Comme à chaque fois que le jeu fait parler de lui, je replonge, rêveur, dans les screenshots qu’on peut encore régulièrement trouver sur le net (le jeu a pour lui une communauté assez fidèle, on ne peut pas lui enlever ça). Ces images ont quelque chose de magnétique. Cela a pour conséquence que je réinstalle chaque fois le jeu. Heureusement — ou malheureusement, c’est selon — je l’ai acheté en dématérialisé, ce qui rend le re-re-re-téléchargement possible. Car oui, en fin de compte, il finit inévitablement par dégager de mon disque dur dans un acte de frustration ultime avec la même pensée : à quoi bon ? Dans le cas contraire, si je l’avais acheté en physique, je l’aurai revendu depuis bien longtemps et ma conclusion n'aurait pas été possible.

Quoi qu’il en soit, et de manière tellement prévisible, à l’annonce du prochain contenu gratuit (NEXT),  j’ai fini par le relancer malgré ce sentiment de me faire du mal. Car au fond de moi, je sais que la déception m’attend au tournant.

Que le titre ait créé une hystérie collective durant toute la période de présentation avant sa sortie est une chose. Et sans grande surprise, la déception collective a été à la hauteur de l’attente.

Le jeu ne fonctionne pas pour un tas de bonnes raisons, mais étonnement, il fonctionne assez bien pour une mauvaise raison... 

Chacun trouvera à redire sur ce jeu. Pour moi, il loupe complètement ses ambitions de jeu d’exploration spatiale car il n’en est simplement pas un. Petit a, c’est avant tout un jeu de farming avec juste une enveloppe SF. Et petit b, il triche complètement sur ce qu’est le cosmos. Alors oui, tous les jeux trichent, ou plutôt font illusions. Mais à la différence de No Man’s Sky, un jeu bien bien conçu, on y croit, ou du moins, on ne voit pas que le jeu nous entourloupe constemment. C’est comme un magicien : on sait pertinemment que c’est faux, qu’il y a un truc, mais s’il est doué, on n’y voit que du feu et la magie opère pour de vrai. Mais si le magicien est un incapable, qu’on voit alors les trucs, on ne peut simplement pas y croire. Et il n’a plus qu’une chose à faire : quitter le spéctacle car l'objectif n'est pas atteint. On perd son temps en tant que spéctateur. Dans un jeu-vidéo, c’est un peu pareil.

Concrètement, qu’est ce qui ne marche pas à mes yeux ? :

  • les sphères fermées : chaque système est une entitée close avec une barrière invisible dont on ne peut s’échapper. Chaque système fonctionne comme une bulle dans laquelle flottent quelques planètes et lunes. Pour de l’exploration spatiale, c’est quand même moyen. Un décor est peint sur la face intérieur de cette sphère dont l’étoile de chaque système. De ce fait, on ne peut jamais approcher cette étoile ni tourner autour. L'étoile n'est qu'un jpg. Et c’est alors toute la physique d’un système qui est mis en branle : dans NMS, les planètes ne tournent pas autours de l’étoile mais, accrochez-vous, c’est l’étoile qui tourne autour des quelques planètes du système. Ca aurait pu être une astuce de programmation, mais les ficelles sont tellement grosses que c'en est gênant. 

  • la non-géographie : il n’y a aucune géographie sur les planètes. Pour des planètes atmosphériques abritant la vie, c’est étrange. Pas d’océan à proprement parlé, pas de continent non plus, pas chaîne de montagne, pas de désert, pas de jungle ou de forêt, pas de glacier, etc… ce qui amène au point suivant :

  • l’homogénéité planétaire : une planète est un type de décors et un seul. Découvrir 30m² d’environnement, revient à découvrir toute la surface de la planète. Si c'est une forêt, c'est toute la planète qui est une forêt... Si c'est un désert, c'est toute la planète qui est un désert. Pourquoi l’explorer alors ? Le même décor est dupliqué sur 100% de la surface planétaire de façon tellement uniforme que c’en est soporifique… Il n’y a rien d’unique, rien qui pousse à la découverte. Rien ne pousse à parcourir ces planètes d'une homogénéité à devenir claustro... Un comble. Ce que tu peux voir au sommet de cette montage, bah, la même chose que ce que tu as vu pour y arriver. Au fond de cette grotte ? La même chose que dans toutes les autres grottes de la galaxie. Derrière cette colline ? Identiquement le même panorama que partout sur cette planète. Rien n'offre une motivation à l'exploration. On avance de POI déjà-vu en POI déjà-vu.

