Difficile de parler de 4X sans évoquer Amplitude Studios. Depuis plus d’une décennie, ce studio parisien s’est imposé comme un nom incontournable du genre, notamment grâce à sa série Endless. Après avoir exploré l’espace avec Endless Space, puis posé les bases d’un univers de fantasy unique avec Endless Legend en 2014, il a su se forger une réputation solide. Dix ans plus tard, le studio est de retour avec Endless Legend 2, une suite très attendue par les fans de la première heure. Et la bonne nouvelle, c’est que nous avons pu y jouer pendant trois heures histoire de voir ce que cette nouvelle itération a dans le ventre. Entre continuité assumée et nouveautés ambitieuses, voici nos premières impressions.
Comme son prédécesseur, Endless Legend 2 est un jeu de stratégie 4X en tour par tour. Comprenez par là qu’il repose sur les quatre piliers du genre : eXploration, eXpansion, eXploitation et eXtermination (comme Civilization 7). Chaque joueur dirige une faction et joue à son tour, en prenant le temps de planifier ses actions : déplacement d’unités, gestion des villes, recherche technologique, diplomatie, etc. Le rythme est posé, stratégique, et laisse toujours une marge pour anticiper, expérimenter, ou corriger ses erreurs. Le cœur du jeu, c’est donc la gestion de son empire dans un monde vivant, tout en répondant aux nombreux événements et décisions qui ponctuent la partie.
Un nouveau monde à découvrir
Dans le premier Endless Legend, l’histoire se déroulait sur Auriga, un continent figé dans une lente extinction, où chaque hiver pouvait devenir fatal. Cette fois, Endless Legend 2 nous transporte sur Saiadha, un nouveau monde aux vastes étendues aquatiques, vivant et mystérieux. Ici, les terres ne sont pas figées, mais révélées progressivement au fil de la partie, à mesure que les eaux se retirent. Ce changement de décor ne fait pas que bouleverser la topographie : il influence aussi la manière d’explorer, de s’installer et d’interagir avec les autres factions. L’univers conserve cette patte unique mêlant science-fiction et fantasy, avec un soin particulier apporté au lore, aux civilisations et à leurs origines souvent énigmatiques.
Si Endless Legend 2 se veut accessible aux nouveaux venus, les fans de longue date seront ravis d’apprendre que les développeurs ont disséminé de nombreux clins d’œil aux autres jeux de l’univers Endless (Dungeon of the Endless, Endless Space, ou encore le premier Legend). Des easter eggs et références cachées, que l’on n’a pas forcément pu repérer durant ces trois heures de test, mais qui promettent de belles surprises pour les joueurs les plus curieux. Une manière pour Amplitude de tisser davantage les liens entre ses univers, tout en remerciant sa communauté fidèle.

Deux factions (pour le moment) pour deux façons de jouer
Lors de la démo, seuls deux peuples étaient jouables, mais ils suffisent déjà à illustrer la richesse et la diversité de ce que souhaite proposer Endless Legend 2. D’un côté, on trouve les Aspects, une faction unique en symbiose avec une étrange forme de corail vivant. De l’autre, les Kin of Sheredyn, descendants d’un empire interstellaire venus coloniser Saiadha et coincés sur place depuis des générations.
Les Aspects se distinguent par leur approche pacifique… en apparence. Issus d’un lien fusionnel entre machine et matière organique, ils vivent connectés à une conscience collective appelée le Chorus. Sur le terrain, cela se traduit par un mode d’expansion inédit : au lieu de fonder des villes classiques, ils placent des spores de corail qui colonisent peu à peu la carte. Ces spores leur donnent vision, bonus économiques et surtout un pouvoir diplomatique croissant. En effet, plus une autre faction exploite les ressources de corail sur son territoire, plus les Aspects gagnent d’influence sur elle. Ils peuvent même aller jusqu’à forcer l’adoption de traités. Ce jeu d’équilibre entre coopération et manipulation fait des Aspects une faction axée sur la stratégie subtile, avec des unités orientées soutien, coordination et positionnement.

