La Megadrive a été ma première console. A une époque où tous mes copains s'éclataient sur leur NES et où mes parents refusaient mordicus de m'acheter la console de Nintendo, je jouais comme je pouvais. C'est à dire sur un Amstrad 6128 (qui m'a permis, entre autres, de définitivement perdre la raison sur Rick Dangerous) et un peu plus tard sur une Gameboy achetée en secret lors d'un voyage scolaire en Angleterre (et qui a englouti d'un coup la totalité du budget parental, ce qu'ils ignorent encore à ce jour). Bref.

Un jour béni, mes parents me firent l'immense bonheur de m'offrir une Megadrive. Fini dès lors le sentiment d'infériorité vis à vis des copains. Je me mis immédiatement à les toiser d'un regard dédaigneux, oubliant jusqu'à leur nom, les filles mûres se jetant à mes pieds (imaginez : certaines étaient en 5ème!!). J'exgagère à peine. Et tout cela cessa quand tous ces cons achetèrent la Super Nintendo. Retour à la case départ. Et début de la guerre des consoles.


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Toujours est-il que j'ai aimé ma Magadrive. Elle m'a accompagnée pendant toute mon enfance et une partie de l'adolescence, et je ne l'ai délaissée que quand les mobylettes et les filles ont tout à coup présenté plus d'intérêt (allez savoir pourquoi). Contrairement à ce que je croyais dans un premier temps, il s'avéra que les mobylettes furent beaucoup plus accessibles que les filles.

Quoi qu'il en soit, c'est à cette époque que j'ai commis l'irréparable : j'ai revendu ma belle Dame Noire, avec 32 jeux, au videoclub du coin. Je n'ai aucun souvenir du prix qui m'en a été offert. J'imagine que la somme coquette que cela représentait pour mes mains d'ado jaunies par les premières cigarettes est vite partie en fumée. Au sens propre. Ou en cafés. Je porte en moi ce triste épisode comme une cicatrice qui ne se refermera jamais tout à fait.

Mais il y a peu, j'ai trouvé de quoi faire quelques points de suture : une sombre société Greezebee sort une Megadrive à 29 €, deux manettes sans fil et 20 jeux inclus. L'info est relayée sur le net, dont sur un certain Gameblog ou un truc comme ça. J'y vois là une lueur d'espoir dans les sombres souvenirs de l'ado qui écoutait Nirvana sur sa MTX en crapotant de la Marlboro. J'y vois là une chance de revivre l'époque insouciante où Eco s'écrivait avec deux "c" et ne renvoyait pas à des cours inbuvables. J'y vois là la preuve que Dieu existe et qu'il en a peut être un peu quelque chose à foutre de nos gueules. Finalement.

Je commande.

La console fut livrée dans les temps et j'en suis désormais le plus ou moins heureux possesseur :



La bête est vite branchée et vite allumée. La liste des 20 jeux intégrés laisse à désirer : seuls Alien Storm, Ecco et Shadow Dancer éveillent en moi les frissons de la nostalgie. Vite dissipés quand je me mange ce qu'on appelle communément "le mur de la réalité" : Dieu que tout cela a vieilli!

Les illusions perdues?

Heureusement, j'avais prévu le coup et commandé sur l'interoueb moderne deux joyaux des heures passées à incruster le trace de mon fessier sur le canapé familial : Castle of Illusion et Taz Mania.

Le second a malheureusement subi lui aussi les outrages du temps. Pas d'un point de vue graphique, car il reste assez beau, avec ses énormes sprites. Mais il est d'une rigidité que j'avais oublié. C'est lourd, dur et tout autant d'adjectifs susceptibles de qualifier les attributs virils de SebsokK. Je prends conscience du niveau de jeu que nous avions à l'époque, puisque j'avais fini plusieurs fois le jeu. Là, je ne passerai pas le premier niveau.

Le goût amer de la déception commence toutefois à me serrer un peu la gorge. Aurais-je commis l'irréparable : violer les souvenirs d'enfance en la confrontant à la réalité de mes yeux d'adulte? Ai-je perdu à jamais cet Eden lové au chaud dans un recoin de mon cerveau, constitué de jeux tous magnifiques et fluides? Certaines choses doivent peut être tout simplement rester à leur place.

                                         

J'insère alors la cartouche de Castle of Illusion. Et là, une sorte d'halo de lumière apparaît devant mes yeux quand l'écran titre apparait. J'ai à nouveau 12 ans. Je suis en pyjama, assis sur un oreiller devant la télé, le plus loin possible mais tenu par la longueur du fil de la manette. J'ai tusté en Histé Géo cet aprèm, mais c'est bon, je ne suis pas fait choper. Les grands de seconde ont mis des coups de pieds dans mon cartable dans le couloir d'anglais, malgré mes protestations : "Arrêtez, j'ai la calcu!". Demain, Axel vient dormir à la maison et il amène sa Nintendo, Pfff, il a même pas de Megadrive! Tous les souvenirs affluent en moi comme une vague gigantesque. Les sons, les musiques, l'architecture des niveaux, même les passages cachés. J'ai mon devoir de maths à finir, mais il FAUT que je passe le niveau 3, tant pis! Je reconnais le bruit que fait la tête de Mickey quand il se cogne au plafond. Le son des ennemis qui disparaissent quand on leur saute dessus. La difficulté est terrible (j'avais oublié qu'il n'y avait pas de sauvegarde, ça change la façon de jouer!) mais le jeu est précis (bien qu'un peu rigide). La magie ne disparaîtra que lorsque j'éteinds la console. Je me retrouve assis devant ma télé, un peu ébété,  comme parfois après un film quand la salle se rallume et qu'il faut revenir à la réalité.

Mais je suis rassuré. Finalement, ce monde magique existe toujours. Il n'a pas tout à fait disparu. Il est là, quelque part. A portée de main. C'est décidé, je vais me trouver une vraie Megadrive.

En attendant, je vous laisse, j'ai mon devoir de maths à finir.