Après une première prise en main en avril 2025, Endless Legend 2 revient aujourd’hui sous une forme bien plus concrète avec son lancement en accès anticipé. Le studio Amplitude, maître des 4X atypiques, mise sur cette phase d’au moins 6 mois pour éprouver ses mécaniques et recueillir les retours des joueurs avant la sortie finale. L’enjeu est de taille.
Héritier d’un premier épisode devenu culte chez les amoureux du genre, Endless Legend 2 conserve l’essence du 4X à savoir eXploration, eXpansion, eXploitation et eXtermination, tout en la transplantant sur Saiadha, une planète presque engloutie. À cela s’ajoutent cinq factions aux identités radicalement différentes, qui orientent chacune la partie vers une expérience singulière, entre diplomatie, conquête, science débridée ou domination insatiable. La question qui se pose maintenant est la suivante : cet accès anticipé en vaut-il la peine ?
Un monde vivant pour Endless Legend 2
La grande nouveauté d’Endless Legend 2, c’est son monde vivant. La (belle) planète Saiadha n’est pas une simple carte figée qu’on quadrille en accumulant des districts et des armées. C’est une planète mouvante où les océans dictent le tempo de chaque partie. Régulièrement, les marées se retirent lors des Retraits des Océans (Tidefalls), révélant des pans entiers de territoires jusqu’alors inaccessibles. Le tout de manière aléatoire et procédurale. C’est ainsi qu’un îlot isolé devient une passerelle vers un continent voisin, qu’un ancien donjon surgit des profondeurs avec son lot de reliques, ou encore qu’une faction mineure endormie refait surface et vient vous harceler.
Cette mécanique bouleverse la façon de penser l’expansion dans Endless Legend 2. On ne se contente plus de tracer des frontières, il faut anticiper la prochaine marée, placer un avant-poste au bon endroit et préparer ses armées à franchir de nouvelles terres. L’exploration prend ainsi un rythme très particulier, presque cyclique, où chaque retrait des eaux marque un nouveau chapitre stratégique.
À cela s’ajoutent les moussons, qui réduisent la visibilité sur la carte tout en inondant les joueurs de ressources temporaires et en lâchant des créatures à affronter. Ces phénomènes climatiques créent une deuxième dynamique, imprévisible mais stimulante, qui vient redessiner l’équilibre des forces en milieu de partie. C’est aussi l’occasion de récolter les ressources clés du 4X comme la Nourriture pour faire croître sa population, l’Industrie pour bâtir et produire, la Science pour débloquer de nouvelles technologies, le Dust (monnaie magique) pour accélérer ses projets, et l’Influence pour étendre ses frontières et peser en diplomatie. Loin d’être un simple décor, Saiadha devient un adversaire autant qu’un allié, capable de relancer une campagne au moment où l’on croyait avoir trouvé son rythme de croisière. Et ça, c’est aussi fun sur le papier que pendant la partie.

Des factions vraiment différentes et une belle asymétrie
Amplitude a toujours aimé créer des civilisations qui cassent les codes du 4X classique, et Endless Legend 2 ne fait pas exception. Dès l’accès anticipé, cinq grandes puissances sont disponibles, chacune pensée pour offrir une expérience de jeu radicalement différente. Aussi bien pour le gameplay que dans la direction artistique. Les Necrophages incarnent sans doute la vision la plus extrême. Ces insectes monstrueux ne bâtissent pas un empire comme les autres. Chaque victoire leur permet d’engendrer de nouvelles larves, qui évoluent ensuite en unités toujours plus redoutables. Leur réseau de Terriers leur sert à se déplacer rapidement sur la carte, leur donnant une mobilité terrifiante.
Si leur ville principale tombe, c’est la catastrophe, mais tant qu’ils conservent leur nid, ils peuvent se répandre à une vitesse folle. Leur style de jeu est résolument orienté vers la guerre permanente, mais avec une flexibilité surprenante, puisqu’ils peuvent aussi profiter de la diplomatie quand cela sert leur faim insatiable. On retrouve un peu une inspiration Tyranides façon Warhammer 40 000. C’est très jouissif à expérimenter car on a l’impression d’être une sorte de virus. Sur la carte, ça donne en plus un aspect assez torturé aux territoires et ça contraste avec les autres factions.
