Perfect 10) du mésestimé Enslaved : Odyssey to the West avait réussi, lui, à ajouter une option 3D convenable après la sortie du jeu.

3D unlimited

Quoiqu'on en pense ou dise, la 3D va continuer à s'installer un peu partout sur nos écrans (il faudrait dire "dans"). Le nouvel iOS 7 d'Apple simule sur iPhone et iPad des effets de perspectives avec des procédés de parallaxe qui valent bien des illusions de relief sans lunette.

Bien qu'elle attende une mise à jour la rendant compatible avec la lecture des Blu-ray 3D (toujours sans date selon le responsable des studios Sony, Shuhei Yoshida), la PlayStation 4 est nativement compatible 3D relief comme le démontre brillamment le jeu téléchargeable Trine 2 (en attendant une hypothétique mise à jour de Resogun). Et cette fois la Xbox One qui adopte le format Blu-ray de... Sony, potentiellement aussi, même si l'on y a attend un jeu en faisant la démonstration et donc une mise à jour.

Les constructeurs ne parlent plus ouvertement de la 3D par crainte des ricanements d'une poignée bruyante de sceptiques mal informés, pas plus que les fabricants d'écrans, mais tout l'écosystème technologique est prêt à l'emploi. Et si la 3D d'aujourd'hui chahute un peu les yeux, une fois que la chaîne d'équipement audiovisuel à domicile devient assez performante, le relief saute aux yeux de chacun.

L'Ultra HD et les écrans OLED déjà dans les magasins (pour l'instant hors de prix, mais systématiquement et discrètement compatibles 3D) vont bientôt porter plus sûrement toutes ces innovations. Bien sûr que des écrans auto stéréoscopiques à regarder sans lunettes seraient idéaux, et ils viendront. Mais la technologie n'est tout simplement pas encore prête. Faut-il pour autant se passer de 3D d'ici là ? Faut-il vraiment beaucoup forcer son imagination pour se projeter dans The Last Guardian en 3D ? (c'est une hypothèse et un cri d'espoir, aucune information sur le jeu de Fumito Ueda ne circule en ce moment).

3D et humain 2.0

Toutes les réserves du monde (physiques, intellectuelles, culturelles, économiques) sur la légitimité du relief dans le jeu vidéo et/ou le cinéma ne peuvent que s'écraser contre la réalité du monde physique tel que l'observe l'être humain malgré lui.

Que le lecteur lève à l'instant les yeux de cet écran et aussitôt le monde devant lui se déploie en volumes, perspectives, distances (même dans une chambre d'étudiant ou un cachot obscur)... Faut-il faire une école d'ingénieur ou appartenir à une secte de visionnaires illuminés pour comprendre que tous les écrans devant nous n'aspirent qu'à projeter le réel, puis le reproduire, puis "l'augmenter", jusqu'à disparaître, fondamentalement s'effacer, après avoir donnés un nouveau "pouvoir" à l'homme ?

Tels les écrans transparents en relief des scientifiques du film Avatar et les déjà fameuses Google Glass, "l'écran/verre" ne va servir que de filtre à réalité augmentée (étiquettes contextuelles à la Minority Report, Remember Me ou Zero Theorem de Terry Gilliam), un support plus ou moins transparent à de multiples couches d'informations livrées au cerveau humain. Ou, continuons à rêver anticipation, à rhabiller en temps réel le décor autour de nous. Et si aujourd'hui ma maison était verte avec un toit rouge ? Et si mon bureau avait l'air d'être en acier plutôt qu'en bois ce matin ? Et si je programmais l'appli virtuahair partagée avec mes amis pour qu'ils me voient porter des cheveux long aujourd'hui et simuler un bronzage raté cause mauvaise météo en cet été 2048 ?

Un smartscreen invisible porté devant soi en permanence pourrait changer les couleurs du monde à volonté... Mais il faut laisser le processus d'évolution biotechnologique suivre son cours, avec ses hoquets humains et ses inévitables atermoiements technologiques. Après le son, la couleur, le numérique, le tactile, le relief, et sans doute un jour d'autres sens *, font partie du grand processus d'évolution organique conceptualisé par Darwin. Let's game !

* Même si l'expérience comique outrancière Odorama du Polyester de John Waters a bien cassé, dès 1981, l'idée de rajouter des odeurs pendant une projection.