Hello tous,

Voici à peine un peu plus d'une semaine, Microsoft se faisait sévèrement mettre à terre par Sony lors d'une nuit d'E3 que les aficionados ne sont pas prêts d'oublier. Contre la connexion obligatoire et les restrictions au marché de l'occasion que voulait imposer la Xbox One, Sony ripostait d'un laconique statu quo avec la situation actuelle, se fendant même au passage d'une petite vidéo humoristique appuyant pile là où ça fait mal et mettant la firme américaine concurrente en grande difficulté.

Dans un papier que j'avais publié 24h après ces événements dans le cadre de mes activités pro, j'osais avancer que la situation ne pourrait rester en l'état bien longtemps, Microsoft se dirigeant tout droit vers une catastrophe industrielle, dans un marché pas encore prêt pour franchir le cap du tout dématérialisé. Si j'étais convaincu du bien-fondé de ma réflexion, je ne m'imaginais cependant pas que la volte-face viendrait si vite. Depuis quelques jours, le rapport de force s'est en effet modifié, peu à peu, pour revenir cette nuit à un équilibre disparu depuis la présentation de la Xbox One en mai dernier. L'on voyait Microsoft multiplier les manoeuvres dilatoires, revenant peu à peu sur ses propos pour finalement en arriver, peu ou prou, aux mêmes conclusions que son rival. Désormais, la chose est actée, très officiellement.

Face à la fronde des joueurs, la société américaine a finalement rendu les armes. La connexion quotidienne obligatoire est abandonnée - hormis une connexion initiale pour activer la Xbox One -, et le fonctionnement de l'occasion sera, dixit le communiqué de presse, "exactement le même que sur Xbox 360". Exit, donc, les histoires de DRM limitant les cessions de jeux entre consommateurs. L'annonce de Microsoft comportant en prime le bonus du dézonage total de la machine (pour les jeux, ce ne sera sans doute pas le cas pour les films, la problématique étant différente), la Xbox One redevient une machine de rêve. Et il est heureux pour Microsoft d'effectuer ce mea culpa si rapidement, puisque cela laisse plus de cinq mois pour enterrer cette affaire. Pour que que la firme revienne encore sur ses intentions d'utiliser Kinect II à des fins de contrôle et de merchandising, la "One" pourrait même redevenir un choix prioritaire pour pas mal de monde. La rancune ne dure qu'un temps.

C'est, en fait, ce qui pouvait arriver de plus sain pour le marché. Car la bataille risque non seulement d'être rude entre Sony et Microsoft - les deux machines devraient faire jeu égal, l'un dans l'autre - mais il faudra aussi prendre en compte la montée en puissance annoncée des nouveaux supports de jeu, qui constitueront probablement la grosse concurrence de demain. J'en parlais voici peu, également, dans un autre dossier : les tablettes - et dans une moindre mesure les smartphones - pourraient être appelés à jouer à moyenne échéance un jouer un rôle croissant dans le gaming pur et dur, loin des expériences casual qui forment l'essentiel de la proposition ludique actuelle sur ces supports et en sus de leur vocation de complémentarité avec les hardwares dédiés qu'Ubisoft, notamment, va tenter de développer. L'arrivée d'un XCOM Ennemy Unknown sur IOS n'est qu'un début. Un Deus Ex est également en approche, et nombre d'observateurs du marché ne sont pas sans penser que pas mal de productions triple A pourraient rapidement considérer les supports portables comme étant "bankables", d'autant que les évolutions technologiques adéquates sont en gestation : non seulement en termes de puissance machine, mais aussi d'ergonomie - des pads performants sont en fin de développement - et d'affichage. L'AirPlay d'Apple, à mon sens, n'est qu'un début, et il n'est pas si loin, le temps où l'on emmènera ses jeux dans sa poche, avec son smartphone, pour les partager avec les copains absolument partout en soirée, sur la première TV qui se présentera.

Dans un tel contexte, il est important que les consoles dites "traditionnelles" jouent avec les armes qui leur sont propres. La dématérialisation est encore, jusqu'à nouvel ordre, synonyme de temps de téléchargement importants, à l'inverse des blu-ray dont la principale vertu est l'immédiateté de l'expérience. Les consoles ont également pour elles, désormais, la perspective de n'être aucunement limitées par leurs capacités de stockage, autre restriction que connaissent les concurrents mobiles. La simplicité de l'expérience ludique - j'insère le disque, je joue sur ma télé dans des conditions optimales - se double de plus d'un autre avantage dont on a pu mesurer toute l'importance ces derniers jours : les joueurs de ce début de XXIe siècle sont encore très attachés à l'existence même d'un support physique, promesse de revente et donc de réinvestissement des deniers récupérés dans de nouveaux jeux. C'est de cet avantage décisif sur les hardwares mobiles, aux contenus totalement dématérialisés et non transmissibles (pour l'heure), que Microsoft voulait se priver. Quant aux retrogamers, je ne vous parle même pas de leur soulagement à l'idée de pouvoir compter sur la Xbox One pour titiller leur fibre patrimoniale dans une dizaine d'années.

J'ai pu lire, dans beaucoup de commentaires, une vindicte forte vis-à-vis de Microsoft même après cette annonce. Il faut, à mon sens, savoir raison garder et concéder à la société d'avoir su entendre le message qui lui était envoyé. Car désormais, c'est enfin sur la qualité des jeux et les promesses d'innovations technologiques que la bataille va pouvoir se poursuivre entre Sony et Microsoft. En espérant qu'ils n'oublient pas l'essentiel : apporter du plaisir aux joueurs. C'est ce que Nintendo avait quelque peu oublié durant les premiers mois d'existence de la Wii U, et ce dont la firme au plombier semble enfin se rappeler, pour le plus grand bonheur des joueurs qui ne demandent qu'à laisser sa chance à ce hardware.

Une vision du futur qui me fait vibrer ? Celle dans laquelle les trois constructeurs trouvent leur place, et où ils se battent sur le terrain de la qualité pour s'arroger nos faveurs. Rien ne serait plus triste que l'hégémonie d'un seul acteur sur ce marché, déjà bien fragilisé par le règne annoncé sans partage des triple A face aux petites créations pleines de charme et aux idées folles de nos chers indés... Mais sur ce point, c'est à nous de montrer que nous sommes assez sages pour marcher sur le chemin de la diversité.