C’est l’un des rendez-vous majeurs de ce printemps : la série The Last of Us (HBO) reviendra le 14 avril prochain sur Max avec une saison 2 tirée du jeu de l’année 2020. Après le succès record de la première partie, l’adaptation de l’œuvre culte de Naughty Dog se poursuit avec l’intention de prolonger l’expérience tout en répondant aux attentes des fans.
Craig Mazin et Neil Druckmann rempilent donc chez HBO pour une nouvelle saison de The Last of Us. Ayant entendu les critiques, le binôme a annoncé très tôt que cette suite serait plus brutale et ferait davantage la part belle aux infectés. Pour autant, cette plus grande fidélité à l’esprit même de The Last of Us 2 s’accompagnera de changements drastiques. Invités à l’avant-première parisienne de la série le 5 avril dernier, nous avons eu l’opportunité de voir le premier épisode de la saison 2. Comme le prône déjà la série, « chaque choix implique des sacrifices », y compris vis-à-vis du scénario originel. Alors, ce pilote est-il à la hauteur de ses promesses ? Voici notre verdict.
Un épisode fondateur pour la saison 2 de The Last of Us
Dès son retour, The Last of Us affiche clairement ses intentions : la saison 2 adoptera la même philosophie que la précédente, articulant fidélité précise et libertés narratives. En ce sens, les showrunners, semblent bien décidés à marquer les esprits. Le premier épisode joue la carte de la surprise avec une longue phase d’exposition riche en scènes exclusives à la série. Voilà une mise en bouche qui rend extrêmement curieux de découvrir la suite.
Mais avant les prochains épisodes, le pilote prend le temps de poser les enjeux de cette deuxième saison. De nouveaux visages entrent immédiatement en scène, avec des intentions très claires, peut-être trop même. Par son excès de didactisme, l’exposition sacrifie la subtilité au profit d’une compréhension assistée. Il n’est pas question de laisser le moindre doute sur qui sont ces nouveaux personnages et ce qu’ils veulent. On comprend bien l’idée de prendre par la main les spectateurs qui n’ont jamais joué à The Last of Us 2. Cependant, il s’agirait de ne pas sous-estimer son intelligence en ôtant toute nuance dans la mise en place des enjeux. Même cela crée une tension immédiate pour la suite, espérons que l’écriture saura se montrer plus fine à terme.

Heureusement, le récit trouve un rythme plus naturel dès cette mise en place achevée. On retrouve alors les figures phares de la première saison s’illustrent dans leur nouvelle routine aux côtés de personnages déjà bien connus des joueuses et joueurs pour la plupart. Au centre de l’intrigue, les relations entre les uns et les autres se dessinent sous nos yeux, quatre ans après la fin la saison 1. Plusieurs grands thèmes du jeu commencent déjà à planter leurs racines dans la série. La parentalité, l’indépendance, l’amour ou encore la protection de sa communauté sont autant de sujets discutés dès l’ouverture de la saison 2, avec une approche qui reprend ou parfois répond à l’écriture de The Last of Us 2.
Ainsi, malgré un départ un peu trop appuyé, le pilote se déroule avec force à travers la plume et la caméra de Craig Mazin. Si le début de la saison 2 se présente comme un “épisode tranche de vie”, les graines pour les prochains épisodes sont déjà là. La menace se dessine dans l’ombre, avançant avec conviction sur et sous Jackson. Entre instants de légèreté et tensions sourdes en cercle fermé à Jackson, le pilote laisse présager un choc imminent.

Un casting (presque) toujours aussi efficace
La première saison de The Last of Us avait marqué les esprits avec une distribution relativement sans faute. Cette suite s’annonce déjà dans la continuité, à un détail près. Une ellipse de quatre ans séparant les deux saisons, Joel et Ellie ont évolué et leur relation avec eux. L’ambiance est électrique maintenant que l’héroïne conquiert son indépendance. La série fait en plus le choix d’accentuer le conflit générationnel et c’est là que le bât blesse.
Autant évacuer tout de suite l’éléphant dans la pièce : où est passée la Ellie de The Last of Us 2 ? Celle du jeu, plutôt introvertie et désormais guidée par une gravité silencieuse, semble ici avoir été remplacée par une version plus inconséquente et nonchalante. Bella Ramsey fait finalement du Bella Ramsey dans ce premier épisode. Certainement poussée dans cette dynamique plus infantile par une direction d’acteur qui veut relire le rôle, ce choix s’éloigne radicalement de la version originale. D’une part, les fans vont clairement grincer des dents, tandis que les non-initiés risquent de s’étonner de la crise d’ado pour une Ellie qui a désormais 19 ans.

