Souvent évoquée, rarement quantifiée, l'impact de Metacritic aux Etats-Unis, et des critiques en général sur les ventes de jeux, est un sujet aussi récurrent que discutable. Une étude réalisée en juillet dernier traçait déjà le parallèle entre les deux et établissait certaines corrélations : de bonnes critiques auraient un
impact indirect mais positif sur le bouche à oreille, augmentant la
possibilité que le lecteur recommande le jeu à ses amis. La suite de
l'étude s'illustrait ensuite via un cas pratique. Le même bureau
d'étude, souvent très pertinent, avait également l'an dernier abordé le
cas un peu particulier de la Wii, tandis que j'avais moi-même abordé la problématique de
manière un peu plus générale, en réaction aux questionnements d'alors
(voir : De l'avenir et de l'intérêt des tests de jeu).

Ainsi, dans « L'impact de Metacritic sur l'industrie du jeu vidéo », Anthony Neal écrit : « Non seulement Metacritic a changé la façon dont les critiques appréhendent
leurs relations avec les développeurs et les éditeurs, mais cela a
également affecté leurs rapports avec leur site, ainsi que la manière
dont les relations presse appréhendent les notes. »
L'importance du marketing n'étant plus à prouver, la plupart des éditeurs s'efforcent
d'accompagner la sortie d'un jeu, mais d'autres vont un peu plus loin
pour obtenir des chiffres qui feront vendre.

Quand les éditeurs s'en mêlent

Les éditeurs les plus convaincus de
l'importance d'une critique favorable vont jusqu'à faire pression sur
leurs auteurs. Le sujet est polémique, difficilement reconnu ou parfois
trop évident, à tel point que les lecteurs ont tendance à le brancarder
au moindre soupçon de connivence, prise d'intérêts et autres publicités
flatteuses étant communément admises comme sous-jacentes d'accords entre site et éditeur. L'occasion, aussi, d'interroger la position des sites
qui crient leur objectivité, tandis qu'ils lacèrent les visiteurs de
pubs excessivement flatteuses (voir : Spoile-moi fort).

 

« Blur: race like a big boy. »

Scott Jones, journaliste pour le site Reviews on the Run, et qui s'était déjà exprimé l'an dernier sur le sujet, évoque « la tendance des RP et services marketing à faire pression pour obtenir de
bons scores sur Metacritic, et la diminution de l'importance de la
presse. (...) Pour rappel, les éditeurs décident de qui reçoit et qui ne
reçoit pas les jeux destinées à être testés.
»

Plus nuancé, Chi Kong Lui, co-fondateur du site GameCritics.com, pense que « le problème n'est pas aussi important que certains articles le laissent penser. » « Pour chaque scandale dont vous entendez parler je suis sûr qu'il y a des
dizaines d'échanges professionnels qui eux n'ont rien à se reprocher
. » Il faut donc interpréter un chargé de presse demandant à un journaliste de modifier sa note comme un cas extrême, en plus d'être rare.

Selon Dan Hsu, co-fondateur du site Bitmob.com et rédacteur en chef du magazine Electronic Gaming Monthly, les
éditeurs qui lui ont refusé l'envoi du jeu parce qu'il ne pouvait
garantir une certaine note « présentent ça d'une certaine manière ». « Ils l'entendent dans le texte, en disant : « Hey, si tu peux lui donner une bonne note, nous te laisserons publier ton article plus tôt » - ce qui
garantit un trafic supplémentaire, et donc une prédisposition à bien
noter le jeu. Ça peut ne pas fonctionner avec beaucoup de journalistes
mais cela entache le processus malgré tout. Par exemple si la note
finale d'une critique oscille entre 8,5 et 9 - et que 9 était la note
réclamée par l'éditeur - est-ce que cela ne va pas influencer la
décision, ne serait-ce que subtilement ?
»

Pour autant de bonnes relations entre
journalistes et éditeurs sont entendues, et même nécessaires. Les
critiques de jeux ont existé de tout temps, témoignant pour les éditeurs de la qualité de leurs titres. Les créatifs, eux, semblent plus
concernés par les retours concrets des utilisateurs, comme en témoigne
le franc-parler de Hideki Kamiya.

Reste que l'utilisation d'une note ne fait que ponctuer une critique argumentée et demeure une infime partie du sujet. Alors si « Metacritic est une arme à double tranchant », c'est parce que synthétiser un ensemble de critiques et de notes
déterminées à l'issu de nombreuses heures de jeu est assez réducteur.
Quand bien même, Metacritic et d'autres sites du même ordre proposent
une première impression, une image, un extrait permettant d'appréhender
la qualité d'un titre. Et « si un jeu est perçu comme étant mauvais, il [n']est [que] possible qu'il se vende mal ».

Un dernier point , à propos de la
manière dont Metacritic envisage d'assigner une note aux critiques qui
en sont dépourvues (avec l'accord du site concerné), Kyle Orland,
journaliste freelance et contributeur pour Gamasutra, fulminait : « C'est un peu ridicule. Je me moque du nombre de critiques qu'ils lisent et à
quel point ils connaissent les critères de la rédaction. Ils ne peuvent
pas me dire qu'ils savent nuancer un 75 et un 80 à propos d'un site qui
n'attribue pas de note. C'est l'illusion de l'objectivité.
», ajoutant notamment qu'un 9/10 attribué par IGN n'a rien de comparable avec la même note chez Edge.

Au delà de la polémique suscitée par
Metacritic et les critiques en général, c'est cette illusion
d'objectivité proposée par le système de notation qui est sans doute le
cœur du sujet. La valeur numérique, souvent remise en question mais
communément admise pour son caractère scolaire, est monnaie courant
parce qu'elle donne l'illusion de la précision, et donc d'une certaine
rigueur, tout autant qu'elle participe à accentuer le péremptoire de la
critique. Des choses déjà admises, en somme, mais qu'on retrouve de ci
de là, comme pour mieux évoquer des cas de figures : « Et si, un jour, tout le monde arrêtait de mettre des notes ? » Et si ?

Par Memento

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