Face à eux, les Tahuks adoptent une philosophie totalement différente. Ces lézards savants transforment des régions entières en verre (et c’est beau) pour accélérer leur recherche scientifique. Leur objectif est clair : atteindre les unités et technologies les plus avancées avant leurs voisins. Ils s’appuient aussi sur des tours dressées sur les falaises, capables de générer de l’influence ou de balayer leurs ennemis de rayons destructeurs.

Un 4X qui change les règles du jeu ?
Les Aspects, de leur côté, misent sur la diplomatie. Leur corail riche en Dust permet d’affaiblir les adversaires sans avoir recours à la force brute. Enfin, les Derniers Seigneurs (Last Lords) privilégient un développement plus posé. Ils ne grandissent pas avec la nourriture, mais dépensent du Dust pour créer de la population et soutenir leurs unités. Quant aux Kin de Sheredyn, ils incarnent la voie défensive, axée sur la fortification et la résilience. Ce qui frappe donc, c’est l’asymétrie. Endless Legend 2 ne cherche pas à équilibrer ses factions autour d’un modèle unique. Chaque partie impose un style de jeu très marqué, parfois contraignant mais toujours singulier. On n’a pas l’impression de rejouer la même histoire sous un autre drapeau, et c’est sans doute l’une des plus grandes forces de ce deuxième épisode pour le moment.
C’est un choix qui le distingue de nombreux autres 4X. Dans un Civilization 7, par exemple, les bonus des dirigeants modifient l’approche mais sans bouleverser le cœur du gameplay. On construit les mêmes villes et on suit les mêmes branches technologiques, avec quelques priorités différentes. Ici, la faction change la logique même de progression. Les Necrophages se développent par la guerre et la prolifération d’unités issues des cadavres, tandis que les Derniers Seigneurs, “achètent” leur population en Dust au lieu de la nourrir. On est plus proche de l’asymétrie qu’on retrouve dans des jeux comme Stellaris ou Age of Wonders 4, où certaines espèces ou cultures imposent un rythme de partie radicalement différent. Cette radicalité a ses contraintes, mais c’est précisément ce qui rend Endless Legend 2 si addictif… apprendre chaque faction, ce n’est pas simplement optimiser une stratégie, c’est réapprendre à jouer.

Une base commune au genre
Le socle d’Endless Legend 2 reste malgré tout familier à tout amateur de 4X et ce n’est pas un problème. On fonde une première ville, on exploite les ressources de chaque case et on élargit son territoire en construisant de nouveaux districts. À ces ressources de base s’ajoutent des biens rares comme le Titane, indispensables pour débloquer les unités avancées.
La progression technologique dans Endless Legend 2 se fait par “âges” successifs, chacun contenant une dizaine de technologies. Cette structure est plus ramassée et plus claire que dans un Civilization ou un Stellaris. Pour débloquer l'âge suivant, le joueur doit avoir recherché un nombre minimum d'avancées dans l'âge en cours, lui permettant de laisser de côté des technologies moins pertinentes pour sa stratégie, et de revenir les compléter plus tard. Ce système met clairement l’accent sur des choix rapides et stratégiques, qui sont vitaux compte tenu de l'asymétrie des factions et des objectifs de victoire très différents. Cela évite de se perdre dans une surcharge d’options et rend le jeu plus facile à appréhender pour les novices, même si Civilization reste difficilement détrônable sur ce terrain. Le jeu arrive donc à se distinguer tout en restant abordable pour le néophyte.

Un jeu dont vous êtes le héros
D’ailleurs, ce qui distingue aussi vraiment Endless Legend 2, c’est l’importance donnée aux héros et aux quêtes. Parfois, l’expérience se rapproche presque d’un petit RPG. À savoir, on envoie ses héros explorer la carte, résoudre de petites missions scénarisées, négocier avec des factions mineures ou récupérer des trésors. Chacun peut être équipé, monter en niveau et acquérir des compétences, jusqu’à donner l’impression de gérer de petites escouades de JRPG plutôt qu’une armée impersonnelle. C’est une approche que l’on retrouve aussi un peu dans la saga Total War depuis quelques années, en particulier avec la trilogie Total War: Warhammer. Et il faut bien admettre que cela fonctionne aussi bien pour le RTS que pour le 4X.
