Les séries anglaises, je le confesse, ne figurent malheureusement pas dans mes meilleurs moments télévisuels. Non pas que je ne peux pas sentir l'humour des boufeurs de gelée à la bile de boeuf, bien au contraire, mais il y a cette ambiance, ce parfum, ce goût visuel qui ne m'a jamais particulièrement charmé. C'est donc un peu craintif que je suis lancé dans Misfits, histoire de pas mourir trop con, et de ne pas attendre d'être perturbé par le futur remake américain. Générique !

Misfits c'est l'histoire de cinq jeunes délinquants qui passent leur Travaux d'Intérêt Général dans une banlieue anglaise. Dans ce contexte peu reluisant, cette brochette déjà fort savoureuse va voir son quotidien perturbé par un étrange orage. En effet, alors qu'ils étaient en train de briquer le sol à l'extérieur sous le regard sévère de leur superviseur; l'orage gronde à en faire tomber des grêlons gros comme des melons. Se ruant vers le centre d'acceuil pour se protéger des obus de glace qui explosent un peu partout, les cinq petites frappes sont malheureusement touchées par un éclair. Se reveillant étrangement indemnes de cet electrochoc, Nathan, Curtis, Simon, Kelly et Alysha vont découvrir peu à peu que tout a changé. Ils se découvrent chacun leur tour d'étranges super-pouvoirs...

Tel est donc le sujet de départ de cette série, qui peut sembler au premier abord un peu "déjà vu". Une sorte de Heroes british qui pue un peu sous les bras, où la conspiration internationale laisse place à une toile de fond bien plus terre à terre. Dans cette idée de faire une série de super-heros qui ne savent pas trop ce qu'ils font, qui sont jeunes, tout simplement; dès le départ Misfits part avec un soupçon d'originalité en plus, et j'ose même dire, de caractère. En orientant son sujet dans un angle plus intime, Misfits s'offre déjà un petit "plus" qui en fait plus qu'une simple série geek. 

 

Dans une série de super-heros, il y a normalement deux choses essentielles : les pouvoirs, et ce qu'en font les personnages. Rien que ces deux facteurs déterminent ce que la série va donner, même si elle a une toile de fond géniale, elle peut se vautrer si l'alchimie entre les personnages et leurs pouvoirs ne prend pas. Dans le cas de Misfits, les personnages principaux sont avant tout des jeunes en galère avant d'être des super-heros. Et c'est parce que leurs pouvoirs viennent se greffer à ces histoires et caractères ultra variés, plutôt que d'être le point central de la série, qu'on prend énormément de plaisir à voir l'utilisation des pouvoirs par ces jeunes. La variété de ces pouvoirs, dont je vous laisse le plaisir de la découverte, reste malgré tout extrêmement proche du caractère des personnages. C'est un peu comme un echo exacerbé de ce qu'ils sont déjà, et devoir faire face à ces nouvelles capacités va inciter certains membres du groupe à changer de comportement, ou au contraire de profiter pleinement de ce potentiel pour alimenter ses vices. C'est à la fois sobre, extrêmement drôle, et surtout : toujours bien écrit. 

C'est une des forces de la série selon moi, son écriture vraie. Certains épisodes sont à mon sens de pures démonstrations scénaristiques et de justesse de dialogue. Que ce soit le club des cinq où les divers seconds couteaux qui viendront perturber leur quotidien déjà extraordinaire, j'ai été totalement happé par ces histoires. Sans avoir recours à de gros cliffhangers, Misfits s'est offert la plus grande qualité d'une série pour donner envie aux gens de revenir la semaine d'après : des personnages ultra attachants et les relations qui vont avec. C'est le sel de toute bonne série, et Misfits y arrive avec brio et une intelligente notion de mesure. On ne s'attache pas à Nathan uniquement parce que ses répliques figurent parmi les plus drôles que j'ai pu entendre à la télé depuis les débuts d'Hank Moody; non. Si je m'attache à Nathan  c'est aussi parce que cette "pov' pomme" a vraiment une vie pourrie et qu'il lève malgré tout la tête tous les matins. J'adore Alysha, mais pas parce que c'est un fantasme ambulant, car son personnage évolue comme il faut et me propose toujours une nouvelle façon de la voir, etc...

A la fois succession dissociée d'intrigues sympatiques et fresque persistante des relations entre les personnages, Misfits s'est peu à peu créé un noyau autour duquel gravite toute l'histoire. Non pas une méta-histoire fantastique qui menacerait nos compères, mais un destin dans la plus pure tradition Romantique. C'est à la fois une excellente idée car ça apporte une nouvelle couche à cette toile déjà réussie, mais le revers de la médaille c'est que ce Destin apporte un éclairage plus important sur certains personnages que d'autres, ce qui est pour le coup une erreur. A mon sens Misifts c'est "le groupe" et leur complémentarité; reléguer certains personnages au rang de seconds rôles est à mon sens très maladroit. 

Après trois saisons, Misfits garde un rythme convenable, en étant au minimum plaisant à suivre. Les épisodes sympas cotoient les intrigues brillantes, et au final on se retrouve trois ans plus tard sur une intrigue qui ne s'est pas lancée et qui n'a pas envie de se lancer. Suivre Misfits c'est un peu comme voir quelqu'un redoubler années après années sa Terminale car il n'a vraiment pas envie de quitter le Lycée. Cette Série c'est l'Insolence élevée au rang de Grand Art de Vivre; c'est la jouissance cathartique d'une Jeunesse prête à tout envoyer en l'air pour le fun. Une série sans doute Générationelle qui ne plaira probablement pas aux plus vieux, encore que les vieux geeks y trouveront sans doute leur compte. Le principal défaut de la série est de laisser partir trop facilement ses stars; avec déjà deux départs parmi le club des cinq, je sens que la Série va devoir toucher à sa fin, et proposer plutôt un spinoff.

 

Misfits est un bon pétard à faire tourner entre potes au bord du lac pour accompagner les premiers rayons de soleil. C'est du Geek Insolent, c'est drôle, osé, et superbement bien écrit. Avec moins de brouzoufs les anglais viennent de donner une leçon aux Heroes-like, et l'annonce d'une version us de Misfits me fait déjà marrer. Une série pleine à craquer de belles choses, qui malheureusement perd peu à peu ses talents, au risque de devenir un de ces quatre un brin désuette. Je ne sais pas ce que l'avenir réserve à Misfits, mais je lui espère une fin prochaine et particulièrement détonnante, plutôt que de tomber peu à peu dans l'oubli à force de départs. Attention, cette série est déconseillée aux Superviseurs de TIG.