Malgré sa sortie tardive sur Wii U, Guacamelee! Super Turbo Championship Edition avait tout pour plaire. Pour me plaire.

Une équipe indépendante et pleine de talent à l’origine du projet (les Canadiens de DrinkBox), une direction artistique totalement assumée, un système de jeu efficace, entre action, recherche et plate-forme, quelques ajouts bénéfiques depuis la première mouture, et pour ne rien gâcher, un fan service omniprésent et généreux pour ceux qui, comme moi, ont grandi avec les consoles Nintendo. Tout pour plaire et pourtant... Rien qui ne m’y fasse retourner une fois l’aventure péniblement achevée. Entendons-nous bien : techniquement irréprochable, doté d’un mode multi rafraîchissant, Guacamelee! Super Turbo Championship Edition sait faire beaucoup de choses, plutôt bien d’ailleurs. L’épique épopée de Juan, catcheur hâbleur parti sauver la fille d’El Presidente, ne manque pas de saveur, de piquant, et prend rapidement ses aises dans un décor foutraque drapé d’un folklore mexicain, où viendront se vautrer au hasard, une chèvre aux allures de vieux sage, ou bien un coq professeur de catch. Baroque. Loufoque. Absurde. Mais l'absurde, c'est surtout la raison lucide qui constate ses limites comme disait Albert Camus (des restes de mon Bac Philo, fallait bien que ça serve un jour).


Et les limites sont ici grandissantes : d’abord un level design bas du front, où les plates-formes se chevauchent plus qu’elles ne s’éprouvent (exception faite du dernier « niveau »), et ce malgré l’astuce du switch entre le monde des morts et celui des vivants, où les obstacles apparaissent dans l’un pour disparaître dans l’autre. Ensuite, un Metroidvania qui jamais n’innove, reprenant ce que ses illustres prédécesseurs ont façonné des décennies plus tôt. Sans grand génie surtout, à coup d’upgrades en trompe-l’½il et de personnalisations fantoches. Même les combats, pourtant au c½ur du jeu, et qui peuvent sembler plus techniques dès lors que les enchaînements et les coups pleuvent, finissent par sombrer dans l’affrontement approximatif, confus et sauvage.

Quant au style, tranché, le titre déborde à l’évidence de contraste, de couleurs pétaradantes, sans pour autant faire preuve de charisme, ou de bon goût, à l’image de son héros, fripé dans sa tenue de lutteur sans peur, mais pas sans reproche. Et l’on aborde enfin l’un des points noirs de Guacamelee : son hub découpé en plusieurs niveaux qui oblige à des allers-retours incessants, malgré les sas de téléportation à disposition. On avance, on avance, c’est une évidence. Faut pas qu'on réfléchisse, ni qu'on pense. Faut qu’on avance. A tout prix. Avec au final, cette étrange sensation de contempler un joli tableau, sans vraiment comprendre pourquoi tout le monde, avant vous, l’a autant admiré.

Par Derrick