"BOUH le jeu est moche!!!"...
"PUFF de toutes façons les silent hill depuis le départ de la Silent Team c'est de la m...*"
"AHAH j'suis sur qu'à la fin c'est lui qui a tué le type on dirait silent hill 2"...
"BOUH on dirait Alan Wake avec le niveau dans la forêt!!!"...
"OH le monde altéré est copié sur le film de Gans, quelle bêtise, ils refont homecoming!"...

Je vais vous épargner les commentaires qui ont nourris le web avant sa sortie...mais aussi l'historique complet de la saga qui vous expliquerait maladroitement que depuis le départ de la Silent Team, la licence perd en qualité ce qui, à mon sens, est parfaitement faux.

Silent Hill n'a accouché que d'un chef d'oeuvre (le 2 évidemment) et les épisodes suivants ont été marquants sur certains points et décevants sur d'autres et ce, dés que Heather a pu manier la mitrailleuse ou que Henry ait pu s'extirper de sa chambre...

Christophe Gans en a fait les frais lorsqu'il a été propulsé à la réalisation du film, les fans de Silent Hill sont trés exigeants et n'excusent aucun écart alors même que la "Silent Team" a commis pourtant des erreurs (combat trop prononcé dans SH3, bestiaire raté et gameplay bancal dans SH4, etc.). Curieusement, la première trilogie (et même parfois The Room) reste "bénite" alors que les autres épisodes accusent des critiques acerbes malgré quelquels belles réussites (le surprenant Shattered Memories).

Avec DOWNPOUR, nous avons bien la fidéle synthése ultime d'un trés bon épisode de Silent Hill.

Explications.

Une licence enquête d'identité :

En fait, la licence Silent Hill est constamment en quête d'identité et en remise en cause perpétuelle quand les autres survival horror pense avoir trouvé leur voie, parfois, maladroitement (Resident Evil et son virage action?).
Silent Hill n'est pas une saga qui a voulu réencoder son patrimoine génétique de survival horror en jeu d'action comme le fait ses licences concurrentes; quitte à prendre à contre-courant ses fans (on pense notamment à l'étonnant Shattered memories qui refuse le remake standardisé, renforce l'exploration et supprime toute possibilité de se battre).

En étant honnête, la "Silent Team" a commencé à perdre Silent Hill avec The Room, qui devait être au départ une nouvelle licence rebaptisée par la suite SH pour d'évidentes raisons commerciales et qui a souffert de ses lacunes techniques et de gameplay. Climax (Origins, Shattered Memories) et DoubleHelix (Homecoming) ont par la suite tenté de livrer leur propre version avec plus ou moins d'habileté et de nouveautés : les armes cassables pour Origins, le mode poursuite et l'entretien psychologique pour Shattered Memories, les combats plus dynamiques et les choix moraux pour Homecoming.

Aucun n'a réussi à pleinement convaincre les fans, décidemment (trop?) nostalgiques de la première trilogie.

Un nouveau développeur VATRA : qu'en est-il de Downpour?

DOWNPOUR agace par ses défauts qui auraient pu être évités (réalisation et chara-design) mais fascine par la maîtrise de tout le reste...

Autant admettre tout de suite que les véritables défauts majeurs (et seuls?) de ce DOWNPOUR sont ses lacunes techniques (framerate en dent de scie) et son bestiaire trés limité et décevant loin des fresques torturés de SH2 dignes du peintre Francis Bacon et Jerôme Bosh (ici, 3 sortes d'ennemis : sorciéres avec visage déformé façon The Ring, monstres sautillants aux longues jambes et des prisonniers lacérés torse nu). L'exercice est périlleux quand il s'agit d'oublier le travail fabuleux du directeur artistique Masahiro Ito des premiers épisodes Silent Hill.

Toutefois, certains pourront excuser l'absence de créatures "Bellmeriennes" par le respect d'une symbolique sur la signification des créatures, miroir et expression du psyché du héros. C'est, à mon sens, plus réussi et ambitieux que les fantômes invincibles de SH4 ou les éternels infirmières et lying figures réintégrées dans Origins et Homecoming que nous connaissons par coeur et qui ne procurent, avouons-le, plus aucun frisson.

Les monstres de DOWNPOUR respecte l'invitation faite au joueur de s'interroger sur le mal qu'il combat, chaque créature ayant une symbolique propre que je ne vous dévoilerai pas pour éviter tout spoiler.
De même, Vatra rattrappe les tares techniques par une direction artistique de grande qualité (entre la première trilogie Silent Hill, les univers de Stephen King notamment The Mist qui a été à l'origine de la licence ou encore ceux de John Carpenter et son Antre de la folie, mais aussi certaines ambiances Lovecraftiennes).

