Article publié sur PG Birganj, la semaine dernière. Cette semaine, vous aurez droit à la critique de Killer is Dead.

 

Après le succès commercial de Rayman Origins grâce à une baisse de prix à 30 euros, Ubisoft décide de rentabiliser le renouveau de la franchise accompagné de son moteur 2D dédié, UbiART. Suite à une fuite mentionnant un développement spécifique sur la WiiU et son pad tactile, la presse web s'enflamme et réussit à comprendre ce qu'Ubi n'a jamais réellement officialisé : Rayman Legends serait une exclusivité WiiU. En sachant pertinemment que Rayman O a cartonné sur tous les supports et que son moteur dédié est souple pour faciliter le multiportage, seuls les plus crédules y avaient cru. Même si Ubisoft avait donné la priorité à la WiiU en faisant travailler ses développeurs dessus pour le début 2013, le lancement raté de la machine fait reculer l'éditeur. Même temporaire, coller l'étiquette « exclu WiiU » à son jeu Rayman ne lui donnerait pas franchement une belle image auprès du grand public, sans compter que financer deux campagnes marketing serait coûteux et illogique pour un résultat plus que prévisible sur WiiU. Le jeu est ainsi repoussé et devient officiellement comme il aurait toujours dû être : un jeu multi qui sort sur PS3, 360, PC et WiiU puis PS Vita le 12 septembre. Voyons si tout ce ramdam était bien nécessaire...

L'homme sans couilles

Parlons vite, parlons bien : Rayman Legends est exactement la même chose que Rayman Origins. C'est à dire un jeu de plate-forme assez simple, jamais difficile qui prône un joli travail visuel pour inviter le joueur à se balader et à faire et refaire les dits niveaux pour débloquer les niveaux cachés. Legends n'apporte rien de plus à part la feature tactile (sur WiiU et Vita) du petit moustique qui va interagir sur le décors devant Rayman. Par exemple couper une corde pour créer une plate-forme ou manger un morceau du décors. Le truc étant que cette fonction est si basique (il suffit d'appuyer sur l'écran) qu'elle a ainsi été importée sur PS3, 360 et PC en pilotage automatique. C'est à dire qu'à chaque élément interactif qui fera avancer Rayman, le moustique y est placé automatiquement, il suffit alors de cliquer sur Y, au lieu de tapoter sa surface tactile. Pas de quoi révolutionner le gameplay et surtout pas de quoi fanfaronner que la WiiU apporte de grandes possibilités comme s'évertue à l'affirmer Michel Ancel dans les médias. En co-op, le moustique est dirigé par un ami mais diriger un moustique pour tapoter sur un écran n'est pas ce qu'il y a de plus fun... Même s'il nécessite une synchro avec son partenaire qui dirige Rayman, la caméra suffisamment éloignée rend le timing large et donc pas bien compliqué n'offrant aucun challenge.

