Que ce soit en tant que scénariste ou réalisateur, David Ayer ne s'est jusqu'alors illustré que dans des contextes urbains. Avec Training Day, ou encore Harsh Times, il réussissait à croquer les noirs versants humains par le biais d'individus crédibles et torturés dans les rues de Los Angeles. Malgré la malheureuse caméra à l'épaule de End of Watch, ou le triste raté qu'est Sabotage (dont le massacre du montage final semble bien loin des intentions de départ), il se dégage de sa filmographie une sincérité dans l'approche de ses personnages et une vraie conviction dans le traitement. Alors quand Ayer s'attaque frontalement à un pur cinéma de genre avec le film de guerre, il trouve là un cadre idéal pour mettre à l'épreuve une poignée d'hommes via l'iconisme que dégage les commandos de la seconde guerre mondiale. Contrairement à d'autres productions qui croient plus en l'aura de leur interprètes qu'en leur histoire (Monument Men pour ne citer que lui), le film a un objectif: Faire vivre au spectateur une aventure brut de décoffrage et sans concessions. Mission accomplie.

 

Le film ne tarde pas à faire part des ses intentions, dans les premières minutes, l'un des protagonistes refuse de lâcher la main d'un des ses compagnons, dont le corps en charpie recouvre les entrailles du Fury, le tank piloté par Brad Pitt et son équipe à travers le territoire allemand durant la toute fin du conflit. La photographie âpre mêlent les couleurs de chair, sang, boue et métal autant pour faire honneur au Sam Peckinpah de Croix de fer, que pour mettre en image la relation quasi-fusionnelle qui lie les personnages menés par Pitt au char américain. La troupe que l'on va suivre ici, est de celle que l'on avait l'habitude de voir dans les films de commandos, trop rares désormais. Un groupe hétéroclite, bien marqué à l'écran et facilement identifiable, où chacun répond à un «nom de guerre» qui résume aussi bien leurs fonctions que leurs personnalités. Archétypales, ces personnages le sont assurément. Mais ces figures, de primes abord simples, sont au services d'un récit qui refuse la moindre clémence envers ses protagonistes. Dans un cadre cru et par une violence graphique frontale, Fury met en lambeaux le peu d'humanité qu'il reste à cette bande de gars tout à fait normaux, des hommes qui ont juste vu trop de morts. L'utilisation du procédé narratif de la jeune recrue sert alors autant de point d'encrage à l'identification du spectateur que pour mettre en avant cette équipe qui est au bord du point de rupture. Ce ne sont plus des héros de guerre, il sont juste là pour «finir le job».

 

 

Le tout est servi par une interprétation juste, mais où se démarque clairement Brad Pitt qui donne assez de corps à ce sergent rongé par le conflit, autant physiquement que moralement. Durant les moments de calmes ou en plein dans les affrontements, son personnage inspire autant le respect que le dégoût dans ses choix les plus contestables. Il parvient à illustrer son incapacité à aspirer de nouveau à une vie normale, notamment dans une longue séquence dans une ville assiégée. Un moment de répit au c½ur du film, qui surligne un peu plus à quel point lui et sa bande sont devenus des produits de la guerre. Le film offre assez d'affect et de conviction en ses personnages et en ce qu'il raconte pour impliquer son audience entre deux phases de combats. Ces dernières, véritables attractions principales du métrage, assurent définitivement le spectacle. Les assauts de chars conjuguent tension et puissance dans une mise en scène qui met à profit la lourdeur des engins et l'ingéniosité des man½uvres de leurs équipages respectifs. L'un des points culminants est sans aucun doute cette rencontre avec un Tigre allemand. En plus de jouer la carte de l’authenticité en utilisant le dernier modèle encore en état de marche (de même les Sherman américains ne sont pas des répliques, mais bien des tank de l’époque), le tank adverse transperce l'écran tel un monstre implacable, faisant de lourds dommages dans le camp allié. Entre ce moment de bravoure et les autres scènes d'actions pures, le film dégage une nervosité galvanisante, ce sans jamais perdre en lisibilité et soutenu par les ch½urs de la bande son viscérale de Steven Price (Gravity). On est bien face à un divertissement guerrier qui aborde son sujet avec assez d'assurance pour emporter l'adhésion.

 

 

 

Assumant son statut de pur film de genre, Fury est un actionner qui délivre des batailles trépidantes, en offrant aux amateurs de films de guerre ce qui sont peut être les meilleures scènes de Tanks imprimées sur un écran. Il est de cette espèce de films d'exploitation qui aspire seulement à faire partager au public un vrai moment de cinéma. Dans la chair, le sang et l'acier, David Ayer atteint son noble objectif à grand coup de canons. 

 

Cet article a été originellement publié sur Chronics Syndrome :

https://chronicssyndrome.wordpress.com/2014/11/11/chair-dacier-critique-fury/