Bonjour, tout d’abord, pouvez-vous vous présenter à notre lectorat, vous ainsi que Moving Player ?

Bonjour Johann, bonjour lecteur. Je suis Luca Benevolo le président de Moving Player, le studio de développement de jeux vidéos à l’origine d’Yslandia qui fut le 1er MMORPG sur iOS à la grande époque. Nous sommes basés dans le sud de la France, dans la technopole de Sophia-Antipolis, prés de Cannes, au soleil =D

Etant une entreprise localisée en France, pouvez-vous nous décrire un peu le paysage vidéoludique français ? Est-il compliqué pour une société de jeux vidéos basée en France de trouver des financements et d’avoir une activité rentable ?

Question simple et complexe à la fois (tiens, ça ferait un bon slogan pour une pub ça)… Simple car on pourrait résumer le paysage vidéoludique français par quelques gros noms du jeu vidéo comme Ubisoft, Gameloft, Ankama ou encore Quantic Dream (pour n’en citer que 4) qui font à eux seuls plusieurs dizaines de million d’€ de chiffre d’affaire (1,256 milliard pour Ubi en 2013) et une constellation de petits indies qui peinent à faire tourner leur studio. Qu’on soit clair, il n’y a rien d’injuste ou d’anormal là-dedans ; les gros étaient petits au début et ont su tirer leur épingle du jeu, ils font tourner l’économie du pays, créent des emplois et il est tout à fait normal de profiter de son succès surtout au vu de l’énergie qu’ils déploient pour rester au top.

Cependant il peut être décourageant pour des petits studios de trouver leur place, se faire connaître, réussir à faire un peu de lobbying, comprendre le fonctionnement de ce monde assez obscur qu’est le secteur du JV français. C’est en ça que la question est complexe, car pour y répondre précisément il faudrait plusieurs témoignages et l’avis de diverses personnes ayant des parcours différents… bref, ce n’est pas évident à trancher. Ce qui est certain, c’est que commencer un business dans le jeux videos c’est assez tendu :)

Moving Player s’est d’abord fait connaître sur smartphone/tablettes. Pouvez-vous expliquer ce virage à 180° pour entrer de plein pied dans l’univers consoles, et plus particulièrement sur l’eShop ?

Ce genre de pari fait justement partie de cette complexité que je viens d’exprimer. Pour un studio comme nous, de taille et de puissance (humaine et financière) assez limitée, il a fallu  réagir assez vite après la sortie d’Yslandia et trouver notre place. En effet, quelque mois après la sortie de notre 1er jeu, Gameloft annonçait Order & Chaos, un MMORPG mobile assez gros budget, assez proche d’un WoW, full 3D, bref la grosse artillerie. Nous avons donc fait évoluer Yslandia pour en exploiter les points forts (scénario, univers fun, de nombreux évents, relation proche avec les joueurs, une version PC) mais malgré nos efforts et le succès du jeu (+ de 700k comptes mine de rien ^^) il a fallu nous diversifier. Après quelques autres productions sur mobile nous avons basculé sur de la production console, dans un premier temps en tant que fournisseurs (dev de jeux en marque blanche), puis rapidement nous sommes passés à notre compte en 2013. Cette bascule vers la console s’est inscrite dans notre vision à long terme pour la société, dans une stratégie de placement, donc notre programme xport (que nous aborderons plus tard) est d’ailleurs un des échelons. Aujourd’hui, le catalogue console de Moving Player est composé de 3 jeux 3DS (+1 qui est en cours de en finalisation), 2 jeux Wii U (+1 en cours de portage) ainsi qu’un jeu PS3 (en cours de validation chez Sony) et nous devrions annoncer pas moins de 5 jeux consoles l’année prochaine !

Êtes-vous satisfait pour le moment des ventes réalisées sur l’eShop par vos jeux précédents ?

Tout dépend du jeu en question et de la zone de distribution (nous vendons en Amérique, en Europe et au Japon). De façon générale les ventes eShop nous permettent de financer la suite et ainsi de continuer à faire des jeux, on ne va donc pas trop se plaindre. Après il est évident que nous ne cracherions pas sur un gros succès, faire un jeu sur console coûte cher, c’est donc un risque constant pour notre Studio.

Evofish a été votre premier titre Wii U. Pouvez-vous expliquer le choix de la plateforme alors que vos jeux précédents (Tangram Style et Happy Circus) sont sortis sur 3DS ?

La 3DS est la première console sur laquelle nous avons bossé et, étant mobile, elle nous a semblé plus accessible pour un studio faisant originellement des jeux mobiles (ce qui au final n’était pas si manichéen). Nous avons ensuite continué à développer notre compétence console, d’abord sur la Wii U pour rester Nintendo, puis la PS3, la Vita et la Xbox One sont en cours.