Après ce premier épisode, c’est donc le reste du casting qui parvient à convaincre, à commencer par Pedro Pascal. L’interprète de Joel en impose, il faut le dire. La sensibilité qu’on ne connaissait pas à son alter-égo virtuel — du moins, pas de cette façon exacerbée — ouvre ici la porte à des séquences inattendues, propices au développement de ses interrogations paternelles. Il peut en plus compter sur un Gabriel Luna fidèle à lui-même dans le rôle de Tommy. Concerné par son personnage, l’implication de ce dernier le rend d’autant plus attachant à l’écran, surtout avec les différentes casquettes qu’il porte maintenant à Jackson.
Ce sont toutefois deux rôles féminins qui crèvent véritablement l’écran dans ce premier épisode. D’abord, Isabela Merced est solaire en tant que Dina. Fidèle à son personnage, elle apporte une énergie et un humour bienvenus. Attention cependant à ce que sa présence bien bavarde dans ce pilote sache se contenir davantage dans la suite, au risque sinon de renverser la vapeur en la rendant agaçante aux yeux des spectateurs. Ensuite, Catherine O’Hara crée la surprise dans le rôle inédit de Gail, la thérapeute de Jackson. Malgré un temps limité à l’écran, elle capte immédiatement l’attention avec une dynamique tellement efficace, qui joue de ruptures de ton constrastées. Ironiquement, on se demande si ce n’est pas avec de nouveaux personnages comme elle que la série The Last of Us parvient le mieux à séduire le public.

Une fidélité à deux vitesses pour la saison 2 de The Last of Us
La fidélité est un point sensible dans l’adaptation de The Last of Us. Tout d’abord car il s’agit d’une œuvre culte, panthéonisée dans le secteur vidéoludique, mais aussi parce que les équipes de HBO ont adopté un parti pris qui a de quoi décontenancer les fans autant qu’il les émerveille. Comme pour la précédente, cette saison 2 jongle entre des scènes du jeu parfaitement reproduites et des réécritures profondes.
À ce titre, le pilote de la saison 2 donne le ton. Si vous avez vu la bande-annonce, vous savez déjà que vous retrouverez certaines scènes absolument iconiques, ce qui se confirme déjà avec le premier épisode. Une fois de plus, Craig Mazin et Neil Druckmann ont travaillé attentivement avec leurs équipes pour retranscrire l’énergie de ces séquences qui ont marqué les esprits. Que ce soit dans le cadrage, les costumes ou l’éclairage, l’effet est là : on replonge littéralement dans le jeu.

En parallèle, les créateurs ont aussi repensé tout un tas de passages pour qu’ils s’adaptent au format télévisuel et à la réécriture globale du scénario original. Dès lors, le premier épisode de la saison 2 prend les fans au dépourvu en réinterprétant des séquences qu’on n’attendait absolument pas ici. À la fois, ça fonctionne grâce à une mise en scène savamment conçue, mais ces choix intriguent aussi, d’autant plus lorsqu’ils concernent les flashbacks du jeu. Pour qui connaît The Last of Us 2, plusieurs questions, voire une inquiétude, vont naître quant à la manière dont les éléments s’ordonneront par la suite. On devra assurément faire une croix sur des moments très appréciés initialement, en espérant que ce soit pour le meilleur.
Enfin, la série The Last of Us s’amuse toujours autant à parsemer son récit d’Easter eggs. Le pilote ne lésine donc pas sur les clins d’œil, de manière plus ou moins adroite. Là encore, les fans des jeux seront ravis de reconnaître tel ou tel clin d’œil, tandis que les néophytes se familiariseront davantage avec le lore de la licence grâce à cela. Néanmoins, on frôle parfois l’accumulation gratuite, quitte à s’éloigner du propos uniquement pour le fan service. De ce point de vue, on retrouve un peu l’écueil de ce qu’on a pu connaître avec le film Uncharted. En espérant que les prochains épisodes sauront se montrer plus parcimonieux, d’autant plus que certains des Easter eggs du premier montrent que les créateurs savent toucher la corde sensible chez les fans.
On attend la suite… avec impatience et retenue
Le premier épisode de la saison 2 de The Last of Us pose des bases plus que solides du point de vue de la narration et de la mise en scène. L’ambition est là, les moyens aussi. Toutefois, certains choix dans la direction artistique soulèvent des interrogations. Là où le jeu avait divisé les fans par la radicalité de son scénario, la saison 2 pourrait le faire en dénaturant une partie de l’œuvre originelle. Malgré tout, Neil Druckmann et Craig Mazin nous laissent confiants quant à la puissance émotionnelle de cette suite, en partie grâce à un découpage ciselé du pilote et des performances d’acteurs qui ont déjà tout pour nous séduire sur le long terme.