Article publié sur Birganj la semaine dernière ; ce WE il n'y a eu qu'une simple revue d'actu.

Que se passe t-il quand le stylé PlatinumGames rencontre une licence prestigieuse comme Metal Gear ? Interrogation alléchante mais inexacte si l'on rappelle le déroulement de Metal Gear Rising : Revengeance. En développement depuis des années et annoncé déjà à l'E3 2009 (!), Metal Gear Rising est un spin-off axé sur Raiden dans sa combinaison de cyber-ninja. L'idée de base était de pouvoir tout découper grâce au joystick droit, dont les célèbres pastèques de MGS2. Développé par une équipe dédiée de Kojima Productions (mais pas conçu par le créateur en personne), cette dernière a connu les pires difficultés à pondre le jeu au point où en décembre 2011, Konami annonce avoir confié le projet à PlatinumGames. Un an et deux mois plus tard, voici enfin le beat'm all dans les bacs. Les développements chaotiques n'inaugurant, en général, rien de bon, nous allons voir comment PG a sauvé les meubles.

Metal Gear en vacances

Si pendant de longs mois PlatinumGames et Kojima Productions n'arrivaient pas à se décider où placer le spin-off dans la chronologie, MGR se déroule finalement quatre ans après MGS4. Apparemment, Raiden ne kiffe pas des masses la vie de famille avec Rose et son fils John puisqu'il décide de travailler pour une SMP (Sécurité militaire privée) pour garantir la paix dans les pays en guerre, dont la nation africaine fictive, Abkhazie. Pas de chance, le Président du pays se fait capturé et assassiné par deux cyber-soldats maniant tout aussi bien, sinon mieux, la lame que Raiden. Ce dernier se fait laminé dans ce prologue servant de mise en jambes puis repart enquêter en profitant d'un tout nouveau corps cybernétique, pour découvrir quelle est cette SMP appelé « Desperados ». Ce que l'on apprécie d'emblée chez MGR, c'est que le jeu s'affirme clairement comme un spin-off et n'essaie pas de nous faire passé des vessies pour des lanternes. D'humeur plus légère avec moult blagues, dialogues pince-sans-rire et chorégraphies irréalistes au possible où l'on marche sur des bâtiments de 200 mètres de haut, découpe des Metal Gear en deux comme du beurre, le sang gicle, les membres sont découpés : on est dans la facette la plus second degré qui soit d'un MGS. Ça fait du bien car le trop plein de sérieux était notre principale crainte. Ici, le scénario est nettement moins alambiqué, moins prise de tête, moins ambitieux aussi mais plus nerveux et surtout mise tout sur l'effet de style : des cyber ninjas se mettant sur la gueule saupoudré de cinématiques, on peut le dire, franchement nerveuses et très très bien réalisées. C'est clean, c'est joli, on a de beaux effets de caméras aériens, une certain propension à abuser du ralenti certes mais le son electro-metal en fond sonore participe à la volonté des développeurs de proposer juste du fun en barre. Caméras variées, chorégraphies renouvelées, punchlines en abondance, on ne passe pas une minute à prendre tout ça au sérieux. Ouf de soulagement et plaisir coupable à céder aux scènes à la Matrix où Raiden de sa voix enrouée découpe tout en rondelles et prend un malin plaisir masochiste à se prendre des coups, tel un Frank Jaeger cherchant à se sentir vivant.

Des clins d'œils à la série, en veux-tu en voilà. Ça pullule de tout partout, ça passe par des dialogues et des références, la présence de quelques personnages surprises, mais aussi et plus intéressant tout une réappropriation des codes visuels de la série. Le menu par exemple, la cohérence du design des cyber-ennemis, bien qu'un peu plus too much que la série principale avec un passif nettement moins intéressant et empathique. Mais on notera la présence du motif hexagonal pour les décors futuristes, les décors d'un gris satiné comme couloir de bureaux, le GameOver aussi pénible, la présence impromptue de nombreuses conversations codecs, quelques posters de pin-up parsemant les décors, bref c'est clairement inscrit dans la mythologie contemporaine de Metal Gear, à ceci près que tout cela est bien plus décontracté. Les fans puristes seront peut être déçus de ne pas avoir un scénario aussi bien ficelé qu'à l'accoutumé mais on savait qu'il s'agissait d'un spin-off orienté action... Cependant, si l'histoire couvre des thèmes intéressants, elle ne va jamais jusqu'au bout notamment à cause d'un finish vite expédié et surtout un boss final ringard au speech contradictoire tentant tant bien que mal de se relier aux Patriotes. Cependant, ce n'est pas en répétant ce mot 10 fois en deux cut-scenes qu'il prendra de l'importance pour autant. Un final un peu rushé donc et pas très bien choisi qui plus est.