DOWNPOUR s'impose comme un trés bon épisode, bien meilleur que Homecoming, Origins et Shattered memories et ça, c'est un évènement.

Quid des influences?

Vatra nous délivre une récitation des nombreuses influences tirées des films (Twin Peaks, Lost Highway l'Echelle de Jacob, The Mist, Psycho, Les oiseaux, L'antre de la folie, etc.), de la littérature (Poe, Lovecraft, King) et des jeux (Resident Evil, Alone in the Dark, Condemned, Deadly Premonition, etc.) mais, à la différence de Homecoming, injecte une personnalité propre à ce Silent Hill et son atmosphére unique.

Le développeur Thécque n'oublie pas de respecter les codes de la série (ville brumeuse, héros torturé et faible, monstres difformes) mais aussi ses thématiques (culpabilité, enfance, paternité, schizophrénie, rêve et cauchemar).

Véritable synthése des bonnes idées de la saga (peu de combats, beaucoup d'exploration, systéme de fuite pour dynamiser le monde altéré, exploration libre et non linéaire dans la ville embrumée, peu de fusils, inventaire limité et large panoplie d'armes de corps à corps, choix multiple d'action, etc.), DOWNPOUR se force à respecter brillament la carte d'identité de la saga (les textures et le son) tout en instaurant un nouvel équilibre de gameplay (semi-ouvert) qui monte en puissance au fur et à mesure de la progression.

Un scénario bien écrit?

L'appropriation d'un élément (la rouille et le sang pour SH3, la glace pour Shattered Memories, l'eau pour Downpour) fait écho au scénario (noyade, meurtre ou erreur impardonnable?) qui prend tout son sens à la fin où plusieurs destins nous sont proposés selon les choix moraux menées au cours de la partie. Pas une révolution mais le scénario est bien ficelé et orchestré.

Assis sur la quête de redemption d'un prisonnier, DOWNPOUR implique émotionnellement le joueur, toujours attentif à chaque dialogue s'appuyant sur l'ambiguité des personnages, à chaque grincement de portes ou bruit de métal rouillé, les sens en éveil, le jeu nous plonge, malgré la certaine rigidité du systéme de combat, au coeur d'une ville brumeuse indomptable (vous ne trouverez jamais la ville aussi riche en exploration nourrie de quêtes annexes glauques à souhait).
Lorsqu'enfin, le joueur pense apprivoiser la ville, d'autres parcelles de la ville s'ouvrent brouillant les repéres, Silent Hill est véritablement le personnage principal du jeu.

Vous croiserez à l'instar de SH2 d'autres personnages, égarés, qui doivent aussi, pour sortir de ce purgatoire, avouer leurs pêchés pour sortir de l'errance éternelle dans les ruelles sans vie. Vous pourrez parfois interargir en choisissant les phrases que vous souhaitez qui auront une conséquence (ou pas) sur le destin de ces personnages et sur le vôtre...

L'aventure nous distille pleins d'indices (pourquoi la flic me traque à ce point au détriment de sa propre vie? pourquoi la pluie attire les monstres? pourquoi suis-je à Silent Hill et quel est ce facteur distribuant des lettres sans destinataire? que me veut ce mystérieux personnage sans visage sur un fauteuil roulant?) et n'oublie pas de multiplier les quêtes annexes pour enrichir de manière brillante l'expérience (vous pouvez entrer dans plusieurs appartements, auparavant désespérement fermés, qui racontent chacun une histoire). Rares sont les survival horror qui proposent une exploration aussi riche. 

En outre, Vatra Games a créé de toute pièce un monde altéré fait d'espaces métalliques paradoxaux chers à ESCHER où la gravité semble ne pas avoir de prise et aucune cohérence.
La différence de rythme entre le monde brumeux urbain peuplé de difformités (l'exploration) et le monde altéré fait de métal et de chair (la fuite) créer une vision de cauchemar bipolaire convaincante où chaque parcelle de niveau à l'architecture troublante et labyrinthique, sorte de purgatoire, fait écho aux traumatismes du héros qui ne finit que lorsque la vérité veut bien être accepté par son héros.

En cela, DOWNPOUR respecte les thémes abordés par Silent Hill 2, référence incontournable, sans faire dans le mimétisme ni l'égaler pour autant.