Ce problème de challenge se ressent surtout dans le level-design de ce Legends bien plus linéaire, bien plus à plat et équilibré de telle sorte à ce que chaque plate-forme ne demande aucun calcul de nos sauts. Plutôt incongru pour le genre. Beaucoup de niveaux à base de bumpers ne demandent que peu de dextérité puisqu'on se laisse guider par la direction. Le plus pénible sera surtout les boss projetant des boules de feu ou des missiles à la gestion de collision assez incertaine. En effet, il n'est pas rare de remarquer qu'une extrémité de Rayman pourra passer au travers de l'objet, la faute à une hitbox semble t-il assez réduite. Une hitbox réduite ne voulant pas nécessairement dire plus de difficulté lors des contacts ennemis puisque ces derniers sont inoffensifs et que les poings et pieds extensibles n'offrent aucune possibilité de perdre contre un ennemi basique. Ce Legends est muni aussi de niveaux plus courts, probablement aussi parcequ'ils sont plus linaires, donc plus rapides à boucler et incitent beaucoup à se jouer en courant devant tant de lignes droites sans plate-formes dangereuses. Certains niveaux étranges se jouent en apesanteur où l'inertie de Rayman est désagréable et mal géré : le héros ne tombe pas forcément dans le vide, il est capable d'être maintenu en l'air sans planer sur un tableau pour ensuite se faire aspirer sur un autre... On peut très bien comprendre que c'est tout l'intérêt d'un niveau se jouant en apesanteur où il faut gérer la longueur de pression du saut mais quand la force d'attraction des niveaux change, la manip devient très désagréable car peu précise et inégal le long des niveaux. Attention, cet effet n'est pas non plus très pénalisant dans le sens où vous allez boucler vos niveaux malgré tout mais c'est le feeling un peu glissant de Rayman qui gênera les joueurs. C'est pourtant le même jeu qu'Origins mais probablement à cause du mélange de niveaux incitant à la course (donc augmentant l'inertie du héros et donc de son aspiration vers sa direction) et d'un tout léger réajustement sur des niveaux en mouvement, la sensation est légèrement moins agréable que sur Origins. Suffisamment pour sentir un manque de précision au toucher. Ironiquement, la platitude des niveaux permet de s'affranchir de ce détail de feeling.

Plein la panse

Déjà lors de notre critique d'Origins, nous mettions en exergue la simplicité d'accès du jeu, et surtout le fait qu'il ressemblait plus à une sorte de remake de Rayman 95 qu'à un jeu original. Le fait de retrouver une seconde fois le même schéma mais avec en plus des niveaux plus simples et faciles, se jouant en courant, demandant moins d'attention et de réflexes, ce Legends devient véritablement ennuyeux. Ce qui aurait pu être une bonne idée devient un comble quand Ubisoft décide d'inclure des niveaux bonus issus de Rayman Origins. Cela permet de comparer les deux épisodes au sein de la même galette et du coup de confirmer les différences de level-design : Origins joue sur beaucoup plus de plate-formes de différents niveaux, est moins permissif, les ennemis sont plus agressifs et vous obligeant à gérer des missiles en pleine plate-forme... Exemple flagrant, dans Legends, vous pouvez tomber dans l'eau sans crainte, l'ennemi ne vous attaquera que s'il vous touche. Dans O, tomber dans l'eau en ratant sa plate-forme vous donne le droit de vous faire avaler tout cru. C'est un petit exemple, de l'ordre de l'anecdote en premier lieu mais qui exprime parfaitement cette simplicité de level-design dans Legends. L'illusion provient de l'apport de checkpoints très régulier, aussi régulier que dans Origins rendant les deux jeux faciles, dans l'absolu. Mais si l'un demandait quand même de sauter régulièrement et d'éviter des pièges bien espacés dans les espaces, Legends joue plus la carte du rush, donc moins de sauts mais plus de bumpers ou des gimmicks liés au moustique tactile automatisé.