Super Fun Time

Un final ponctué d'un traditionnel générique de fin dont les crédits attestent d'environ 5-6 studios différents à sa conception ! Si l'on ne sait pas trop qui a fait quoi dans le jeu, on sait que c'est PlatinumGames qui s'est occupé du gameplay. Une équipe dédiée composée de membres d'Anarchy Reigns/Mad World mais dirigé par Kenji Saito, anciennement lead enginer software sur Bayonetta promu à la réalisation, le tout produit par Atsushi Inaba. Une façon grossière et schématique de vous expliquer que le gameplay de MGR se situe juste entre le bourrin et frontal Anarchy Reigns/Mad World mais muni d'un sens du timing et skill proche de Bayonetta.

Fans de MGS, vous le savez, le cyber-ninja a un style de combat acrobatique, spectaculaire, surpuissant, ultra-rapide, dévie les balles, grimpe aux murs et bref respire la classe et la surpuissance. On a tous en mémoire le combat de Snake contre Gray Fox dans Metal Gear Solid. Puis Raiden arrive dans MGS4 pour en mettre plein la vue en éliminant des Gekkos en un claquement de doigts pour ensuite enchainer une danse macabre avec Vamp. Le ninja-cyborg, c'est l'excès. Du « over the top » à chaque minute passée. Retranscrire ces qualités à travers un gameplay est un challenge adéquat pour un des rares studios se diversifiant dans le genre du beat'm all. Première chose : c'est très fluide. Pas de chute de framerate à noter et une instantanéité qui fait plaisir à voir sur console. Ça bouge très vite, on lorgne très probablement vers le 60fps (rappel : DmC sorti le mois dernier est bloqué à 30 sur consoles). Raiden hérite aussi de la capacité à enchainer les coups sans se fatiguer. C'est à dire que vous pouvez marteler le bouton carré (coup léger) à l'infini, il ne s'arrêtera pas comme le voudrait un script obligeant le joueur à utiliser les combos pré-établis. Marteler carré et vous verrez un Raiden multiplier les coups de sabre de droite à gauche, de gauche à droite, de bas en haut, de haut en bas, en diagonale, accroupi, etc, la diversité des animations du personnage est impressionnante composant alors une chorégraphie digne des cut-scenes passés. MGR est tout en mouvements, vous ne vous arrêterez pas à enchainer les coups tranchant ces corps juteux de chair et de sang mis en valeur par un travail sonore des plus exaltants. Les coups élimés à base de carré sont aussi contredits par les coups puissants (triangle), plus lourd tel des uppercuts où le son plus grave va percuter vos ennemis, tel enchainer des coups de sabre au pied et entrainer des éclats d'os dans ces pauvres soldats... Le rendu des coups est totalement fidèle à la mythologie de la série mais surtout, le joueur le sent bien passé entre ses mains grâce à un gros travail d'animation et de son. Vous incarnez ce cyborg à merveille et émoustillera le fan qui est en vous... Ainsi que les autres tant cette sensation de « slash » est unique dans le beat'm all.