En quête d'action? ou d'égnimes?

Les combats n'ont jamais été le point fort des Silent Hill et Vatra a bien compris qu'il s'agit en premier lieu d'inviter fortement le joueur à les éviter en le privant pratiquement de toute arme à feu. Le systéme d'attaque et de contre n'est pas trés convaincant si bien qu'il vaut mieux contourner les ennemis malgré la grande variété des armes de corps à corps à notre disposition (signalées par un effet de reflet discret et efficace). Au moins, frapper un ennemi ne provoque aucun plaisir ce qui est finalement bon signe pour un Silent Hill. Ainsi, nous ne pouvons pas reprocher aux développeurs d'avoir voulu rendre le héros faible, maladroit, et rendre ingrat l'affrontement. L'objectif d'un Silent Hill de battre un ennemi sans gloire ni plaisir est parfaitement rempli dans cet épisode.

L'équipe Thecque a préféré se concentrer sur le traitement des égnimes et s'éloigne ainsi de la direction choisie par Homecoming épousant plutôt celle de Silent Hill 2 et Shattered Memories. Toujours brillamment contextualisées, elles peuvent surgir soit comme une étape obligatoire toujours bien intégrée aux lieux soit de manière totalement non linéaire, certaines habitations pouvant cette fois-ci être visitées reniant ainsi le syndrôme agaçant des portes fermées. On ne peut qu'être satisfait par le soin tout particulier de ces quêtes annexes distillant une ambiance macabre où nous devons comprendre, par une égnime utilisant souvent le filtre UV de notre lampe torche, le destin tragique d'une famille, d'un vol qui finit mal, celui d'un voisin trop curieux, du fonctionnement d'un miroir déformant, la collection ambigue d'un amateur de peinture, etc.

En cela, DOWNPOUR a su conserver la mélancolie macabre dont Silent Hill 2 était imprégné de manière si remarquable et fascinante.

Force est de constater que cet épisode est bourré de passages mémorables : le train maudit dans la mine et ses flashs, les courses poursuites avec chutes et pièges cruels dans le monde altéré jouant avec la gravité (et nos nerfs), certaines quêtes annexes dans la ville révèlant ses tragédies, l'orphelinat et ses mannequins tueurs, le niveau du théatre à ciel ouvert, celui du cinéma avec le passage en noir et blanc avec caméra à l'ancienne... DOWNPOUR s'inscrit comme un épisode marquant dans la veine de la première trilogie.

Vatra a compris que le véritable héros de la saga est la ville et, tout en récitant sa leçon, apporte sa touche personnelle à la licence.

Exit Akira Yamaoka, remplacé par Daniel Licht : une bande sonore toujours convaincante ?

Akira Yamaoka a désormais quitté (définitivement?) Konami et sa série qui l'a rendu célèbre. Ses dernières partitions étant celles de Shattered memories et une chanson inédite pour Silent Hill Revelation, le dernier film sorti en novembre 2012.

Dés lors, nous aurions pu imaginer que tout ce qui pourrait servir de bande sonore aux futurs Silent Hill serait décevant tant le compositeur japonais a su imprimer sa marque au fer rouge. Et pourtant...

C'était sans compter sur la justesse de la partition de Daniel Licht (la série Dexter et le récent Dishonored). Il aurait fallu parfois moins de discrétion et la voix plus prononcée de la chanteuse Mary Mc Glynn pour que ce soit parfait (on peut l'entendre sur la musique de l'introduction si vous écoutez bien). A croire que les chansons ont été curieusement réservées à l'égnimatique Book Of Memories sur Vita.

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Nous ne pouvons que constater que le travail de Vatra transpire la sincérité, la passion pour la mythologie et n'hésite pas à livrer sa propre version du purgatoire de Konami.

SILENT HILL DOWNPOUR est non seulement un des seuls bons survival horror récents qui ont survécu au refus du virage action mais en plus, le meilleur épisode, perfectible certes, depuis la première trilogie alors accueillons-le avec respect.

Pour les flemmards, en résumé :

+ Une direction artistique soignée
+ L'écriture du scénario
+ Quelques passages mémorables
+ La musique de Daniel Licht impeccable (un poil trop discréte)
+ La ville de Silent Hill, indomptable, aux multiples quêtes annexes

- Les ralentissements nombreux (les saccades et les freezes sont agaçants)
- Le bestiaire limité et décevant (exit les monstres torturés à la Francis Bacon)
- Systéme de combat parfois pénible
- Sauvegarde automatique inadaptée