Un gameplay asymétrique
À l’opposé, les Kin of Sheredyn adoptent une approche beaucoup plus militaire et structurée. Visuellement inspirés de l’Empire romain classique, mêlé à une esthétique brutaliste futuriste, ils incarnent une forme de discipline et de foi martiale. Leur gameplay repose sur la construction de bastions défensifs et un système unique de "zèle", qui se remplit au fil des fortifications et débloque à la fois des bonus passifs et des pouvoirs actifs puissants appelés Commandements Sacrés. Côté armée, ils misent sur des unités robustes, capables de former un front solide, avec une capacité spéciale : plus les unités sont proches les unes des autres, plus elles renforcent leur défense grâce à l’affinité "Stand United". Et en fin de partie, ils peuvent même déployer les Chosen, des soldats d’élite équipés de méchas lourds, rares mais redoutables. Ces deux factions incarnent deux philosophies de jeu : influence, expansion organique et diplomatie chez les Aspects ; discipline, forteresse et puissance militaire contrôlée chez les Kin. Leur contraste offre un bel aperçu de la richesse stratégique que semble vouloir développer Endless Legend 2. On a pu tester les deux plus d’une heure pour chacun.

On prend nos marques rapidement mais…
Dès les premiers tours, Endless Legend 2 installe une boucle de gameplay familière pour les amateurs de 4X, tout en y injectant une touche narrative bien dosée. L’économie repose sur cinq ressources clés : la nourriture, qui soutient la croissance de la population ; l’industrie, indispensable à la construction de bâtiments et d’unités ; la poussière (ou dust), utilisée comme monnaie pour l’entretien et les bonus ; la science, qui permet de débloquer de nouvelles technologies ; et enfin l’influence, un levier crucial pour l’expansion territoriale et les interactions diplomatiques.
Mais là où le jeu se distingue, c’est dans sa manière d’intégrer des éléments narratifs dynamiques. À l’image de Humankind, des événements contextuels apparaissent régulièrement, sous forme de choix à faire qui viennent bousculer la stratégie pure. Ces dilemmes qu’ils touchent à l’économie, à la diplomatie viennent donner de la personnalité à chaque partie, en vous forçant à prendre position.
En parallèle, des quêtes ponctuent la progression. Certaines sont liées au scénario principal, d'autres surgissent en explorant la carte ou en interagissant avec des villages indépendants. Elles ajoutent un objectif à court terme, incitent à sortir de sa zone de confort, et renforcent l’immersion dans cet univers foisonnant. Ce mélange de ressources à gérer, de choix à faire et de quêtes à suivre donne au jeu un rythme vivant et organique. Sur plus d’une centaine de tours, en tout cas.
Une histoire de héros
Dans Endless Legend 2, tout ne repose pas uniquement sur les villes et les ressources. Très vite, on comprend que les héros forment l’épine dorsale de votre empire, aussi bien sur le plan narratif que stratégique. Ces personnages uniques ne peuvent pas mourir, mais peuvent être blessés au combat, ce qui introduit une nouvelle gestion du risque. Impossible de les sacrifier sans réfléchir : ils sont précieux, irremplaçables… et pourtant exposés.
Leur progression s’appuie sur un arbre de compétences, qui se déploie au fil des niveaux gagnés, permettant de les spécialiser selon votre style de jeu : meneur d’armée, soutien économique, ou explorateur polyvalent. À cela s’ajoute la possibilité de les équiper avec du loot, qu’il soit récupéré au combat ou en accomplissant des quêtes. Armes, artefacts, objets rares… Le système évoque presque un RPG léger, intégré de manière fluide dans la structure 4X.
Mais ce n’est pas tout. Chaque héros peut aussi s’entourer d’un compagnon, une entité à part entière qui apporte des bonus passifs ou tactiques, allant jusqu’à influencer le déploiement d’une armée. Deux autres mécaniques viennent enrichir la dimension narrative : la relation d’“ami”, qui permet à deux héros de s’entraider et de se renforcer mutuellement, et la notion de “némésis”, un rival personnel. Battre son némésis offre des récompenses spéciales, mais surtout une motivation supplémentaire pour traquer, défier et vaincre un adversaire marquant. Ce système de relations, d’évolution et de personnalisation donne une profondeur inattendue à ces figures centrales, et apporte un souffle différent à la plupart des autres 4X.

