Cela va faire bientôt un trimestre que je tiens ce blog. Un trimestre à parler de mon nombril, de tout ce qui gravite autour et influe sur sa trajectoire. Avant même d'écrire le premier billet, j'avais pour projet de m'intéresser périodiquement à quelqu'un d'autre que moi-même, pour élargir un peu la vision étriquée que cette tribune peut parfois avoir. Mais le rythme soutenu de l'année m'a un peu pris de court et m'a fait repousser la mise en exécution de cette idée. Finalement, avec grand mal, j'y suis parvenu. Voilà ma première entrevue avec quelqu'un que je côtoie tous les jours, en l'occurrence, une de mes camarades de stage. Je la laisse se présenter d'elle-même.

 

Pour commencer, est-ce que tu pourrais te présenter en quelques mots ?

Je m'appelle Morgane, j'ai 20 ans, je suis en 4eme année de médecine. J'ai fait partie de l'EMC, je suis allée à l'étranger dans le cadre de la faculté pour un projet de solidarité internationale et les échanges internationaux... Et voilà. Là, je ne fais plus rien.

Alors, ce stage de chirurgie ortho, qu'est-ce que tu en as pensé ?

J'ai beaucoup aimé ! J'ai trouvé que c'était une bonne manière d'aborder la chirurgie parce qu'on passe beaucoup de temps au bloc, l'ambiance est particulière mais très bonne... C'est une manière de commencer la chirurgie dans la bonne humeur. En plus, il y a du matériel : des clous, des marteaux... C'était sympa.

Attirée par la chirurgie, ou pas ?

C'était mon idée de départ ; maintenant, je me repose de plus en plus la question. Par rapport à la vie que je veux mener, je me demande si c'est ce qui me conviendrait : le fait de devoir être tout le temps à l'hôpital, beaucoup travailler, et ne pas avoir forcément le temps de gérer sa vie à côté... Ce n'est pas ce dont j'ai envie.


Aussi loin que tu t'en souviennes, au départ, c'était quoi tes motivations principales pour faire médecine ?

Je n'ai pas envie de le dire, vu que c'est lié à une maladie dans ma famille... Je ne préciserai donc pas.

...D'accord. C'était donc pour cette raison.

... Parce que je me suis senti impuissante et que je ne voulais plus jamais l'être face à la maladie de quelqu'un. Je voulais la comprendre et apprendre à les guérir. Ne plus être désarmée.


Tes motivations ont changé depuis ?

Non. C'est vraiment : me sentir utile, aider les gens, et ne pas me sentir impuissante face à la douleur et à la maladie des gens. Et combattre une certaine forme d'injustice, parce que la maladie, c'est injuste...

L'externat, pour l'instant, ça se passe bien ? Comment gères-tu la masse de travail qu'on a fournir pour ces trois prochaines années ?

Pour l'instant, je ne suis pas trop dedans. Je ne suis pas encore dans l'optique internat et je n'ai donc pas mon rythme de travail qui est calé. Je travaillais, sans plus. Mais après le retour du week-end d'intégration, il va falloir que je prenne un rythme régulier !

Je sais que tu t'es pas mal investie dans la vie de la fac, (en tant que VP ronéos pour être précis) et même dans l'humanitaire, avec...

Ce n'est pas de l'humanitaire !

Tu appellerais ça comment ?

C'est de la Solidarité Internationale. L'humanitaire, c'est tout de même à une autre échelle. On ne peut pas prétendre en avoir fait.

D'accord... Pour la construction d'un centre de santé au Burkina Faso, je crois ?

Non, c'était un centre de recueil de jeunes Burkinabés qui s'appelle l'ERJ, l'Espace Rencontre Jeunesse, dans le district de Dafra à Bobo-Dioulasso. Il était déjà construit.

Nous avons financé l'achat de plusieurs ordinateurs, pour permettre aux jeunes d'avoir un accès à Internet qu'ils n'avaient pas auparavant ; nous avons acheté des jouets pour le centre (des ballons, par exemple), des préservatifs pour une association ; avec l'aide de professionnels, nous avons rénové les terrains de football et de basket...

Nous avons aussi payé un professeur à l'année pour qu'il vienne donner les bases de la lecture et l'écriture aux enfants déscolarisés. Pour les plus âgés, nous avons financé leurs formations professionnelles.

Nous avons mis en place un partenariat avec un dispensaire, parce qu'il n'y avait aucune prévention santé, mis à part celle du SIDA déjà faite par les ONG déjà implantées ; nous nous sommes occupés de celle du paludisme, et à l'avenir, le dispensaire organisera des présentations annuelles sur le même sujet. Cet accord a été conclu sur la base d'un don de 500 moustiquaires, ce qui un apport énorme pour eux.

l'ERJ de Dafra.

Comment vous êtes-vous constitué un budget pareil ?

Nous avons élaborés des dossiers, démarché des entreprises, le conseil régional, le CROUS, les mairies... Il nous a fallu une bonne année !

Qu'est-ce qui t'a motivé à te consacrer à tout cela pendant une année ?

Depuis que j'ai commencé médecine, je me suis toujours dit que je partirais un jour faire de l'humanitaire, pour lutter contre les grandes disparités en matière de santé entre les pays. Ayant la chance de gagner ma vie et de bénéficier d'une bonne formation sur le plan scolaire et professionnel, je me dis qu'il vaut mieux mettre cela à profit pour ceux qui sont moins bien lotis.
De plus, j'adore le voyage et les autres cultures. Je me disais que cela mêlait beaucoup de choses qui me plaisent !

Pour se projeter un peu dans l'avenir, tu te vois où dans 4 ans ? Ou plutôt, où est-ce que tu souhaiterais te voir ?

Je ne sais pas... Comme je te disais, je me destinais à la chirurgie, mais je me suis rendu compte que c'est un choix de vie radical, et je ne sais pas si j'en suis capable ou même si j'en ai encore envie.
J'attends de faire mes stage, de bosser mon internat, et de voir où la vie m'emmène entre temps et je verrais le moment venu.

Et la médecine dans des organisations humanitaires, ça ne t'est pas venu à l'esprit avec ton expérience ? Ou c'était juste pour une période donnée ?

Je ne veux pas en faire mon projet professionnel unique ; c'est un peu égoïste, mais il faut penser à soi. Etre complètement déconnecté de ta famille, de tes amis, du monde auquel tu viens... Je veux avoir des attaches, tout en pouvant faire de l'humanitaire ponctuellement.
J'essaierai de choisir une spécialité qui me laissera en faire quand je veux, par exemple partir en mission de 6 mois pour MSF, mais pas que ça.

Et enfin, pour finir sur note un peu plus légère, c'est quoi ton loisir préféré, ton moyen de te détendre ?

J'ai fait de la danse classique pendant très longtemps, mais j'ai dû arrêter avec la médecine. Sinon je suis plutôt dans le sport, la musique, et la lecture, que j'aime beaucoup.
Mon loisir préféré, mais que je ne peux pas faire très souvent, c'est voyager. J'adore y penser, en organiser...


Très bien. Morgane, merci de ta disponibilité et de ta patience pour mon premier essai.

De rien !

Et voilà ! Je profite de la fin de ce billet pour remercier, encore une fois, Morgane, pour la pertinence de son propos. Dom, pour l'assistance qu'il m'a apporté dans la préparation de ces questions et sa gestion hors pair de ma monomanie. Cyril, pour son expertise, ainsi que les documents qu'il ne m'a jamais scanné.


La semaine prochaine, retour à la normale ! D'ici-là, portez-vous bien !