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[Mise à jour 24 juin, 16h30] : Kojima Productions nous a contacté par email pour réagir à cet article. Nous publions donc son droit de réponse comme il a été convenu entre nos deux partis (bien entendu, ceci ne change rien à ce que nous avons écrit initialement dans l'article) :

"Kojima Productions ne commente généralement pas les rumeurs et les spéculations, nous pouvons cependant confirmer que l'article récemment publié sur Gameblog.fr est catégoriquement faux". Jay Boor, Global Head of Marketing and Communications

Septembre 2016, Tokyo Game Show. En pleine intervention sur scène consacrée à Death Stranding, Hideo Kojima est questionné au sujet de Metal Gear Survive. Le célèbre game designer japonais n'hésite alors pas une seconde à prendre ses distances avec le spin-off de Metal Gear Solid V : The Phantom Pain, le premier Metal Gear à paraître après son départ de Konami avec perte et fracas :

Je n'ai rien à voir avec ça ! Les jeux Metal Gear sont des jeux sur la fiction politique et l'espionnage ! Qu'est-ce que des zombies viennent faire là-dedans ?

En interne chez Konami, cette prise de position de son ancien employé fait grincer des dents. En effet, le projet qui est devenu Metal Gear Survive est né alors qu'Hideo Kojima était toujours chez l'éditeur japonais en train de plancher avec son équipe sur le cinquième MGS. Plusieurs sources concordantes ayant eu connaissance des plans de Konami à cette époque ont accepté de nous livrer leur version des faits.

Celui que les joueurs connaissent sous le nom de Metal Gear Survive est donc né du temps où Hideo Kojima était encore le Big Boss de la version originale de Kojima Productions. Avant de devenir un jeu à part entière, il était question d'un DLC de Metal Gear Solid V : The Phantom Pain au ton plus léger appelé MGSV.5 en interne. Au moment de la conception de ce contenu additionnel, les Modes Zombies, et particulièrement ceux des Call of Duty, étaient populaires et cela a inspiré Konami. Ce contenu aurait donc bel et bien été moins "réaliste" que le jeu de base, et aurait utilisé un ton plus léger et effectivement mis en scènes des "zombies." Mais pas que.

Snake vs "Godzilla"

En effet, ce qui nous a été présenté comme étant la "grosse idée" d'Hideo Kojima pour ce DLC, aurait été la présence de "kaijû," monstres géants issus de la culture populaire japonaise, qu'il aurait fallu affronter avec Snake et compagnie. Ces créatures n'auraient pas été des personnages connus sous licence comme Godzilla mais tout simplement des monstres imposants. MGSV.5 se serait déroulé sur la map du jeu d'origine et aurait, en plus de Snake et des soldats de la Mother Base, permis d'incarner Ocelot et d'utiliser Mantis comme compagnon de mission. Comme les joueurs de Metal Gear Survive ont pu le voir, une partie de ces plans sont tombés à l'eau quand Hideo Kojima a quitté Konami et les ambitions pour ce qui est devenu un standalone ont été revues à la baisse.

Et quid du fameux Épisode 51 révélé dans une version incomplète sous la forme d'une vidéo dans l'édition collector de Metal Gear Solid V ? Contrairement à ce que certains joueurs imaginent, il ne contenait pas la "vraie" fin du jeu. Il aurait simplement été question d'un chapitre supplémentaire proposé en DLC. Comme l'a indiqué la vidéo officielle diffusée par l'éditeur, Snake se serait rendu sur l'île où Eli s'est échappé avec Sahelanthropus (le Metal Gear).

D'après une de nos sources, ce chapitre supplémentaire n'aurait pas ajouté grand chose à l'histoire. Cette dernière insiste sur le fait que la trame de MGS 5 est complète et que si les joueurs ont l'impression qu'il manque quelque chose, c'est parce qu'elle a selon elle été mal écrite à la base.

