Les James Bond font clairement partie des fondations de ma culture cinématographique ( pas bien grande, au demeurant ). Je suis né avec, à l'âge d'aller à l'école, je clamais déjà préférer regarder ces films avec mon père, à son grand désarroi, plutôt que d'apprendre à écrire, et aujourd'hui encore, je suis avec grande attention l'évolution d'une série composée de 22 épisodes et qui devrait d'ici peu en compter un de plus.

Ce que je vous propose donc ici, c'est de parcourir brièvement l'histoire de la saga au cinéma, l'une des plus grandes du média, une des plus inégales aussi mais qui a le mérite de toujours mettre en valeur un seul et unique héros, Bond, James Bond, agent spécial au service secret de Sa Majesté.

Evidemment, comment ne pas commencer par la commencement. Le commencement étant bien sûr Sean Connery, ce bûcheron écossais enrôlé pour incarner l'un des plus célèbres espions de la littérature anglophone, la créature de l'auteur britannique Ian Flemming.




Souvent considéré comme étant " the sexiest man alive ", l'indépendantiste du pays du chardon est le premier à incarner le personnage de James Bond et le fera à sept reprises dans des films fondateurs de la série, de ceux qui vont donner à la licence une image unique, mythique, pourrait-on dire, et une identité propre, assez éloignée de celle des bouquins.

Car oui, avec James Bond contre Dr. No ( 1962 ), le héros prend vie sous les traits d'un espion au flegme britannique bien marqué. De par sa virilité palpable et son don de séduction extraordinaire, avec son amour pour l'alcool et pour la patrie qu'il défend, et ce malgré sa confiance trop importante envers les représentantes de la gent féminine, l'agent secret répondant au nom de code 007 parvient toujours à accomplir ses missions, aussi difficiles soient-elles.

Pendant de longues années, l'homme au service du MI6, les services secrets britanniques, va affronter durant ses opérations un groupe terroriste composés pour la plupart d'anciens membres de la Mère Patrie et dirigé par un adversaire emblématique de la série, Ernst Stravo Blofeld, l'homme au crâne rasé et au chat au pelage neige immaculée. De très nombreux agents de ce groupuscule agissant dans le plus grand secret vont se frotter à James Bond, à leurs risques et périls, bien évidemment. Que ce soit le métissé Dr. No, Rosa Klebb ( From Russia With Love ), Auric Goldfinger ( Goldfinger ) ou Emilio Largo ( Thunderball ), tous vont se casser les dents sur le smoking légendaire et le Walter PPK emblématique du personnage capable des plus grands exploits pour se sortir de situations a priori incontournables.




Evidemment, le personnage n'est pas toujours livré à lui même pour accomplir à bien ses objectifs. De nombreux compagnons s'associeront à lui au cours de ses aventures et notamment son ami de toujours, Felix Leiter, l'agent de la CIA, avec qui il noue une relation très particulière pour un personnage qui semble à chaque film changer de dimension. Q, l'homme à tout faire du MI6, sera lui aussi présent dès Bon Baisers de Russie pour fournir à James Bond des gadgets tous plus étonnants les uns que les autres mais qui vont donner à l'agent ses lettres de noblesse et sa capacité à survivre.

Bien sûr, comment oublier les fameuses James Bond girls, l'atout charme des films de la saga et le contre-poids de l'omniprésence de 007. Parmi elles brilleront des femmes telles que Ursula Andress ( Honey Rider ), Honor Blackman ( Pussy Galore ) ou même Diana Rigg plus connue sous le pseudonyme de Bottes de Cuir ( Tracy di Vincezo ). Bien sûr, d'autres rejoindront le casting pour accompagner l'espion britannique durant ses missions et pas des moindres car depuis quelques années, ce sont à des stars du cinéma ou à des mannequins de renom que l'on confie le rôle. On pense bien sûr à Grace Jones ( Mayday - A View to a Kill ), Michelle Yeoh ( Wai Lin - Tomorrow Never Dies ) ou même la sublime Halle Berry ( Jinx - Die Another Day ).

Les Françaises seront elles aussi à l'honneur et pas toujours pour le meilleur. Des actrices telles que Carole Bouquet ( Melina Havelock - For Your Eyes Only ) ou Sophie Marceau ( Elektra King - The World is not Enough ) ont endossé le rôle avec peu de réussite mais surtout peu de motivation, révélant des prestations particulièrement affligeantes dans des films pas vraiment marquants, par ailleurs. Fort heureusement, Eva Green est là pour sauver notre réputation dans le magistral et explosif Casino Royale où elle incarne une de ces personnes qui vont faire de James Bond ce qu'il est, bien que conter son histoire soit une chose relevant de l'incohérent, voire de l'impossible.




