En 2009, sept vétérans de Starbreeze (Riddick, PayDay) décidaient de quitter l'influent studio suédois pour fonder leur propre entreprise à Uppsala, toujours en Suède : MachineGames. C'est notamment en croisant la route de id Software chez Bethesda qu'il prit vraiment son envol il y a tout pile 15 ans, pour nous régaler de FPS d'excellente facture comme Wolfenstein The New Order, ou encore plus récemment Indiana Jones et le Cercle Ancien. Entre autres manières de célébrer ses 15 ans de bons et loyaux services, nous avons eu l'opportunité de nous entretenir en exclusivité avec Jerk Gustaffson, l'un des fondateurs originels du studio, et toujours actif aujourd'hui en tant que producteur exécutif.

MachineGames : un studio ambitieux aux débuts difficiles avant le retour en très grande forme de Wolfenstein

Après avoir quitté Starbreeze Studios en 2009, les sept fondateurs de MachineGames avaient, comme tout autre jeune studio, besoin de trouver un éditeur auprès duquel proposer un projet de développement de jeu. « On avait pensé à appeler le studio 'Tungsten'. Puis est venue la blague selon laquelle on travaillait pour des machines, et MachinesGames n'était pas une marque enregistrée [rires, NDLR]. Quant au logo, il s'agit d'outils qui représentent chacun des sept fondateurs. Voilà l'histoire d'origine du studio, mais nos débuts ont été très difficiles », a confié Jerk Gustaffson. Le studio suédois tout juste né n'avait en effet pas les fonds nécessaires pour se lancer dans l'aventure en toute indépendance. Après plusieurs propositions infructueuses, même auprès Bethesda, la situation devenait dangereusement critique, au point que les fondateurs envisageaient de vendre des biens pour garder les lumières du studio allumées, ou de le fermer définitivement. « On avait des idées plein la tête, mais on voulait absolument conserver toute liberté créative sur nos œuvres. Ce qui a rendu la recherche d'éditeur d'autant plus ardue », expliquait Jerk Gustaffson.

C'est finalement id Software, filiale de ZeniMax Media, maison-mère de Bethesda, qui vint à la rescousse de MachineGames, en leur proposant de travailler sur une propriété intellectuelle dormante mais porteuse : Wolfenstein, lancée en 1981 par id Software et considérée comme l'un des « grands-pères » du genre FPS, à l'instar de la licence DOOM du même studio lancée en 1993. « J'ai grandi avec Quake d'id Software, l'influence d'id Software était immense pour les membres de l'équipe. Ce fut donc un immense honneur que d'avoir le privilège de travailler avec eux pour ressusciter une licence aussi emblématique que Wolfenstein », a confié Jerk Gustaffson. Ainsi débuta donc vraiment l'aventure pour le studio suédois, qui devint par la même une filiale de ZeniMax Media. Ses fondateurs ont ainsi pu se servir de ce qu'ils avaient appris chez Starbreeze dans l'art et la manière de créer des FPS proposant un gameplay pêchu, mais aussi une narration léchée, le tout avec une technique qui en jette.

Afin de mieux s'imprégner de l'identité de Wolfenstein, les fondateurs de MachineGames ont passé quelques jours chez id Software, pour discuter avec les développeurs, et aussi apprendre à utiliser leur moteur maison, id Tech 5, qui allait devenir le socle technique de Wolfenstein The New Order, sorti en 2014. « Ce séjour chez id Software a été extrêmement important pour nous. On a beaucoup appris, et travailler avec un studio qui a autant marqué les membres de l'équipe était un rêve inespéré », a indiqué Jerk Gustaffson. Un partenariat qui a donc largement porté ses fruits, puisque B.J. Blazkowicz devint rapidement une icône du FPS, qui eut ensuite droit à la préquelle The Old Blood en 2015, The New Colossus en 2017 et Youngblood en 2019, mettant cette fois en avant ses deux filles, Zofia et Jess, dans leur combat acharné contre des nazis dans un univers rétrofuturiste.

Wolfenstein New Order MachineGames
© MachineGames

Un studio au soutien inestimable pour Bethesda

En plus de travailler sur la licence Wolfenstein, MachineGames s'est rapidement fait connaître en tant que studio de soutien de confiance pour Bethesda. L'équipe suédoise, qui a beaucoup grandi par rapport à ses débuts grâce au succès de ses jeux, a en effet souvent été appelé au secours sur d'autres projets du groupe appartenant à ZeniMax Online. Ils ont ainsi contribué au développement d'autres jeux phares d'autres studios de la famille tels que DOOM 2016 et Eternal pour id Software, ou encore Deathloop pour Arkane Lyon, et même Skyrim pour Bethesda ! « On était reconnaissants envers Bethesda de nous avoir fait confiance, et on voulait le leur rendre en aidant d'autres studios de la famille autant que possible », a déclaré Jerk Gustafsson sur la question de la propension du studio à vouloir aider son prochain.