Du combat très dynamique
Cette richesse stratégique se reflète aussi sur le champ de bataille. La plupart des unités disposent de cinq points de mouvement, ce qui assure une grande fluidité dans les déplacements. Cela favorise non seulement l’exploration rapide de la carte, mais surtout une mobilité tactique poussée une fois en combat. Car ici, les affrontements ne sont pas figés : ils sont ultra dynamiques.
Contrairement à un Civilization 7 où les combats sont souvent statiques et se résolvent rapidement entre unités voisines, Endless Legend 2 propose des batailles tactiques détaillées où le positionnement et la réaction à l’adversaire font toute la différence. Il est tout à fait possible, et parfois conseillé, de faire battre en retraite une unité pour mieux contre-attaquer au tour suivant, ou de détourner un groupe vers un flanc éloigné afin de prendre l’ennemi à revers.
Le terrain joue un rôle, les bonus s’accumulent selon les positions, et la diversité des unités permet de créer de véritables synergies. Ce système exigeant, mais très accessible, donne aux batailles un véritable souffle tactique, qui les rapproche davantage d’un Age of Wonders que d’un simple échange de statistiques. Chaque engagement devient une mini-campagne, où anticiper et s’adapter est bien plus payant que simplement foncer. En somme, Endless Legend 2 réussit le pari, pour le moment, de rendre les combats aussi passionnants que la gestion de l’empire, sans jamais ralentir le rythme global de la partie. On espère que ce plaisir grisant sera présent tout au long d’une campagne.
Un univers toujours aussi beau
Visuellement, Endless Legend 2 est une très belle réussite, aussi bien sur le plan technique qu’artistique. Dès les premiers instants, on ressent ce plaisir si particulier propre aux jeux d’Amplitude : celui d’explorer un monde inconnu, façonné avec soin et imagination. Chaque région découverte apporte son lot de surprises, entre falaises noyées de brume, forêts luxuriantes ou étendues côtières baignées de lumière. Il y a un vrai sens de la découverte, amplifié par la topographie du terrain et le système de révélation progressive des terres, qui donne l’impression de réellement lever le voile sur un monde vivant.
L’inspiration de Humankind se ressent ici aussi, notamment dans la qualité sonore qui accompagne l’exploration. L’ambiance est discrète mais évocatrice : le ressac des vagues sur les côtes, les bruissements des feuilles dans les forêts, ou encore le souffle du vent dans les hauteurs participent pleinement à l’immersion. Le tout est soutenu par une direction artistique élégante, qui mélange des influences classiques et futuristes, sans jamais sombrer dans l’excès. Le style reste (pour l’heure) lisible, cohérent, et chaque faction a son identité visuelle marquée. Que ce soit pour le plaisir des yeux ou celui de l’oreille, Endless Legend 2 donne dès cette version préliminaire une impression de maturité artistique. On sent que le studio maîtrise son univers, et prend un vrai plaisir à nous y faire voyager.

On l’attends avec grande impatience :
Après trois heures passées sur cette version alpha d’Endless Legend 2, difficile de ne pas ressortir impressionné par l’ambition du projet. Le jeu ne se contente pas de reproduire la formule du premier épisode : il la modernise, l’enrichit, et l’ouvre à de nouvelles dynamiques, à la croisée entre Endless Legend et Humankind. La structure semble solide, les systèmes sont nombreux mais clairs, et l’exploration bénéficie d’un vrai nouveau souffle, autant visuel que sonore. Bien sûr, il reste encore beaucoup de choses à découvrir : les autres factions, les fins de partie, les subtilités diplomatiques ou encore l’équilibrage global. Mais pour une version alpha, l’expérience est déjà riche, engageante, et surtout prometteuse. Si le reste du contenu est à la hauteur de ce premier aperçu, Endless Legend 2 pourrait bien s’imposer comme l’un des poids lourds du 4X dans les années à venir. Pouvant même venir concurrence un certain Civilization 7.