James Bond est aussi synonyme de prestige. En effet, la licence a toujours été la vitrine des plus grands tailleurs, des plus grandes écuries automobiles, des plus prestigieux fabricants de montres et autres objets de luxe et d'un savoir-faire anglais aujourd'hui quelque peu disparu, au profit d'une mondialisation qui permet de remplacer les Rolls Royce par des Porsche, les smokings par des costumes, de qualité, cela va sans dire. Toutefois, il faut noter qu'il s'agit toujours d'un luxe lié à l'élégance, pas à la vantardise. 007 est un modèle de classe, pas de vulgarité. Voilà l'un des éléments qui a contribué au succès de la série.

Qui dit 007 dit aussi thème culte, symbolique, qui n'apparaîtra pas dès James Bond contre Dr. No mais avec Bons Baisers de Russie. Le thème de l'agent est d'ailleurs toujours associé à une composition propre à chaque épisode, toujours interprétée par un grand nom de la musique. Shirley Bassey ( Goldfinger ), Tom Jones ( Thunderball ), Duran Duran ( A View to a Kill ), a-ha ( The Living Daylights ), Tina Turner ( GoldenEye ) et Madonna ( Die Another Day ) sont autant d'artistes prestigieux qui auront eu l'honneur d'interpréter les thèmes musicaux spécifiques à chaque opus de la série, donnant toujours un sacré caractère à chacune de ces itérations, qu'elle soit bonne ou pas.

De toutes manières, si Sean Connery de par sa grande taille et son gabarit monstrueux, sa belle gueule et évidemment son jeu d'acteur, donne au personnage un véritable corps au cours de six excellents films, son dernier n'étant pas des meilleurs ( Diamonds are Forever ), ses successeurs n'arriveront pas à recréer l'aura qui régnait dans les premières années. George Lazenby, le temps d'un seul et unique film, Au Service Secret de Sa Majesté, ajoute trop de miel à la description de l'agent secret, lui qui ne semble plus tellement imposer sa force, bien que ce titre semble tenter d'installer les fondations d'une histoire, contant sa rencontre avec sa femme et de sa mort tragique, chose qui ne sera rappelée que sporadiquement dans la saga.




Roger Moore, quant à lui, reprend le drapeau avec peu de réussite dès 1973 et Vivre et Laisser Mourir ( Live & Let Die ) où le mélange vaudou et complot international ne prend malheureusement pas. Qui plus est, c'est avec cet acteur déjà âgé pour l'époque ( 46 ans dans son premier James Bond ) que la saga va tourner quelque peu au ridicule. Certains apprécient ce côté kitsch qui ressort de films tels que Moonraker ( 1979 ) ou Octopussy ( 1983 ) mais force est de constater que l'acteur anglais apporte une touche de ridicule à une série pourtant si classieuse. On n'oubliera d'ailleurs pas l'apparition d'un méchant célèbre, le très laid Requin ( Jaws ), à la mâchoire de fer et aux muscles d'acier et qui cristallise parfaitement ce mouvement, à notre grand dépit. Dangereusement Vôtre ( A View to a Kill, 1985 ) sera le dernier film de l'ancien interprète de Brett Sinclair dans Amicalement Vôtre. Pour l'anecdote, le fait que la James Bond Girl de cet épisode, Tanya Roberts, avait le même âge que sa fille à l'époque ne l'ait pas incité à poursuivre l'aventure, lui qui était déjà fort âgé pour l'époque ( 58 ans ).

Ce sera par la suite à Timothy Dalton de reprendre le smoking du personnage. Et il faut avouer que l'acteur anglais parvient à redonner des couleurs à l'emblématique espion. Moins extravagant, plus typé avec ses cheveux bruns et sa jeunesse, le célèbre acteur de théâtre shakespearien réussit à redonner de la classe au personnage. Sa venue correspond aussi avec un revirement des scénarios. En effet, la fin de la Guerre Froide se faisant sentir, la possibilité d'élaborer des histoires prenant place en Afghanistan, en Amérique du Sud, dans d'anciennes dictatures communistes ou pays sièges du terrorisme. Ce rapprochement avec l'actualité donne beaucoup plus d'intensité et de crédibilité à des situations bien éloignées des fantasques épopées spatiales de Moonraker et l'exotisme asiatique d'un Octopussy, qui dénotent avec une certaine proximité de la série avec l'Histoire.

Qui plus est, Tuer n'est pas Jouer ( The Living Daylights ) est un des meilleurs représentants de la série et Permis de Tuer ( A Licence to Kill ) installe une notion de revanche, où James Bond prend personnellement les choses en main et fabrique de lui même sa propre mission, servant au passage ses envies de vengeance et protégeant les intérêts de Sa Majesté, bien évidemment.