  • vraiment seul ? : après quelques heures de jeu et une dizaine de planètes parcourues, une évidence s’installe : TOUS les systèmes sont déjà découverts et colonisés par les aliens puisque leur présence est PARTOUT sans exception. On est tout seul à explorer la galaxie et pourtant, on ne ressent jamais cette solitude. Jamais on se sent l'âme d'un pionnier. Il y a toujours une station spatiale qui traine dans chaque système, pratiquement toujours des bases habitées sur chaque planète, toujours des vaisseaux qui nous survolent dès qu'on lève les yeux. Chaque planète a toujours les mêmes avant-postes commerciaux, des vaisseaux écrasés, des structures alien, des avant-poste scientifiques. 

  • pas de background : il n’y a aucun lore, rien de signifiant sur lequel s'accrocher pour se raconter sa propre aventure. Au point que les POI dispersés au hasard sur les planètes ne racontent jamais rien de local. 

  • la mission principal Atlas : cette vaste blague d’atteindre le centre de la galaxie ?

  • la quête d'Artemis : Ce (très) long tuto déguisé en quête ?
  • le farming : l’essence même du jeu en fin de compte. Et pourtant tellement bancal. Tellement punitif. Chaque action demande de la ressource, et pour chercher cette ressource, il faut une autre ressource pour survivre. Crafter des trucs pour crafter un truc qui servira à crafter un autre truc. Et ainsi de suite. Le joueur s’enferme alors dans une boucle très restreinte et sans fin. 

  • les quêtes : les mises à jour ont finies par implanter un système de quêtes, mais qui ne sont que des quêtes fedex d’une platitude à faire peur. Il n’y a aucune consistance, aucun lore à ces quêtes parce que le jeu n’a simplement aucun background. Elles ne sont au final qu’une réorganisation visuelle de ce qui existait déjà avant les mises à jour. Ca veut donner l’illusion de faire quelque chose pour un PNJ, mais sans y arriver…

Bref, comme le résume très bien Rock, Paper, Shotgun :

No Man’s Sky still feels too limited as a creative sandbox, too empty as a story-centric RPG, and too punishing as a survival game.

Pour véritablement le transformer en un bon jeu, il faudrait revoir complètement la formule, ce qui est en soit possible, mais qui n’arrivera pas avec juste du nouveau contenu. Il faudra attendre un éventuel No Man’s Sky 2. Qui sait ?

Et pourtant.

Quelque chose le sauve : son mode photo. Et pour bien en profiter, il faut jouer en mode créatif. Soit le mode sans contrainte aucune. Ni en ressource de matériaux, ni en ressource financière. Le but n’étant pas de faire une base, ce pourquoi le mode créatif a été créé, mais de transformer le jeu en : mode contemplatif. Le mode créatif permet de s’affranchir toutes les mécaniques qui ont été imaginées pour le jeu. On balance tout à la poubelle, sans aucun scrupule. Pour les développeurs, jouer ainsi, c’est leur exprimer une bel échec des mécaniques de gameplay. En fait, ca revient à jouer au jeu avec tous les cheat code activés, et cela directement au lancement de la partie. Les cheat code ne sont plus là pour nous aider à un passage difficile mais pour simplement profiter du jeu. Dur comme constat. Et là, seulement à ce moment là, le jeu a un intérêt à mes yeux. Car ainsi, on peut décoller et atterrir sans se soucier de trouver des ressources tous les trois décollages. On est invincible, on ignore alors les créatures et les climats trop agressifs (qui demandaient de recharger de manière intempestive sa combinaison). Les combats spatiaux deviennent même amusant car on ne doit plus recharger, encore, constamment son bouclier, son carburant, ses armes, etc… On peut acheter, euh, échanger tous les vaisseaux qu’on veut sans problème pécunié. Et tout cela pourquoi ? Pour l’amour du beau cliché, pour la recherche du spot photo idéal.

Parce que oui, No Man’s Sky à tout de même une sacré patte graphique. Mais le prix à payer pour en profiter est radicale et presque indécent, voir génant.