Evofish fait terriblement penser à EVO de Enix sur Super Nintendo et à Feeding Frenzy de PopCap. Y avez-vous joué et est-ce des inspirations pour votre jeu ?

Effectivement nous avons percuté après coup. En effet, c’est plutôt Spore qui avait inspiré le projet Evofish! ^^

Moving Player depuis peu s’ouvre au portage et à l’édition de jeux développé par d’autres studios (Cosmophony de Bento et Rakoo’s Adventure de Old Skull Games). Pouvez-vous nous parler de votre approche sur ce sujet ?

Comme je le présentais précédemment, nous venons du monde mobile. Nous savons que capitaliser son jeu uniquement sur ces supports (ou juste sur Steam) est difficile aujourd’hui. Réaliser, sortir et maintenir son jeu demande de l’énergie et d’innombrables moyens humains et financiers, ce qui limite bien souvent les studios et les empêchent de proposer leur jeu sur console rapidement. Ce que nous proposons c’est de réunir nos efforts et de démultiplier le potentiel de ces jeux en les portant et en les éditant sur les diverses consoles du marché, rapidement et à coût quasi nul !

Concernant le processus de développement, est-il difficile de développer des jeux pour la Wii U ? Nintendo sont-ils impliqués d’une manière ou d’une autre dans le processus ?

Malgré ce qu’on peut lire parfois sur internet, développer un jeu sur console met en jeu une multiplicité de contraintes : humaines, matérielles, temporelles et surtout financières. Contrairement au développement PC ou mobile il faut prendre en compte l’agrément qui peut être très long, l’achat des kits, le coût des ratings, les phases importantes de QA et les processus de validation des constructeurs sont assez rigoureux (beaucoup plus que sur mobile, aucun crash n’est toléré, les termes doivent être traduits suivants des standards bien spécifiques, la robustesse du code, la gestions des sauvegardes et des erreurs doit être parfaite…) bref ce n’est pas trivial, d’où l’intérêt du programme xport !

Pour ce qui est de l’implication de Nintendo, ils sont là pour valider que le jeu respecte les critères de qualité technique, qu’il soit en adéquation avec leur charte éthique et s’occupent de la distribution digitale, mis a part des cas exceptionnels (exclu, financement) ils n’interviennent pas plus que ça.

Sur sa dernière génération de machines, Nintendo semble avoir compris l’enjeu d’avoir une plateforme remplie de jeux indépendants. D’un point de vue studio, les conditions offertes par l’eShop sont-elles satisfaisantes ? De votre fenêtre, est-ce plus, moins ou comparablement attractif vis-à-vis des plateformes dématérialisées concurrentes. Si vous deviez changer quelque chose à la Wii U qu’est ce que ce serait ?

Avoir une plate-forme ouverte aux indies est une bonne chose ça c’est clair. En être "remplie" l’est un peu moins. En effet il faut faire attention à ne pas reproduire la même erreur que celle qui a été faite sur les stores mobiles qui sont devenus parfois de véritables poubelles et sur lesquels il est difficile de survivre sans injecter des milliers d’euros par jour de marketings. Malheureusement Nintendo commence  doucement à reproduire ça sur la Wii U, où l’on a vu sortir dernièrement un clône de Flappy Bird avec une mouche à m… Certains ont crié au scandale, d’autres ont ri, mais personnellement j’ai trouvé ça assez dangereux de la part de Nintendo. Les consoles sont certes moins nombreuses que les supports mobiles mais elles offrent une concurrence moindre de par la complexité d’accès et de par le filtrage des jeux qui était fait par les constructeurs. Si ils commencent maintenant à accepter tout et n’importe quoi sur leurs plate-formes ce sera les développeurs qui en payeront le prix et ce serait vraiment dommage… Accepter les Indies OUI, accepter n’importe quoi… je suis moins fan ;)

Pouvez-vous nous en dire plus sur vos prochains projets, en particulier TRIBOO qui avait été annoncé sur Wii U. Avez-vous des jeux à venir pas encore annoncés sur Wii U?

Pour l’instant Triboo est en pause car nous avons plusieurs titres de prévu depuis l’annonce de notre programme xport. Nous avons annoncé Rakoo’s adventure mais plusieurs autres titres de qualité devraient arriver rapidement grâce à cette offre ! Cependant nous parlerons de ça une prochaine fois. ^^

Pour terminer, avez-vous d’autres choses à ajouter pour nos lecteurs ?

Supportez le jeu indépendant, les indies ont besoin de vous ! Mais avant tout… amusez-vous, faites vous plaisir !

kelanflyter