Tous ces éléments ne répondent cependant pas à une question : pourquoi Konami a-t-il décidé de se débarrasser d'Hideo Kojima (et d'une partie de ses développeurs dans la foulée) ? D'après nos informations, la situation résulte d'un mécontentement ayant grandi au fil du temps envers le créateur japonais et son indépendance au sein de l'éditeur nippon. Si les problèmes entre Kojima et son employeur ont été projetés sur le devant de la scène début 2015, c'est l'arrivée de P.T. plusieurs mois auparavant qui a été la goutte d'eau ayant fait déborder le vase.

Kojima, roi de l'infiltration, même en interne

Avant la rupture, Kojima Productions était une structure quasi-indépendante au sein de Konami. En plus de son poste de directeur du studio, Hideo Kojima occupait également celui de "executive content officer" du groupe japonais. Le game designer était en quelque sorte le numéro 2 de l'éditeur et n'avait pas vraiment de comptes à rendre. Sa manière de profiter de cette liberté a contribué à causer la colère des pontes de sa société. Nos sources s'accordent à ce propos pour dire qu'un nombre très limité de personnes au sein de Konami savait que P.T. allait être mis en ligne.

P.T. était un projet top secret en interne, géré par une toute petite équipe. De nombreux employés de Konami, y compris parmi ceux qui auraient eu besoin d'être au courant qu'il s'agissait d'un jeu de la société pour des raisons professionnelles, ont découvert son existence quand la démo a été déployée. Pour tromper son monde, Hideo Kojima aurait mis en place un stratagème élaboré et aurait été jusqu'à créer une "société écran", 7780s Studio, négociant avec Sony afin que ce dernier accepte de rattacher P.T. à cette "fausse" société lors de sa mise en ligne sur le PlayStation Network.

Et en plus d'apprendre l'existence de P.T. en même temps que le commun des mortels, les employés de Konami évoqués ci-dessus ont également découvert que ce teaser jouable cachait Silent Hills, un nouveau Silent Hill, simultanément avec les joueurs. En pleine Gamescom 2014, les attachés de presse du monde entier de l'éditeur se sont retrouvés à devoir répondre à des questions au sujet de Silent Hills alors qu'ils venaient eux-mêmes de découvrir l'existence du projet. Mais là n'est pas le véritable fond du problème.

[Crédit photo : Simon Parkin]

Hideo Kojima nous est décrit comme un personnage difficile à gérer, qui n'en fait qu'à sa tête. Et il aurait utilisé une partie du budget alloué à Metal Gear Solid V : The Phantom Pain pour développer P.T. Cet élément nous est présenté comme une des raisons principales de son renvoi de Konami (officiellement, son contrat a expiré et n'a pas été renouvelé). Au moment du départ du patron de Kojima Productions, l'éditeur était dans une phase de transition et désirait s'éloigner de la production coûteuse de jeux AAA pour consoles. Et sa nouvelle manière de faire n'était plus compatible avec celle d'Hideo Kojima et des budgets requis.

Et qu'en est-il de l'enfer qu'aurait apparemment fait vivre Konami à ses développeurs nippons dans les derniers mois du développement de MGS V ? Difficile d'avoir des informations précises et fiables sur ce qui s'est réellement passé à cette époque. Une de nos sources affirme cependant que l'histoire des caméras de surveillance installées dans les studios par les dirigeants de l'éditeur pour surveiller les faits et gestes de ses employés relève du "fantasme pur." Nous n'avons cependant pas obtenu suffisamment de témoignages à ce sujet pour affirmer que ce qui a été dit dans la presse japonaise à cette époque était totalement faux.

Où en sont les choses aujourd'hui ? Selon nos informations, la guerre entre Hideo Kojima et Konami est terminée. La communication entre les deux camps a repris depuis longtemps et la situation est désormais cordiale, de nombreux amis du créateur de MGS étant toujours employés par l'éditeur japonais. Et si rien ne s'est concrétisé jusqu'à présent, il ne serait pas surprenant que Konami et (le nouveau) Kojima Productions finissent un jour par (re)collaborer d'une manière ou d'une autre.