Après la conférence Sony de cette GC 2013, on nous a proposé en vidéo un Q&A avec différents game-designer travaillant actuellement sur des jeux pour Sony. Shuhei Yoshida (CEO de la branche entertainment de Sony), David Cage (le pionnier de l'émotion vidéoludique selon notre source chez Canal +), Dan Pinchbeck (écrivain sur Dear Esther de The Chinese Room), Darby McDevitt (scénariste chez Ubisoft) et Russell Harding (director de Book of Spells). Une partie précise de ce Q&A a attiré l'attention de la rédaction de CARIBOU, le seul blog cervidé indépendant de la toile.

Il est question à un moment donné de trouver une manière procédurale de fabriquer des histoires en suivant un modèle programmé. David Cage évoque ici ce qui lui semble une utopie qu'il cherche tout de même à atteindre. Darby McDevitt répond alors qu'un algorithme semblable a dores et déjà été trouvé en musique, puisqu'il est possible de produire des improvisations de saxophone en suivant des patterns couramment utilisés par des saxophonistes célèbres. La conversation en reste cependant là.

Ce que ne vous dit pas David Cage à ce moment précis, c'est qu'en réalité, il a déjà élaboré une première forme de générateur d'histoire lui permettant de concocter des jeux avec de multiples fins. En effet, lors d'une visite dans les studios de QD, il nous a dévoilé en exclusivité sa machine inspirée de la technologie Europa Corp qui permet à Luc Besson de renouveler sans cesse son cinéma en tournant autour des mêmes thèmes forts comme les chinois, les yamakasis ou les voitures de la marque Audi. Pour ne pas dévoiler la manière exacte dont fonctionne la machine qui est en réalité un logiciel très puissant, l'EmotionGen, qui demande beaucoup de puissance de calcul (expliquant au passage la faim de Cage concernant la technologie) nous ne vous mettrons que des screenshots et pas de vidéo. Voici donc l'interview.

Avant l'interview, le game-designer semble serein. Nous l'aurions été aussi si nous avions su ce qu'il nous aurait présenté.

Caribou : Alors bonjour David, ici vous allez nous expliquer un peu comment fonctionne votre logiciel. J'ai cru comprendre en parlant avec la partie tech de l'équipe que même s'il ne paye pas de mine, il est porté par de solides algorithmes.

D.C Comique : Oui, notre but ici à Quantic Dream c'est de se servir de la technologie pour générer de l'émotion. Ça passe par des moteurs next-gen qui permettent d'animer le moindre poil de sourcil de nos acteurs comme de modéliser une hémorroïde douloureuse qui pourrait faire souffrir le personnage s'il est mal assis. Avant on aurait du écrire dans une bulle ou faire dire au personnage « putain j'ai mal au cul ». Maintenant, d'un soulèvement de sourcil, d'un léger décalage de fesse, le joueur saura la douleur que ressent le personnage. Seulement la technologie visuelle ça ne fait pas tout loin s'en faut.

Caribou : Clairement, le parent pauvre du jeu vidéo story-driven (ndlr : histoire d'un pilote de F1 ancien boxer) c'est tout simplement l'histoire.

D.C Comique : Exactement. Au lieu d'apprendre à écrire, à Quantic Dream on a décidé de plutôt faire un logiciel qui nous permettrait de manière semi-procédurale de créer des histoires emotion-driven.

Caribou : Semi-procédurale ?

D.C Comique : Oui en fait, on met des idées et des thèmes forts dans le code et EmotionGen va créer un scénario adapté à ce qu'on recherche. On peut également bloquer certains paramètres. Si un des artistes se sent dans une période « grèle » on peut bloquer le paramètre sur grèle et ne générer qu'une partie du scénario.

Property of QuanticDream (cliquez pour plus de netteté)

Caribou : Alors je comprends bien Musique, Météo et je crois comprendre Perte, mais à quoi correspondent les autres variables.

