En vingt ans d’existence, John Blacksad le détective privé à su se faire une place au soleil dans le monde (trop) prolifique de la Bande dessinée, devenu en cinq albums un personnage incontournable du média Franco-belge, bien qu’il soit une création 100% espagnole. On le connaît en Amérique, on le connaît au Japon (vu par moi-même des exemplaire des premiers tomes dans chacun de ces pays), un jeu de rôle lui est même consacré. On le connaît partout. On le respecte partout. Alors quand l’annonce d’une adaptation en jeu vidéo fut annoncée, le fan que je suis fut ravi de cette nouvelle. Pendulo Studio, connu pour leur série de jeu Runaway, développe le titre, d’après une idée originale par Ys Interactive (à ne pas confondre avec Ys Net, le studio de Yu Suzuki), et sera distribué et promu par Microids. Les nouvelles semblaient donc de bonne augure. L’attente parut longue et parsemée d’embuches avant de pouvoir enfin poser la papatte sur cette aventure 3D. Mais sans doute ne le fut-elle pas assez…

LA NUIT TOUT LES DÉTECTIVES SONT GRIS

Un matin comme un autre, la femme de ménage d’une petite salle de boxe embauche et découvre avec effroi le cadavre pendu de Joe Dunn, le gérant. Quelques jours plus tard, la fille du défunt, Sonia, engage Blacksad pour retrouver Bobby Yale, poulain de son entraineur de père, qui a mystérieusement disparu depuis le suicide. Celui-ci doit participer à un combat contre la star actuelle de la boxe Al Stone d’ici une quinzaine de jour, dont les retombées financières seront indispensables à la survie du club de sport…Entre les obsèques organisé par Sonia, qui ne fréquentait plus son géniteur depuis des années et la recherche du jeune chien fou à l’absence plus que suspicieuse, John se lance dans une enquête qui promet bien des révélations et des rebondissements, dans un milieu sportif très clair-obscur. Enquête qui fera une fois de plus une large place à la noirceur de l’âme…

Tout débute quand Jake le pote boxeur de John amène Sonia Dunn pour une affaire

Nous voilà donc dans le rôle du chat, devant interroger les divers témoins et inspecter les différents lieux afin de faire avancer son investigation. De fil en aiguille, on fait des liens via un menu de déduction apparemment très semblable à ce qui se fait dans les jeux Sherlock Holmes. Nouvelles pistes qui amènent à de nouvelles interrogations, desquelles découlent de nouvelles questions à poser à de nouveaux témoins. Puis quand un interrogatoire ou l’inspection d’un lieu nous mène vers une nouvelle scène, rebelote jusqu’à la résolution de l’affaire. Gros résumé car bien entendu entre-temps interviennent quelques malencontreuses embuches et tout autant de mauvaises rencontres. Le match alors en suspens ne faisant pas les affaires des bookmakers et autres parieurs des bas-fonds de la ville. Très vite Blacksad se trouve confronté d’une part à un petit mafieux qui vit de l’argent des paris et d’autre part au syndicat des entraineurs, qui ne voit pas d’un bon œil le protégé d’un indépendant vivre un grand match. Au milieu de tout ce beau monde virevolte une galerie de sportif plus ou moins célèbre, dont la chouchoute de l’Amérique Helen Moore joueuse de tennis émérite, qui sort justement avec l’adversaire de Yale pour le combat tant attendu, Al Stone, un imposant taureau. Et pour épauler notre solitaire héros, on retrouve Weekly le journaliste, toujours aussi…enfin Weekly quoi.
D’ailleurs la présence du reporter du ‘What’s News’ permet de situer chronologiquement l’intrigue. John connaît le journaliste, ce qui la situe donc après ‘Artic-Nation’ mais pas Alma Meyer qu’il rencontre dans ‘Âme Rouge’. Un raisonnement poussé (qui me donna un sacré mal de crâne) me permet donc de situer Under The Skin entre les tomes 2 et 3 de la série (j’ai donné mon maximum).

Parfois les questions les plus anodines permettent d'en révéler beaucoup...

Retour sur le lieu du crime. Le jeu est en 3D, avec caméra fixe (mais pas statique) et propose des environnements certes pas fantabuleux mais dans le ton des années 50. On y dirige donc notre matou en imper et dès qu’il s’approche d’un objet utile à l’enquête ou intéressant une icône apparaît pour voir de plus près de quoi il s’agit. Nous avons alors droit à une remarque de notre sarcastique héros à moustache, et en fonction de l’importance ou de la pertinence de cette découverte, nous obtenons une nouvelle note dans le carnet, élément indispensable à toute enquête en bonne et due forme. Mais la plupart des infos proviendront des dialogues, assez nombreux et relativement bien doublés (fais le jeu en français). Des choix de réponses sont proposées, au joueur d’identifier celle qui lui apporteront le plus de réponses ou le sortiront de l’embarras.