Des défauts en moins
Côté combats, Amplitude a corrigé l’un des points faibles du premier épisode. Fini l’hybride maladroit entre temps réel et tour par tour. Ici, Endless Legend 2 adopte des affrontements tour par tour clairs, directement sur la carte principale. On y retrouve les classiques du genre : relations pierre-feuille-ciseaux, unités spécialisées, bonus de terrain en forêt ou en hauteur, mais avec un rythme plus nerveux et des décisions tactiques plus lisibles. On peut toujours recourir à la résolution automatique, mais l’expérience manuelle reste souvent préférable, notamment pour protéger ses héros ou exploiter le terrain.
Enfin, le système de cap d’unités limite le simple “spam” militaire et renforce l’importance de la spécialisation. Chez les Necrophages par exemple, on construit sa petite escouade, on choisit si une larve deviendra un drone volant ou un combattant à distance, et on investit du Dust ou des cadavres pour les faire évoluer. Le jeu incite donc moins à accumuler des dizaines de troupes qu’à développer quelques forces d’élite adaptées à son style de jeu.
Un jeu encore en développement
Si Endless Legend 2 impressionne déjà par sa richesse en termes de gameplay, il ne faut pas oublier qu’il s’agit encore d’un accès anticipé. Cela se ressent dans plusieurs aspects, parfois frustrants. Le premier concerne les bugs, et ils ne sont pas anecdotiques. Certaines quêtes peuvent se répéter en boucle, avec des récompenses accordées plusieurs fois de suite. Résultat, un héros propulsé artificiellement à haut niveau après quelques clics hasardeux. D’autres missions, qui demandent une unité spécifique, deviennent impossibles si l’on a fait évoluer cette unité vers une version améliorée. À cela s’ajoutent des problèmes de saisie de commandes. Il arrive que les ordres donnés ne soient pas pris en compte, forçant à recommencer l’action. Parfois un simple aller-retour dans les menus suffit.
L’interface souffre aussi d’un certain manque de fluidité. La gestion des villes et des districts peut vite devenir encombrée, avec des menus qui peuvent parfois ramer. On apprécie la possibilité de zoomer largement pour mieux visualiser ses territoires, mais l’ensemble mériterait encore d’être simplifié et épuré pour gagner en confort.
Côté combats, si les affrontements au tour par tour sont bien plus clairs que dans le premier épisode, le placement automatique des troupes peut poser problème. Impossible parfois de déployer ses unités comme on le souhaiterait, ce qui contraint à subir le terrain. Les attaques, elles aussi, peuvent manquer de précision. En fait, le curseur accroche la mauvaise cible, obligeant à “jongler” pour trouver l’angle correct sans s’exposer à une contre-attaque.
Enfin, il reste la question de l’IA. Lors de certaines parties, elle s’est montrée trop passive face à des factions agressives comme les Necrophages. Un voisin diplomate, tel que les Aspects, peut se retrouver balayé en quelques tours sans réelle résistance. Ce manque de mordant ne condamne pas le jeu, mais rappelle qu’on n’est pas encore sur une version finale taillée pour le défi. En clair, Endless Legend 2 a déjà une base solide, mais il faudra que l’équipe d’Amplitude corrige ces accrocs techniques et renforce l’intelligence artificielle pour transformer ce diamant brut en véritable référence du 4X.
On recommande chaudement Endless Legend 2 en l’état
Endless Legend 2 dans sa version en accès anticipé est déjà une jolie réussite. Le studio Amplitude tient (pour l’instant) la promesse d'un 4X à l'identité très forte, qui parvient à se démarquer de ses illustres concurrents. Le système de la planète mouvante de Saiadha, avec ses cycles de marées révélant de nouvelles terres, fonctionne à merveille et insuffle un rythme stratégique passionnant.
Mais la véritable force du jeu réside dans l'asymétrie radicale de ses cinq factions. Jouer les Necrophages ou les Derniers Seigneurs n'est pas une simple variation de style, c'est réapprendre le jeu, avec des logiques de progression et de guerre totalement différentes. Cette richesse est couplée à un système de combat au tour par tour grandement amélioré et à l'importance des héros façon RPG. Si vous êtes un amateur de 4X et que vous tolérez des bugs techniques ou une IA qui manque encore de mordant (après tout, il s'agit d'un accès anticipé), Endless Legend 2 est hautement recommandé. C'est un diamant brut dont les fondations sont déjà solides. Il offre une expérience singulière et addictive.