MachineGames a ainsi également été en partie l'architecte de nombreux succès au sein du groupe, en apportant leur expertise dans la perspective à la première personne, la mise en scène, les capacités techniques d'un moteur, et a même été force de proposition créative afin de soutenir le développement de ces différents studios partenaires. « C'était une expérience enrichissante tant pour nos partenaires que pour nous. On leur a permis de développer leurs compétences, et nous avons également appris plein de choses en retour. La collaboration la plus plaisante était avec Arkane Lyon sur Deathloop. Soutenir un autre studio européen est toujours agréable, surtout parce qu'on est sur le même créneau horaire [rires, NDLR] ».

Indiana Jones et le Cercle Ancien : le magnum opus de MachineGames, qui a sa place dans un musée

Tout ceci nous ramène à des événements nettement plus récents dans l'histoire de MachineGames, avec évidemment la sortie le 9 décembre 2024, d'abord sur PC et Xbox Series, puis le 17 avril 2025 sur PS5, d'Indiana Jones et le Cercle Ancien, puis de son DLC L'Ordre des Géants le 4 septembre 2025. Aux yeux de Jerk Gustafsson, il s'agit-là de l'incarnation de l'ADN du studio à son meilleur. « On était d'énormes fans d'Indiana Jones, mais l'initiative vient en réalité de Todd Howard [directeur de Bethesda, NDLR], qui voulait faire un jeu sur le personnage depuis des années. Convaincu par notre travail sur Wolfenstein, il s'est dit qu'on était les mieux placés pour donner vie au projet », a confié Jerk Gustaffson.

Indiana Jones et le Cercle Ancien était donc à bien des égards une opportunité rêvée pour MachineGames. Le studio voulait en effet changer un peu d'air, et s'essayer à d'autres choses que du FPS pur et dur. « Le Cercle Ancien nous a permis de créer un jeu davantage tout public, avec de l'humour moins sombre, des puzzles, une expérience pour tout le monde, en somme. Ce jeu nous a aussi permis de nous améliorer du côté de la mise en scène, qui se fait désormais sans transition entre cinématique et gameplay, le tout rendu avec le même moteur en temps réel », a ajouté Jerk Gustaffon. Il s'agissait également d'un énorme défi technique pour le studio. Après avoir longtemps travaillé sur id Tech, le moteur d'id Software, MachineGames voulait développer sa propre technologie, qu'il a mis au service de cette adaptation ambitieuse des aventures d'Indy.

En parallèle, le studio a pu travailler en collaboration avec LucasFilms, ayant notamment toute lattitude pour faire un véritable travail d'archéologue des archives de tournage des légendaires films originaux avec Harrison Ford. Ce afin de proposer une œuvre aussi respectueuse que possible du matériau originel. « On a également eu la chance d'avoir une totale liberté créative. Ce qui nous a permis à la fois de raconter notre propre histoire, mais aussi de rendre hommage à notre manière à cette série de films cultes. Puis vint le choix de quelle voix pour incarner Indy en VO. On avait plusieurs candidats en tête, et on hésitait un peu à prendre Troy Baker. Il était déjà très connu pour son extraordinaire travail sur Uncharted, ce qui risquait de nous faire de l'ombre. Mais dès la première audition, on a plus eu aucun doute : c'était lui, notre Indiana Jones, et on est extrêmement heureux du résultat », a confié Jerk Gustaffon.

Puis arriva le mois dernier L'Ordre des Géants, DLC majeur d'Indiana Jones et le Cercle Ancien. En plus de rajouter un nouvel arc narratif au jeu de base, cette extension fut également l'occasion pour MachineGames d'encore plus montrer toute l'étendue de son art, avec des puzzles encore plus ambitieux, une mise en scène encore plus léchée, et une direction artistique encore plus impressionnante. « Grâce au jeu de base, on a pu encore plus s'approprier la technologie pour le créer. Le DLC nous a donc permis de pousser les choses encore plus loin et de proposer une nouvelle aventure aussi ambitieuse, si ce n'est plus, que celle d'origine », a ajouté Jerk Gustaffson.

indiana jones cercle ancien
© MachineGames/Bethesda

Le studio veut « repousser encore plus les limites » avec son prochain jeu, un avenir qui s'annonce radieux

En conclusion de cette interview exclusive notre dernière question fut forcément consacrée aux perspectives d'avenir du studio. Si Jerk Gustaffson ne pouvait malheureusement pas nous en dire plus en détail, il a assuré que « nous allons continuer de perfectionner notre formule de jeux de qualité, avec un gameplay plaisant, une mise en scène de haute volée, et une technique poussée. Indiana Jones et le Cercle Ancien mettait la barre très haut, mais notre prochain projet va repousser encore plus les limites de notre savoir-faire ».

À noter que, d'après les derniers rapports en date, MachineGames compterait revenir à ses premiers amours et développerait un nouveau jeu dans la licence Wolfenstein, en plus d'être personnellement impliqué dans la création d'une série live-action dans le même univers pour Amazon Prime Video. Quoi qu'il en soit, on surveille tout cela de très près.