Le jeu est surtout muni d'un système permettant de tout découper librement. D'un coup de gâchette L1, la caméra passe derrière le dos de Raiden, le temps ralentit et de votre joystick droit, vous contrôlez le sens des découpes... Autant de fois que votre barre d'énergie le permet. In-game, pour que cela soit efficace, ce sera matérialisé de deux façons. Le membre à découper ennemi deviendra bleu permettant de diminuer leur palette de coups (pour les ennemis puissants) : ainsi vous lui trancher le bras ou les jambes ou peut être la carrosserie sur les gekkos ou chars. Mais plus crucial, parfois, une signalétique rouge s'activera sur le corps ennemi. Cela veut dire que vous pouvez récupérer sa pile de combustible dans sa colonne vertébrale. Un coup de « Zandatsu » (nom donné au mode « découpe ») bien placé permettra à Raiden de remonter toute son énergie à 100%. Un élément de gameplay très important puisque cela permet de savoir gérer ces multiples séquences de combats se bouclant par un tableau de notation comme le veut la tradition du scoring propre à PG. Ainsi, lors de combats plus difficiles, il deviendra primordial de récupérer son énergie en utilisant ce coup pas toujours évident à placer selon le pressing adverse. Vous avez des items de soin si besoin est, qui s'active automatiquement si vous l'avez présélectionné (comme la série MGS) mais ils sont limités à 5. Et c'est contre les boss que vous en aurez besoin. Des boss très très réussis, il faut bien l'avouer. Réussi dans leur gameplay puisqu'ils vous obligeront à rester concentré et surtout mettront vos réflexes à dur épreuve. Plus subtil que ces attaques frénétiques pourraient laisser paraître, MGR jouit d'un système de parade offensives. Il s'agit ni plus ni moins d'une reprise du système de parry de Street Fighter III. Pour bloquer, il faut orienter votre stick vers l'adversaire et appuyer sur le bouton d'attaque en même temps. Raiden prendra la pose défensive pendant une bonne seconde. Les premières minutes, voir heures, sont déroutantes. En effet, ce système très offensif permet de mettre en exergue l'action et oblige le joueur à attaquer sans cesse tout en soulignant les capacités extraordinaires du cyber-Raiden. Sauf qu'il est impossible d'annuler un combo. En effet, lorsque vous attaquez, Raiden va très vite et enchaine beaucoup. S'il est lancé, la manip pour bloquer ne se déclenchera pas, privilégiant la fin du combo laissant votre personnage vulnérable. C'est très perturbant. La meilleure solution, pour le menu fretin, est de jouer en esquivant à l'ancienne, c'est à dire de sauter énormément et de privilégier le combo aérien. Car il n'y a pas non plus de bouton d'esquive. Pour esquiver, il faut courir ou sauter... Autre problème : la caméra. LE point faible du jeu. La caméra a tendance à partir complètement en vrille. Surtout dans les espaces exigües comme beaucoup d'autres jeux mais aussi pour suivre certains combos... Si la caméra 360° bouge souvent selon l'action, comment bien se repérer pour parer puisqu'il faut orienter précisément le stick ? Il vous arrivera que votre manip défensive ne se déclenche pas à cause de cette caméra trop mobile. La caméra est incapable de rester fixe le temps de deux secondes, même dans les moments de calme, sans ennemis. De quoi s'arracher les cheveux. Revenons aux boss. Comme très souvent avec ces soucis de caméra dans les beat'm all, les problèmes s'effacent contre les boss. Car les boss se battent souvent seuls (bien qu'ici vous aurez souvent des gêneurs de temps en temps) dans des arènes assez grandes. En verrouillant la cible d'un coup de gâchette, vous pouvez aisément tourner autour de lui et repérer quand il attaquera, signalé par une lumière rouge. Plus vous avancez dans le jeu, plus les ennemis jouent sur votre sens du timing. Par exemple il est possible que la lumière rouge, signifiant l'attaque imminente, se déclenche plus tôt pour vous inciter à défendre dans le vent. Très intéressant et ces boss exploitent justement ce gameplay en totalité. Vous vous verrez enchainer les parry à la chaine, vous donnant l'illusion d'être un cador, même si en réalité le parry est quand même assez permissif. Il y a deux subtilités d'ailleurs : parer l'attaque qui avec de l'entrainement reste très accessible. Et le parry qui brise la garde ennemi pour contre-attaquer. Celui-ci est plus serré mais plus gratifiant puisque dans la plupart des cas, il permet d'anéantir l'ennemi en un coup à l'aide d'un Zandatsu. Dans le cadre des boss, cela permet de leur éliminer un gros pourcentage de vie, plus rudes qu'un ennemi lambda.

Le gameplay laisse un goût donc assez perplexe car s'il prône l'offensive à tout va et exploite parfaitement ses règles du jeu via des ennemis jouant sur le timing. Il est néanmoins faillible dû à une caméra vraiment capricieuse et au fait que la diversité des combos, bien que présente, est surtout là pour le style, pas pour l'efficacité. Lorsque vous terminez un acte du jeu, vous pouvez aussi améliorer le corps de Raiden grâce à des Points de Compétence récoltés en explorant le jeu ou en ayant eu de bonnes notes. Ça va du classique points de vie, énergie, jusqu'à booster votre lame et même acheter des armes secondaires à l'intérêt limité et franchement esthétique. Plus important, il permet de débloquer des combos. Si la majorité n'est pas indispensable, à cause d'un jeu très frontal, très offensif, il est important que vous récupérez la combinaison du launcher (avant avant + carré). Tel un DmC, Raiden fait envoler l'ennemi et peut rester suspendu le temps d'un gros combo manuel et terminer sur une attaque piquée : une arme redoutable et libératrice en cas de problèmes de caméra ou d'encerclement ennemi. C'est assez incompréhensible que cette attaque ne soit pas présente dès le départ. Comme souvent avec PlatinumGames, on sent que ça pouvait aller encore plus loin... On sent et voit que les bases sont très bonnes mais manquent un peu de finition de part et autres.

