J’ai honte. Mais j’ai fait mes choix, j’assume. Pour que vous comprenez, 2015 fut une année compliquée. Avec une quinzaine de mini-séries visionnées (i.e. un format condensé de 6 à 12 épisodes), j’ai dû faire quelques coupes budgétaires. Ainsi j’ai – à l’époque – délibérément choisi de faire l’impasse sur 2 séries canal+ (mon canal de diffusion favori) : Gomorra et Spotless. L’une italienne, l’autre franco-britannique. Et alors, qu’est-ce que j’ai été con puisque l’on tient là 2 nouvelles pépites et je pèse mes mots. Mais il est question de Gomorra pour l’instant. Une série qui m’a retourné le cerveau après m’avoir laissé dubitative à la lecture du concept : suivre la destinée de Mafioso de la Camorra. Et ce, alors que j’avais pris un malin plaisir à accompagner leurs homologues corses, oui je parle de toi Mafiosa. On n’est pas à une contradiction près chez les Neves.

Pour reprendre les bonnes vieilles habitudes, j’ai naturellement opté pour la VOST afin de profiter de ce formidable voice-casting pour jouir plus amplement de toutes les subtilités qu’embarquent les grossièretés lancées à tour de bras dans la langue de Pinocchio. A la base, Gomorra est un roman sorti en 2006 de l’auteur Roberto Saviano. Se rapprochant dans les faits bien plus d’un récit documentaire extrêmement détaillé, celui-ci a rencontré un énorme succès à l’époque. Le revers de la médaille étant que notre bon Roberto est depuis lors sous protection policière puisque les révélations et accusations qui y sont faites n’ont clairement pas été appréciées par les Gepetto de la Camorra. Outre que tout ceci donne furieusement envie de mettre la main sur le bouquin (et vivre la Série vous prémunira d’autant moins), il est important de signaler que Saviano est aussi le scénariste de la série. Paramètre parmi ses paires au combien importants à l’heure d’en juger la teneur.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Gomorra, c’est pourtant déconcertant au début. Ça se passe logiquement à Naples, la cité calabraise. Une ville réputée pour son hospitalité, son accueil chaleureux, sa station balnéaire, son … Quoi, c’est pas du tout ça !? Vous avez raison, Naples, c’est sale, crade, dégueulasse, crade, gris et ce ne sont pas les barres d’immeubles des premiers épisodes qui viendront contredire les lieux-communs que la ville s’est vu affublée depuis quelques centaines d’années. Effectivement, on suit Ciro - le lieutenant du chef mafieux local Don Pietro - afféré à la basse besogne. Cette dernière se mesurant essentiellement aux taux de fumée dans l’air et au nombre de douilles amassables parterre. La perspective d’assister à 2-3 règlements de compte par ci par là ne réjouit pas outre mesure, bien au contraire. On se demande sur quoi on a cliqué. Puis on croit deviner l’esquisse d’un élan prometteur quand le même Don Pietro, patriarche de la famille respecté se fait coincé et incarcéré très tôt dans cette jolie petite fresque qui démarrait plutôt timidement.

Gomorra est une série très intelligemment construite. Aussi bien en tant que tout uniforme (comprendre d’épisode en épisode) qu’en chacune de ses partitions. Si bien construite qu’il est tout bonnement impossible de détacher un personnage principal, un héros (ou anti-héros) qui éclipse un tant soit peu les autres, même d’un chouia. Tel le déséquilibre de la Justice, la balance du pouvoir penche au gré des forces, pour qui sait saisir l’opportunité (le comment surtout). Qu’il s’agisse de Donna Imma, la femme du Don en théorie écarté des affaires, le lieutenant - loyal à la famille de longue date – Ciro qui ne tient pas à rétrograder dans la hiérarchie ou du fantasque Genny – le fils tout sauf prodigue – désintéressé des affaires du Padre (dont l’évolution du personnage est impressionnante au cours de la saison), chacun de ces 3 éléments aura prise et emprise à tour de rôle sur la fonction suprême au sein du clan faisant main-basse sur le clan napolitain.

Simplement, gouverner - agiter les ficelles de la Marionette pour reprendre la métaphore - ce n’est jamais aussi simple qu’on ne le pense. Entre la sagesse/expérience des plus vieux et l’impétuosité des plus jeunes, coups de feu dans le dos, grande réunion poker face et autres manipulations de bas étages, tous les coups sont permis et l’équilibre que permet de conserver un chef clairement défini n’est jamais garanti. Plusieurs fois, on se demande même si cette lutte des pouvoirs n’amène pas l’organisation vers sa propre perte. C’est d’ailleurs clairement dans ces moments que Gomorra révèle son génie. Cette capacité à tordre le cou aux idées préconçues. A se permettre tout et tout le temps. Rien ne s’anticipe, tout se vit. Tout ce qui semble simple et limpide à comprendre n’apparait de la sorte que pour mieux nous surprendre par la suite ; au gré des plans, combines et évolution de personnalité en fonction de l’adversité rencontré par chacun.


Gomorra se permet tout mais pas seulement. Une réflexion de fond est clairement apposée sur les conséquences morales, psychiques et physiques de ces activités criminelles, et ce, aussi bien sur le compte de leurs propres pourfendeurs comme de leurs victimes que celles-ci soient intéressés ou désintéressés. Qu’elles aient mis le doigt dans l’engrenage de leur propre chef ou qu’on les ait forcées. Gomorra n’est pas brillante. Elle est géniale. Gomorra n’est pas fantastique, elle est fantasmagorique. A classer sans peine aux côtés de True Detective S1, American Crime S12, TheBridge S123, Les Revenants S1, Deutschland83, Le Bureau des Légendes S12 : les séries 5 étoiles.


2014-2016 Time Neves, Mamma Mia Reserved.