La tempête ne se calme pas dehors. Fordhiver est invisible, ensevelie sous la neige. Comme si l'Académie avait rassemblé ses plus grands invocateurs et que tous avaient produit leur plus puissants atronachs de glace pour qu'ils aspergent de leur souffle ce dernier lieux de vie avant la mortelle banquise. Je ne bougerais pas aujourd'hui. Je vais me contenter des piètres talents de conteurs et de joueur de luth du barde pour me lover dans la chaleur du feu de cette vieille auberge. Dès demain, je m'engagerais dans le reculé et haï bastion de la magie en Bordeciel. Là je pourrais enfin laisser court à mes talents de Bréton. Je crois...

Je ne devrais peut-être pas être ici. Je pense que j'ai cédé à la peur. Je n'ai jamais été une guerrière et je n'ai pas envie de le devenir. Père pensait que mes dons pour la magie de destruction ne devaient pas être gâché par une vie d'hermite. Qu'y puis-je si je suis taillée pour la lecture et l'apprentissage passif ? Nombre des sorts dont je connais les secrets aujourd'hui, je ne les ai point appris au combat, mais auprès de mes maîtres en Hauteroche. La magie coule dans les veines de ma race certes. C'est d'ailleurs difficile de concevoir que deux contrées si proche géographiquement que Hauteroche et Bordeciel puissent avoir une conception si différente de la magie. Cependant, la Destruction a des secrets que moi-même je ne voudrais pas découvrir et nombre de sorts ne devraient être appris par personne. Quoique je doute de ce que pourrait bien m'apprendre les mages d'un pays qui a presque banni la magie et qui croit encore que l'on peut se faire exploser en prononçant à haute voie la phrase d'un livre.

Je ne peux plus me leurrer. Je ne suis pas venu à Fordhiver pour apprendre dans la pire académie de mages de tout Tamriel. Je suis venu parce qu'ils attendent de moi que je les sauve de cette nouvelle plaie divine et que je suis persuadé que j'en ai pas la force.

Lorsque j'ai été prise et amenée à Helgen, je tentais de rejoindre Bruma. Les huit ont été bien cruels. C'était la première fois de ma vie que je soulageais de sa bourse un homme ivre. Les quelques pièces que j'en ai tiré devaient me permettre de payer une auberge en arrivant en Cyrodiil. Mais bien évidemment il a fallut qu'un justicier nordique veille à ce que je reste pour assister à la destruction de ses terres. Un vol ! Un vol suffisant pour que l'on me traîne sans ménagement et sans procès à la décapitation et que j'en sois sauvée par rien de moins que la créature la plus improbable que l'on puisse imaginer.

Un dragon. Hérissé de piques, aux écailles noires et au cris assourdissant. Le simple fait de se poser sur cette tour a fait vaciller la hache du bourreau. Certains pourraient dire que j'ai été sauvé par la grâce divine et qu'en retour, je dois me mettre au service de ce peuple. Je n'y vois qu'une immonde ironie. Le premier faux pas moral d'une pauvre brétonne perdue loin de sa famille, puni par la plus lourde responsabilité que l'on puisse imaginer. Les dragons ne sont pas des créatures communes, sauf dans les paroles que l'on entend dans ce genre de bouge nordique où les vieilles légendes content des histoires de héros flamboyants, preuves de la grandeur de la race locale. Leur grandeur est bien fanée et de toute évidence, même leurs héros, guerriers dans l'âme n'ont rien pu faire. Et on me demande de protéger toute une région contre ces créatures.

Bien sûr je ne serais pas seule, j'imagine, si je me décidais à aider ces gens. Mais ils cherchent un meneur et une voie qui dépassera les querelles entre Sombrages et Empire, ces viles affrontements de pouvoir. Jusqu'à présent, je n'ai été bonne qu'à écouter les ordres sans sourciller. On m'a demander de me rendre seule dans un des lieux les plus dangereux que j'ai visité de ma vie. Les loups et les bandits, j'en fais mon affaire. Les draugrs en revanche...si ma curiosité maladive sur la magie ne m'avait pas poussée à entrer dans ce Tertre, je serais peut-être enfin à Bruma à l'heure qu'il est. Ou même dans la grande Bibliothèque de la Cité Impériale.

Je crois que c'est bien la seule et unique raison qui me pousse à ne pas tenter de nouveau ma chance et quitter ce pays froid pour une région plus accueillante. Je vibre lorsque je crie. Je pensais que la chaleur de mes sorts étaient la sensation la plus forte et intime que je puisse ressentir. Je me suis trompée. Le Thu'um est plus fort, plus puissant que toutes les magies que j'ai bien pu expérimenter. Je ne pensais pas un jour avoir autant envie d'un pouvoir. C'est bien ce qui me fait peur hélas. J'ai été appelée, choisie. Par les Huit, par les habitants de Blancherive qui voit en moi celle qui a occis un dragon -ils en oublieraient presque que je suis mage- et maintenant par les Grises-barbes. J'ai envie d'y aller, de répondre à l'appel du Haut-Rothgar, mais j'ai peur de le faire pour les mauvaises raisons.

Regarde toi maintenant. Tu as traversé la moitié de Bordeciel pour aller noyer tes soucis dans l'alcool d'Hydrhonning. S'il y a une chose qui est bonne et douce ici bas, c'est cette hydromel. Voilà que tu parles seule...je vais aller dormir, la nuit me portera peut-être conseil...