Raiden est une cagole

Jeu après jeu, PlatinumGames se forge une certaine image, une certaine étiquette que l'on qualifierait de formelle, stylisée, voir presque superficielle. On est attiré par la mise en forme de leurs jeux, leur sens du style, de la démesure, de la mise en scène, le sexisme ambiant de leurs jeux de fight : tout dans les formes, rien dans la tronche, serait-on presque tenté de dire. Oui, le scénario de MGR n'est pas du tout poussé, des fausses notes surviennent à la fin du jeu avec un duel reprenant vaguement les codes de Sergio Leone super classe mais manquant d'intensité, avec des dialogues un peu rushés... Le jeu a de la gueule, il est même très beau en fait, sauf le premier niveau qui curieusement paraît un peu cheap mais se rattrape rapidement avec des décors en ruines, des bureaux futuristes, que l'on traverse en fonçant dans le tas tel un ninja de japanim' en appuyant sur R1, au feeling d'un Assassin's Creed assisté. Les QTE sont présentes pour en mettre plein la vue où l'on saute de missile en missile pour découper en morceaux l'ennemi... La caméra s'agite, quitte à pénaliser la justesse du gameplay, mais on en prend plein les mirettes. Le goût prononcé pour le rock metal en fond sonore aidant parfaitement à se glisser dans la peau du vaillant héros cybernétique comme un sentai des temps modernes. Tout ça excite, tout ça transpire la classe mais... On sait et on sent qu'il n'y a pas grand chose derrière. Malheureusement, comme on l'a dit, le manque de finition chronique du studio (pas aidé par le développement calamiteux du jeu) nous interpelle : tiens une caméra qui voltige ? Tiens on comprend plus rien au scénario ? Tiens c'est quoi ce boss final ridicule rappelant Hamerhead de Spider-Man ? Ajoutons des choix in-game pas assez affutés et maitrisés comme des séquences d'infiltration, certes rigolotes en se planquant dans un carton à la Snake, mais d'une sensibilité trop prononcée faisant déclencher l'alarme on ne sait comment. Heureusement, le jeu est muni de nombreux checkpoints pour essayer de refaire précisément la séquence présente. Un checkpoint est même présent avant les scènes QTE, PG s'étant souvenu de l'erreur commise sur Bayonetta. Mais voilà, rater une parade pour une caméra, se faire grillé en infiltration pour la vision extralucide ennemie, ou se sentir escroqué quand votre boss final est craqué avec des coups totalement aléatoires (les scripts de séquence QTE ou de découpe ne se lancent pas du tout de la même façon selon votre partie et est muni de coups imparables)... Des petites choses ici et là qui font titiller, voir même carrément rager (sérieusement, cette caméra est le point noir décisif). Tout ça pour finir avec une histoire à dormir debout et un début de philosophie incertain : les marques d'un MGS mais pas maitrisés. Un peu comme si ce spin-off avait le défaut de sa propre nature de produit dérivé : un manque d'attention. Un petit problème de comparaison avec la série phare aussi... Le jeu est aussi très court : un 6-7H est requis (en recommençant certaines missions ou checkpoints et en comptant les cut-scenes). Il est muni de missions VR pour remplir les challenges et le système de scoring propre à la culture beat'm all incitera les joueurs à revenir dessus. Mais l'ensemble manque de corps, d'épaisseur, alors qu'il avait les armes pour proposer plus qu'un simple beat'm all. La licence Metal Gear était censé apporter ça.

Metal Gear Rising est le genre de jeu qui va alterner le chaud et le froid au sein d'une même partie : « oh ouais ce combat de boss était génial », trop fier d'avoir enchainer les parades et les contre-attaques ; « raaaah caméra de merde ! », trop frustré de rater des perfects à cause de cette caméra folle ou d'une absence de cancel. Trop frustré par le finish aussi où l'on perd trop de temps contre ce boss final qui palabre trop pour dire rien de bien intéressant. Ça se résume ainsi : « voilà mon plan, blablabla » > QTE > « ah ouais en fait nan je vais te dire la vérité, blabla » > QTE > « bon cette fois je te laisse une dernière chance » > bataille finale dans une arène minuscule. En l'état on avons un bon jeu muni d'un système qui réussit son pari : faire ressentir l'action frénétique du cyber-ninja, de sa puissance hégémonique et de sa classe immuable. Un point plus que positif qui était peu évident à mettre en place. De plus, avec un développement aussi bousculé, c'est un véritable petit exploit d'en sortir un jeu aussi solide et surprenant visuellement... Alors pourquoi faire la fine bouche ? Parce que comme à chaque PlatinumGames, cette solidité de gameplay n'est pas assez soutenu par son background, sa finition et son ampleur... Et c'était justement à Kojima Productions de l'assurer avec la licence Metal Gear. Pour le coup, l'équipe n'a pas joué le jeu à fond et même si elle fait l'illusion dans des cinématiques classieuses, elle aurait dû proposer bien plus lourd et plus épais en matière de script, et par extension, de décors, d'ennemis et de situations de jeu exploitant le système de PG. MGR aurait dû être plus qu'un autre beat'm all scoring.

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