Ces derniers temps entre Blacksad, Ryo Hazuki et Lewton j'ai l'impression de voir des carnets partout...
 
Question difficulté, en dehors d’une mécanique de gameplay qui m’a posé problème au tout début (Comment on quitte le gymnase pour aller au bureau ?) je n’ai jamais été bloqué plus de trois minutes sur une énigme. Il suffit de cogiter un brin et de bien étudier le décor pour surmonter les obstacles. Le jeu, bien que se déroulant dans un univers anthropomorphique, reste logique et réaliste. On est à des années-lumière des énigmes tordues et invraisemblables de la grande époque des jeux Lucasfilm, des Discworld ou de la saga ‘The Journey’. Et pour moi cela est un point très positif !

 Le gymnase sera au centre de l'affaire et vous y reviendrez souvent.

Et il faut bien avouer que ce n’est pas loin d’être le seul. Car des problèmes ô que oui j’en ai rencontré. Des masses. Tellement qu’il me faut consacrer tout un chapitre sur ce sujet…

CHAT NOIR

Je ne suis pas un grand joueur, je suis loin d’avoir joué à autant de jeu que d’autre, plus mordu que moi. Mais en trente ans de pratique, j’en ai quand même vu passer pas mal des jeux vidéo. Blacksad Under the Skin me restera en mémoire comme le pire que j’aurai joué en terme technique. Le seul mot pour décrire l’ampleur de la catastrophe est APOCALYPTIQUE. Rien ou presque ne fonctionne en terme de programmation là dedans. Quand je vois ceux qui se plaignent de la faiblesse technique de Shenmue III je me dis que jamais il ne survivrait mentalement devant le jeu au chat-détective.

Mon coffret collector, ou tout est peaufiné dans les moindres détails...excepté le jeu.

Alors précisons tout de même le contexte. Il s’agit de l’édition collector, acheté sur le net et à laquelle je joue sur une Playstation 4 de première génération (dites ‘Fat’). Ci-après une liste non-exhaustive des bugs et autres inconvénients rencontrés au cours de ma partie.
- premièrement, ma première session de jeu à été effectué sans le patch Day-One. Certaines textures absentes, musiques qui ne se lancent pas 90% du temps, Dialogues décalés et/ou absents régulièrement. Chargement des décors en 15 secondes, après qu’il soit pourtant affiché à l’écran (textures grises, puis on voit apparaitre les différentes couches successives avant le rendu ‘a peu près’ final), certains décors ne se terminent jamais de s’afficher correctement, je pense notamment au toit du gymnase et plus particulièrement au panneau publicitaire qui restera en résolution basse définitivement. Les menus eux aussi qui souffrent à s’afficher, laissant passer parfois une bonne minute avant que l’on puisse y naviguer avec peine. Tout ceci seulement pour les premières 20 minutes de jeu. Devant cette effroyable débâcle j’ai tout simplement abandonné ma session, tout installé comme il faut et relancer une partie depuis le début. Dit autrement, sans connexion internet pour mettre à jour le jeu, il est injouable. Et donc par définition invendable en l’état.

Malgré les mises à jour, d’autres problèmes ont persisté, et pas des moindres.
- Le plus incroyable pour moi reste l’absence de certains murs invisibles, qui font que John Blacksad peut marcher indéfiniment dans des ‘non-décor’. Vraiment surprenant.

Alors, petite explication. Ce plan de Blacksad dans la rue pourrait sembler anodin, mais il cache un bien gros problème. Si vous faites sortir John du cadre à gauche (à droite la caméra le suit sur une petite longueur avant de la faire passer à un autre décor) il marche hors-champ à l'infini. Oui oui. Enfin j'ai pas testé à l'infini vous vous doutez bien mais déjà sur une bonne minute. "Comment sais-tu qu'il n'est pas juste bloqué à deux mètres hors de l'écran" me demandez vous? Et bien c'est simple: il faut le faire revenir! Et croyez moi faire revenir un personnage dans le champ quand vous ne le voyez pas c'est pas évident! Et hop au bout d'un moment Ta-Daa le revoilà...comme si de rien était. Le phénomène est également présent à l'autre bout de la rue, mais cette fois en le faisant aller hors-champ sur la droite, dans le décor mentionné plus haut.