D.C Comique : Hobby, c'est le hobby du tueur. C'est important les hobbies dans la vie. On veut pas donner l'impression que le tueur est un obsessionnel ; c'est un peu trop cliché. Donc plutôt que de le représenter seulement au travers de ses meurtres en donnant une signification à ce qu'il fait, on lui donne un hobby. Là par exemple, le tueur ferait des macramés ; il déposerait des bracelets chez ses victimes.

Caribou : C'est génial.

D.C Comique : Et c'est infini ! Entre Heavy Rain et Beyond on a rajouté le scoubidou, le crochet et le maquétisme. Bon pour Beyond c'est tombé sur la guitare, mais comme on voulait pas avoir un tueur deux fois de suite, on s'est dit que ça serait l'héroïne qui en ferait.

Caribou : Ah donc vous avez déjà utilisé l'EmotionGen sur Heavy Rain avant Beyond ?

D.C Comique : Oui. C'était la version 2.0 par contre. Beaucoup moins fines. On a pas obtenu assez d'émotion. Mais là, on a rajouté âme ou encore chien dans les Pertes. Les chiens, c'est de l'émotion de la truffe à la queue. D'ailleurs, une semaine après qu'on en rajoute dans l'EmotionGen 2.3, Activision présentait Call of Duty : Ghost Dog.

Caribou : D'ailleurs, autre chose qu'ils vous ont piqué ; l'utilisation d'un acteur connu au casting, ici Forest Whitaker.

D.C Comique : Effectivement on a été les premiers, après Wing Commander ou GTA...ou Elder Scrolls...ou encore Fallout à avoir casté des acteurs pour plus d'émotion dans nos jeux.

Caribou : Pour en revenir à l'EmotionGen, je ne comprends toujours pas la variable Nudité.

D.C Comique : En fait on a remarqué qu'une scène de nudité était obligatoire pour obtenir de l'émotion dans les sous-vêtements des plus jeunes joueurs qui n'ont pas le droit de jouer à nos jeux, mais qui le font quand même. Par contre, au-delà de trois séquences de nudité, c'est plus de l'émotion dans le slip, c'est du porno. Donc la variable va de 1 à 3.

Caribou : Bien vu. Mais le truc que je ne comprends pas, c'est qu'il n'y a pas de fin là.

D.C Comique : On garde cette partie du logiciel secret. Tout ce que je peux vous dire, c'est que ça fonctionne à peu près de la même manière. D'une manière globale, c'est nous qui faisons le lien réel entre les mots. Il y a toujours un solide travail d'écriture pour que le tout soit logique. Mais un jour on arrivera à générer un script de 10500 pages en appuyant sur une touche.

Caribou : Ça fait rêver ! Bon allez pour le fun, il y aurait moyen de faire un ou deux essais pour voir la puissance de la machine.

D.C Comique : C'était pas vraiment prévu et on fait rien pour le fun à QD, mais je comprends que ça puisse émouvoir. Je vais juste chercher des mouchoirs et on regarde ça.

Après avoir bidouillé quelques paramètres de manière à ne pas permettre de sortir le meilleur du logiciel, mais de simplement en faire une démonstration, l'EmotionGen a sorti un scénario :

Un joueur de violon perd son violon au cours d'un concerto. C'est en réalité un potelier qui lui a pris car il est fan de son jeu, mais ne peut plus le voir en concert parce que c'est devenu trop cher pour lui depuis que le toit de son atelier a cédé sous la neige et qu'il ne vend plus de sculpture. Pour se venger de ce cruel destin, il pose donc des sculpture en forme de violon chez le violoniste qui se meurt peu à peu de chagrin. À la fin, on apprend que le violoniste est en réalité le jumeau du potelier, ou sa jumelle, en fonction des choix que l'on fait (il faut se couper quelque chose).

C'est tout pour cette fois, j'espère que cette exclusivité vous aura plu. Encore une fois, on parle ici de quelque chose que personne n'a encore jamais dévoilé et que vous ne verrez sûrement pas dans un autre blog. Bien à vous...surtout à toi là. Oui toi...humm. Ah oui et surtout, remerciez Akiru pour la découverte de la dite machine.