Portal mérite-t-il son succès?

Je tiens avant toute chose à vous prévenir que ce débat risque de contenir du spoil, que ce soit Portal 1 ou Portal 2.

 

Voilà une question qui selon moi a le mérite d'être posée. Il est vraiment difficile de ne pas connaître ce jeu développé par Valve, nous mettant dans la peau d'un sujet de test, et dont le but est de sortir de toutes les salles de test grâce à une "arme" qui permet de créer des portails.

Le principe du jeu est très simple, et à vrai dire il a été plus développé en tant que jeu d'appoint, à savoir qu'on y joue une fois, et puis basta. Eh bien non! Malgré sa (très) faible durée de vie et sa relative répétité, Portal a vraiment intéressé les joueurs et surpris la critique, et le soin apporté à un jeu si court et original (un FPS où on ne tue personne, pourquoi pas?) est bluffant. Rien que l'effort fait par Valve au niveau des doublages et des dialogues témoignent du fait que ce jeu n'est pas à prendre à la légère. Une sorte de mini-superproduction vidéoludique!

M'enfin, en terme de dialogue, on se comprend, il n'y a en réalité qu'un seul personnage qui parle dans Portal, en la personne de GLaDOS, une sorte d'intelligence artificielle à l'étrange voix féminine qui a tendance à narguer le pauvre sujet de test au début et à la fin de chaque puzzle. Rien que ce personnage contribue en lui-même à la hype de Portal. En fait, "l'histoire" du jeu tourne essentiellement autour de GLaDOS, qui vous raconte son barratin. Il n'y a rien d'autre que le son de sa voix qui construit l'intrigue du jeu, qui au demeurant est très simpliste. Malgré tout, la fin de l'histoire semble nous prétendre le contraire, et l'histoire serait en réalité nettement plus étoffée.

D'où la communauté qui s'interroge et tente de comprendre les mystères de ce jeu. Alors qu'il s'agit sur le papier d'un jeu de puzzle!

Quand on joue à un quelconque jeu de puzzle connu, vous ne vous posez pas de question: vous vous contentez de résoudre ce qui se dresse devant vous sans arrière pensée? On est bien d'accord?

Alors pourquoi a-t-on affaire à une sorte de puzzle-game qui nous fasse réfléchir, non pas à cause des puzzles qu'il faut réussir, mais à cause du problème. Le problème, c'est: pourquoi faisons-nous ces test? Pourquoi cette fin difficile à interpréter? Pourquoi cet humour malsain? Pourquoi ce "message" que cherche à nous faire passer GLaDOS?

C'est un peu comme le film Inception. Ce film est ce qu'on peut appeler un "brain-entertainment" (un terme totalement à ch*** qui sort de mon imagination :3 ) autrement dit un divertissement qui nous pousse à réfléchir. Le gros point fort de ces divertissements, c'est la libre interprétation de chacun sur l'histoire, le déroulement des actes, etc... Résultat, on partage son opinion avec les autres, on tente d'expliquer le pourquoi du comment (souvent sans succès...). Autrement dit, c'est un divertissement qui va au delà du divertissement, m'voyez?

Ps: si vous avez déjà mal au crâne, arrêtez de lire! :D

Mais il y a un problème de taille: est-ce vraiment nécessaire de nous faire réfléchir à ce point, dans le cas d'un jeu comme Portal?

Oui et non. Oui, parce que effectivement, la naturelle curiosité des hommes nous poussent à comprendre "pourquoi" Portal est un jeu qui se déroule dans un contexte particulier.

Mais non, parce que c'est tout simplement inutile et qu'on se pose trop de question!

Mais vu que Valve aime bien provoquer le buzz, et étant donné le succès du jeu et la hype qui l'entoure, nous nous retrouvons avec la suite d'un Portal 2, cette fois-ci conçu comme un vrai jeu actuel, avec une vraie histoire (ou pas?), et un mode de jeu coopératif entre autre.

Avant de rentrer dans les détails, je ne remercie pas Valve pour avoir "spoilé" sans arrière pensée divers extraits de Portal 2 sur le net. Même si c'est volontaire, il est quand même agréable de découvrir les moments clés du jeu au moment où on a reçu sa galette chez soi et qu'on les découvre par ses propres moyens. Connaître déjà les meilleures répliques de GLaDOS ou de Wheatley pas moins de huit mois avant la sortie du jeu, c'est aberrant. Mais bon, je suppose que c'est pour renforcer la hype, hein Valve?

Dans le fond, l'histoire de Portal 2 est la suite directe de Portal 1. GLaDOS a cassé sa pipe, et vous êtes retourné au dodo comme si de rien n'était. Mais vu que vous avez oublié de mettre le réveil (boulet!), vous vous réveillez cent ans plus tard, et un nanobot (une sorte d'oeil-robot) du nom de Wheatley semble très attaché à votre évacuation des lieux. Mais en douceur, parce qu'avec sa relative politesse et son accent anglais à peine exagéré, il fait penser à un majordome, toujours prêt à vous servir. Mais privé de costard/noeud papillon et ne pouvant se déplacer que sur un rail, il n'est pas capable de grand chose.

Jusque là, on se dit "Chouette, on va en savoir un peu plus sur le contexte de Portal" mais en fait... non. A mon sens, il ne fait que plonger le joueur qui a connu le premier épisode dans le doute. Au contraire, celui qui a le kiki tout dur quand on lui prononce sa phrase fétiche "The Cake is a Lie", va tenter tant bien que mal de reconstituer le désormais vaste puzzle scénaristique.

Mais apprécions déjà les qualités du jeu. En terme de gameplay, rien n'a changé, le moteur Source a encore de la ressource, mais on sent une petite baisse de régime. Une petite vidange s'avère nécessaire, surtout vis à vis de la fiabilité du premier épisode.