 - L’indice du futur. Autre curiosité. À un moment je tombe au gymnase sur un morceau de jean accroché à l’escalier qui mène au toit, avec le chat déclarant ‘Certainement appartenant au cambrioleur’. Hein ?! Quel cambriolage ? J’ai loupé un truc ? Non non, le cambriolage existe bel et bien, mais à lieu plus tard dans le scénario. J’ai donc eu accès à un indice d’un crime pas encore commis. Je suis vraiment très fort !

- Un classique mais toujours dérangeant. Il est arrivé bien trop souvent que des musiques ne se soient pas lancées. Et je ne parle pas uniquement de celles pour instaurer une ambiance mais également des intradiégétiques, par exemple provenant de jukebox ou de lecteur de vinyles. Certains dialogues sont également restés muet, mais à une échelle bien moindre.

- J’ai fini par cesser de compter le nombre de fois où le jeu à planter. Que ce soit une cinématique qui ne se lance pas, une action contextuelle qui ne veut pas venir (laissant notre héros dans une posture grotesque, attendant que la suite de son mouvement veuille bien sortir…) ou bien des choix de dialogues qui bloquent littéralement le scénario (la discussion avec Bobby sur l’escalier de secours que j’ai dû relancer plusieurs fois car mes ‘choix’ stoppait net le game, j’ai dû finir par relancer une enième fois et opter pour d’autres options de conversation, qui ne me convenait pas. Véridique). Chaque plantage signifie de relancer le jeu par le menu - qui lui aussi peut planter (dans ce cas là on repart depuis le menu PS4 ^^) - pour revenir en arrière dans le déroulement de l’histoire. Sans parler des plantages au démarrage, quasi systématique. Consternant.

- Le chariot élévateur. Déjà d’une je ne sais pas si dans les fifties il y avait des modèles aussi moderne (anachronisme possible mais je ne suis pas sur) et surtout le fait que John ne soit modélisé assis non pas dessus mais dedans…avec sa tête et ses oreilles pointues dépassant du siège et ses bras sortant de l’habitacle. J’ai beaucoup ris.

AH! Le chariot. Précisons déjà que - pour une fois- aucune des photos qui ornent cet article n'est de moi, car comme un idiot j'ai tout éffacé dès que j'ai 'terminé' le jeu, y compris mes screenshots rigolos (quel imbécile!). Mais croyez moi sur parole, dans ma partie le chat n'était pas assis là... mais 1 mètre plus bas! Sa tête dépassant à peine du fauteuil et  ses bras pendulant dans le vide de chaque coté de la carlingue. Effet guaranti!

- Les QTE qui ne marche pas. Alors la plupart fonctionnent c’est certain mais d’autres sont clairement foirés. Alors attention je ne parle pas de moi ‘ratant’ des Quick Time Event, j’en ai loupé plein bien entendu, mais bel et bien de quelques-uns qui ne marche pas, y compris des TRÈS IMPORTANT pour l’histoire. Y compris le dernier qui détermine le sort d’un personnage secondaire d’importance ! Je SAIS que j’ai réussi ce QTE, d’une simplicité à toute épreuve (appuyer sur croix en moins de deux secondes, je sais quand même faire çà sur une manette PS4 !) pourtant non le jeu ne l’a pas pris en compte. J’avoue que là j’ai vu rouge. Car cela m’amenait forcément à une mauvaise fin…mais comme de toutes façons…

- J’ai fini Blacksad d’un point de vue jouabilité. Je n’en ai pourtant pas vu la fin scénaristique (l’une des six proposées tout au moins) pour une raison à la fois simple et absurde : jamais la cinématique de conclusion ne s’est lancée. Pas une fois malgré mes quatre tentatives. Quatre fois un écran noir avec une mélodie triste au piano d’une vingtaine de secondes. Puis plus rien. Pas même le générique de fin, rien de rien ! Voilà voilà. Arrivé là, j’ai désinstallé l’intégralité de cette horreur, sauvegarde y compris.

Toutes les rencontres ne seront pas agréables...

C’est là que j’en appelle à témoignages. Suis-je le seul à avoir vécu une expérience désastreuse sur Blacksad Under the Skin ? Si vous aussi vous avez rencontré des déconvenues de ce genre sur ce titre, je vous en prie signalez le moi. Je vous en serai reconnaissant.
Vu depuis ma fenêtre, ce jeu est tout simplement sorti pas fini. Et pas qu’un peu. Il aurait fallu retarder sa sortie d’au moins quelques mois, le sortir en 2020. Et pourquoi pas au même moment que le prochain album programmé pour cette année ?