Très doué pour aguicher le joueur grâce à un chouette visuel, qu'il soit canadien ou comme ici montpelliérain, Ubisoft continue sur sa lancée avec ce Legends visuellement superbe. Graphiquement le jeu est encore un peu plus fin qu'Origins malgré plus d'effets de lumière un peu trop brillant (le héros ayant eu droit à des faux effets de lumière, rappelant un peu la mode des logos « cristal » que le web arborait il y a quelques années - un effet de vaguelette blanche, translucide), mais toujours ces couleurs vives dans une 2D très propre, sans un pet d'aliasing, animé tout en fluidité. Techniquement, Rayman Legends est toujours aussi impeccable et impressionnera ceux qui n'ont pas joué à Origins. Les autres verront la confirmation de la qualité de cet UbiART, même si en pointillant, on se rend compte que les développeurs ont fait le choix d'inclure de la 3D pour les boss... Certes, cette 3D est bien incrustée mais c'est une une décision difficilement explicable vu que le moteur UbiART a justement été conçu pour offrir la même simplicité d'animation de la 3D, tout en profitant d'une bibliothèque de sprites haute résolution. Ce Legends, en plus d'un level-design plus plat voit aussi son univers graphique manquer de renouvèlement : encore un peu de jungle, encore un peu de bouffe, ces univers sont justement beaucoup trop proches d'Origins et moins recherchés. On ne retrouve plus ces niveaux dingues où des glaçons ne faisaient pas qu'habiller un niveau mais offraient un mini puzzle pour éviter la chute d'obstacles en plein séance de plate-formes. Ici, ce n'est qu'esthétique reprenant les mêmes thématiques. Un choix très étrange puisqu'à la base, le jeu s'aventurait dans des thématiques de contes, de légendes et autres univers féériques et fantastiques. Or, bien peu de choses se démarquent visuellement d'Origins, malgré leur qualité technique certaine. Les musiques suivent aussi ce cheminement : superbes, énergiques, très variées, les musiques de Rayman Legends sont dans la continuité du gros travail sur Origins. Un peu comme s'ils avaient été conscient du travail très apprécié des musiques, Ancel et sa clique ont décidé de concevoir un niveau musical à chaque monde. Très classique hélas, ce sont des nivaux en ligne droite, où plus encore que les niveaux de base, sont très linéaires où chaque saut est calibré pour se juxtaposer avec une note de la musique en fond. Une interaction image/son des plus classiques et déjà vues qui tient plus du délire entre développeurs que réel envie de donner du challenge et plaisir ludique au joueur tant ce simplisme ennuie. Tout dans ce Legends respire la légèreté : jeu plus rapide, plus rushé, des petites expériences musicales, ici et là... Et gavé de modes. Un peu comme si les développeurs étaient obnubilés par le déblocage de niveaux, ils en ont oublié l'essence de la plate-forme à base de réflexes pour se concentrer sur la récolte de « ptizetres » enfermés dans des cages aux quatre coins de la map. Plus vous en débloquez, plus vous débloquez des niveaux parfois facultatifs comme débloquer des nouveaux personnages (n'apportant aucun plus value dans le gameplay). La récolte de lums offre aussi la possibilité de gagner une carte à gratter (feature tactile gadget) déloquant ainsi des monstres vous donnant régulièrement des items bonus (lums, pièces, etc) ou des niveaux d'Origins, comme précisé plus haut. Il y a aussi des défis à jouer en ligne, ainsi qu'un mode de football où l'on a placé un ballon dans lequel il faudra taper grâce aux animations de frappe du héros pour marquer des buts, jouable à quatre. Rigolo à défaut d'être bien complexe, ce mode illustre bien le fait que Legends prône la quantité. Plutôt que de s'embêter à concevoir des niveaux maitrisés, impliquant une gestion de sauts et de skills divers (le poing extensible de Rayman ne sert quasiment à rien), Ubisoft nous sort une orgie de mondes, de niveaux, et de modes variées. Une énorme durée de vie impliquant de faire et refaire ces niveaux ennuyeux pour débloquer d'autres niveaux plus ou moins du même calibre. Même si la qualité du platformer prête à discussion, au moins, la quantité est là. Si vous accrochez à ce gameplay simpliste, alors vous en aurez largement pour votre argent avec cette multitude de niveaux. Ubisoft assure e ce côté là.

Si Rayman Origins apportait un réel vent de fraicheur avec une conception de la plate-forme plus baladeuse que nerveuse, Legends s'enfonce un peu trop dans cette facilité et n'est au final qu'une copie plus facile et moins créative de Rayman Origins. Lors de plusieurs interviews, Michel Ancel avouait que le développement de Legends n'était pas prévu à la base, peut être est-ce l'explication devant cet épisode plus fade, bien que masqué par un très beau travail technique visuel et sonore, avec un level-design plus linéaire. Legends n'a pas l'équilibre et la difficulté progressive de Rayman Origins, qui a été troqué pour plus de niveaux, plus de modes mais moins maitrisés et moins créatifs. Un bon jeu dans l'absolu mais nettement moins inventif et plus simple encore que son prédécesseur.

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