En 1995, ce sera au tour de Pierce Brosnan de reprendre le flambeau. Lui qui suit la voie tracée par son prédécesseur reproduit avec talent le charme qui pouvait se dégager des deux précédents films avec le très bon Goldeneye. Intense, sombre, instaurant lui aussi une envie de revanche et particulièrement ambitieux dans son scénario, ce 17e film de la série poursuit dans sa mission rénovation en s'accrochant toujours plus à l'actualité, à un futur envisageable et peut-être d'ores et déjà envisagé. La performance sera réitérée avec Tommorow Never Dies ( Demain Ne Meurt Jamais, 1997 ) où l'on perd quelque peu en sobriété pour remettre en avant des ingrédients toujours sympathiques de la saga. Les gadgets sont omniprésents, deux séquences en véhicule concentrent toute l'action d'un film animé et l'intrigue sous-jacente fonctionne, notamment grâce à un adversaire, Jack Carver, particulièrement efficace dans son rôle de magnat prêt à tout pour parvenir à ses fins, même aux pires atrocités.

En revanche, la licence va retomber dans ses travers avec les deux derniers épisodes de la saga Pierce Brosnan. Le Monde Ne Suffit Pas ( The World is not Enough, 1999 ) souffre cruellement de son casting mal inspiré, avec une Sophie Marceau relativement mauvaise en séductrice manipulatrice aux grands projets accompagnée d'un Renard peu intéressant et trop bête pour charmer. Quant à Meurs un Autre Jour ( Die Another Day, 2002 ), ce vingtième épisode souffre de son scénario trop complexe et mal conduit, de cette débauche d'effets spéciaux qui discréditent une mission dont l'élément principal est avant tout la nécessité d'agir le plus discrètement possible. La démesure ne séduit pas et si l'idée de faire de l'agent secret du MI6 une monnaie d'échange semble intéressante, elle est très vite mise à mal par une réalisation extravagante et une envie de faire du film une oeuvre d'action intense, chose qui n'est au final pas vraiment l'ADN de la série.

Paradoxalement, après quelques années de négociations liées à la récupération de la licence du tout premier livre intitulé "James Bond" de Ian Flemming, je parle bien sûr de Casino Royale, un film arborant le même nom est produit. Ce dernier met en valeur un nouvel acteur, controversé dans un premier temps : Daniel Craig. Avec ce blond baraqué au regard appuyé, beaucoup d'amateurs ne reconnaissent pas en ce personnage les traits de caractère nécessaires pour incarner le célèbre espion britannique.




Mais le choix est au final judicieux. Pourquoi cela ? Tout simplement car la réalisation décide de s'inspirer d'une autre facette de James Bond, celle connue des spécialistes des livres de la licence, celle du militaire anglais animé par une soif de violence constante,  au machisme quasi-effrayant, à l'addiction pour l'alcool avérée et au caractère de chiotte. Dans ce rôle là, Craig correspond parfaitement. Casino Royale est là pour prouver que James Bond n'est pas qu'un simple agent d'outre-Manche aux aspects de dandy intello capable de tenir une arme et aux charmes indéniables.

Casino Royale ( 2006 ) nous révèle toute la part de bestialité qui envahit le personnage lors de ses missions. Capable du meilleur mais seulement aux dépends des formes qui font les limites de la diplomatie mondiale, l'agent ne lâche jamais sa proie même s'il doit pour cela y laisser des plumes et surtout nuire à ses propres intérêts. Avec ses scènes d'action très fortes, ses situations extraordinaires mais pourtant crédibles, le film de Martin Campbell réussit toutefois à mêler cette violence avec un ingrédient rare dans la recette James Bond, celui de l'émotion et cela grâce à Eva Green qui dans son rôle de femme pilier de l'Histoire sentimentale de 007 apporte ce supplément d'âme qui fait de Casino Royale est un excellent film, l'un des meilleurs de la série, incontestablement.

La prestation ne sera toutefois pas reproduite avec le dernier film sorti, Quantum of Solace. Car si la recette reste la même, le talent pré-production n'est plus là et cela se sent notamment dans la pertinence du scénario. La comparse de 007, Olga Kurylenko n'apporte strictement rien à ce qui devait être plus ou moins une trilogie et surtout, cette dernière itération ne complète en aucun cas ce qu'apportait Casino Royale. Le sentiment qui ne se passe pas grand chose règne fortement, trop fortement, vraisemblablement. Clairement, le titre est piégé par son envie de poursuivre directement les événements relatés chez son prédécesseur mais ne parvient pas à intégrer les éléments qui donneraient au spectateur l'envie de s'intéresser à la progression de l'histoire. La photographie reste superbe, l'action trépidante mais clairement, le fait que l'on n'apprenne rien de plus sur James Bond ruine la pertinence de Quantum of Solace.


Cependant, si le milieu du cinéma connaît aujourd'hui quelques soucis d'ordre financiers notamment, un nouveau film devrait sortir l'année prochaine, pour mettre fin à la saga Daniel Craig qui aura su apporter sa touche à l'identité d'un personnage qui reste l'un des plus prestigieux de l'Histoire du Cinéma.