CHAT BLANC

Le titre sait cependant retomber sur ces pattes, en proposant une aventure certes pas au niveau des albums mais toutefois dans le ton. Amertume, noirceur, accablement… avec une pointe d’espérance toujours en fond de tiroir, cachée derrière les vieux dossiers et la bouteille de whisky. L’ambiance des années 50 est assez bien retranscrite, avec un focus sur le monde du sport et ses liens avec le monde publicitaire. Plus quelques notions des conséquences de l’opération Paperclip…

Sonia Dunn semble totalement perdue devant la disparition de son père et les révélations qui s'enchaînent...heureusement Blacksad est là pour la soutenir comme il peut. Mais pas sur que cela marche...

Au niveau du chara-design, les nouveaux personnages ne dénotent pas avec ceux de Guarnido, qui de toute façon avait son mot à dire sur les créations du jeu. Sonia Dunn est très réussie, Bobby Yale également. Helen Moore elle est trop classique pour être vraiment marquante. Mon favori reste cependant Al Stone, absolument parfait à la fois physiquement et moralement. Mention spéciale pour Craig Spannow et Tim Thorpe, eux aussi de bonne facture.

Helen Moore et Al Stone forme un couple très en vue, qui fait la couverture des gazettes et des tabloids. Mais ceci ne serait-il pas qu'une union de facade?

Les décors sont au nombre d’une petite quinzaine, allant de quelques appartements au tripot clandestin en passant par le cimetière ou l’hôpital. On visite également le bureau de Blacksad au début, et cela fait plaisir au fan comme moi. On ne peut pas prétendre que les décors soit très marquant ou offrent quelques point de vue qui flatte la rétine. Il s’agit surtout de ruelles ou d’entrepôt fait de briques et de fumées. Il ne me revient pas en mémoire un seul ‘plan’ véritablement sortant du lot. C’est carré et réussi mais sans coup de génie particulier. Certains éléments de décor eux se démarque de ces environnements un peu morne, comme ses peintures religieuses dans les couloirs de l’hosto ou des illustrations croisés à droite à gauche (paquet de cigarettes, couvertures de magazines, poster olé-olé…). Belle occasion pour parler de la collection de cartes autocollantes à dénicher qui nourrissent un album ‘panini’ consacré c’est de circonstance au sport. Une fois de plus en termes de ‘dessin’ ces cartes sont vraiment réussies.

John et Al discutant sur les notions de vérité, d'honneur et de loyauté.

L’écriture est aussi à mettre dans la catégorie des bons points, avec les dialogues plutôt bien amenés, une intrigue générale bien tenue, des références aux albums bien disséminées. Under the Skin s’intègre sans mal dans la saga, en terme d’adaptation pure c’est une franche réussite. Pas de fausse-note ou de message biaisé quand à l’œuvre originale. On notera en revanche un twist final un peu inélégant et pas bien amené, Blacksad - et donc forcément le joueur – découvrant le pot-au-rose avant que le coupable ne révèle l’astuce. En terme de mise en scène il y a avait mieux à faire je pense pour faire de cette révélation surprenante un vrai moment ‘coup de poing’, qui aurait marqué l’aventure et fait relire l’intégralité des événements sous un nouveau jour.

CONCLUSION :

Quel dommage que le jeu soit tellement à coté de la plaque en terme technique ! Sans cela Blacksad Under the Skin n’aurait sans doute pas brillé au firmament mais tout de même aurait offert une aventure interactive satisfaisante pour les fans du détective. Ou pas loin. Car à part quelques petites errances scénaristiques, le tout reste digne de la prestigieuse série d’albums. Pas égal non mais honorable et respectueux, et c’est déjà pas mal. Mais comme vous l’aurez compris, c’est complètement plombé par une programmation désastreuse, qui me fait dire que le jeu est tout simplement sorti bien trop tôt pour satisfaire un calendrier pas avantageux. Ou alors je n’ai vraiment pas de chance et je suis tombé sur LA copie défectueuse…

John Blacksad et Weekly font de nouveau équipe pour résoudre le mystère de ce 'suicide'

J’ai mis le jeu de coté, le temps au studio de faire les mises à jour indispensables pour faire de cette adaptation un titre recommandable, ce qu’il n’est pas actuellement. Je verrai d’ici un an les progrès effectué et je reverrai peut-être mon jugement à ce moment-là. Ou alors je tenterai une ‘aventure inverse’ lançant une partie sans patch, sans rien, pour voir jusqu’où je peux aller (mais j’ai trop peur de griller la console j’avoue). En attendant si je ne peux pas conseiller ce jeu je vous invite à aller découvrir la BD de Juan Díaz Canades et Juanjo Guarnido, qui elle c’est sur ne souffre d’aucun bug !