De nouveaux éléments du décor permettent de se servir des portails comme jamais auparavant: des catapultes, des ponts de lumière tangible, un halo d'excursion, et des gels provoquand divers effets (rebond, vitesse, ou bien pose de portail).

En terme d'ambiance, le début du jeu nous invite à redécouvrir le tout début du premier épisode, cent ans plus tard. Vient ensuite les coulisses d'Aperture Science, la découverte d'anciennes salles de test planquées à plusieurs kilomètres sous terre, et des salles de test nettement plus récentes vers la fin du jeu. En terme de variété des paysages et par conséquent d'ambiance, Portal 2 fait nettement mieux que le premier opus.

On remarquera au passage la démesure de certains lieux. Comment un tel laboratoire peut-il être aussi vaste?

Concernant les énigmes, Valve a mis non pas l'accent sur la réflexion mais sur l'observation. Les tests ne sont jamais très compliqués, encore faut-il scrpuleusement observer son environnement, comprendre les effets des boutons, repérer les surfaces exploitables... Pas besoin de s'appeler Einstein pour jouer, le mode solo est tout à fait destiné à tout les types de joueurs, que ce soit ceux qui n'ont jamais joué à Portal, ou bien les habitués qui considèreront ce mode comme une remise en route, quatre ans après le premier épisode (déjà quatre ans!).

Reste le mode coopératif, mais n'ayant pas pu l'essayer (pour cause de PSN en maintenance) je ne vais pas faire de commentaires concernant ce mode de jeu. Ah si, juste un: Valve, au moyen de GLaDOS et des deux robots à incarner, permet de venir superposer quelques anecdotes à l'histoire du mode solo. Une sorte de seconde couche, quoi.

En tant que jeu, Portal 2 est bon, voire très bon. Gameplay agréable, tout comme l'ambiance, l'intérêt, la durée de vie.

Reste le problème des éléments scénaristique, qui constitue cette hype, dont j'ai déjà parlé deux-trois fois. Primo, il est vraiment difficile de construire un lien entre le premier épisode et le second. Effet voulu par Valve?

Deuxio: comment peut-on construire une véritable histoire, développée, ayant un sens et une validité constante, ne comportant pas de contradiction, lorsqu'il n'y a seulement que deux protagonistes (ou plutôt trois) à nous dévoiler la trame? Il y a donc GLaDOS, Wheatley, et la voix off de Cave Johnson. On peut tout à fait considérer qu'au moyen de ces protagonistes, on peut construire une histoire cohérente. Mais plutôt que de lever le voile sur tout les mystères (y compris celui du premier épisode) on a droit à encore plus de question sans réponse!

Du coup, on a affaire au même "souci" que Portal 1: la libre interprétation. C'est nous qui devons inventer l'histoire, trouver le lien entre tout ce qui ne va pas. Pour être honnête, j'estime que Valve a d'abord conçu la suite de Portal dans le sens où on résoud de nouveaux puzzles, découvre de nouveaux éléments du décor (bref, approfondir le gameplay, déjà excellent), et non pas dans le sens où elle nous invite à poursuivre le semblant d'histoire du premier épisode. Pour ne rien arranger, la propagation sur Internet, par les sites mis en place par Valve, de diverses petites information plus ou moins compréhensibles, ne font que renforcer cette idée.

Mais ce qui demeure le plus grave selon moi dans Portal 2, c'est le rôle des protagonistes. Servent-ils à dévoiler clairement l'intrigue? Non. Dans la majeure partie des cas, ils servent d'une part à exposer le sens de l'humour un peu spécial des personnages (attention, ça ne sous-entends pas que ce n'est pas drôle, le but n'est pas d'être trop austère, sans atteindre le degré d'humour d'un one-man show de Gad Elmaleh), soit d'autre part ils ne font que approfondir le doute dans certains cas. Il est facile de comprendre où les personnages veulent en venir dans certains cas, mais dans d'autres, soit on estime que c'est du bla-bla inutile, soit que ce sont des éléments du scénario restitués dans le désordre, et libre au joueur de remettre les morceaux dans l'ordre.

 

Pour répondre à la question du débat, Portal mérite son succès, mais dans un sens unique. C'est en effet en tant que jeu que Portal mérite le plus son succès. On apprécie Portal 1 ou Portal 2 pour le gameplay, le soin apporté à l'ambiance environnementale, la qualité des doublages et des dialogues...

A propos, la VF est de très bonne facture comparée à la VO, malheureusement dans Portal 2 Wheatley n'a pas son accent anglais qui lui confère son charisme, quand aux voix de GLaDOS et Cave, elles collent bien en VF mais ne restituent pas aussi bien les émotions des personnages, c'est particulièrement vrai concernant GLaDOS, toute timide et sortant d'un long sommeil au début du jeu, et qui par la suite se réveille et est nettement plus engagée.

Mais donc, d'un autre côté Portal ne mérite pas tout à fait cet engouement. Même si les critiques déclarent que Portal est un coup de génie, c'est surtout le fait que ce soit un brain-entertainment qui confère au jeu son charme. Il faut bien l'avouer, si Portal se contentait simplement du jeu, on pourrait tout à fait s'en contenter. Mais vu que Valve aime bien compliquer les choses, l'intrigue de Portal a pris des proportions inutilement démesurées. A croire que ça a été fait "pour les fans" histoire de faire ses pronostics sur la reconstruction du scénario. Mais force est de reconnaitre que sans cette hype, Portal est un jeu qui serait passé inaperçu. Est-ce pour autant un exemple à suivre?

 

En guise de conclusion, je laisse libre le choix de Valve de faire un Portal 3. Mais je ne suis pas sûr de m'y investir le moment venu...