Si on m'avait dit il y a quelques mois que j'utiliserai mes compétences récemment acquises en retouche photo pour grimer de cette façon le visage de cet homme, je ne l'aurai pas cru. Pour vous dire, il y a encore un an, j'aurais même été incapable de conjuguer autant de verbes au conditionnel passé sans me planter. J'étais un homme différent. Un homme qui avait une 3DS, qui pensait que les Américains étaient plus fort que les Japonais et qui doutait des talents d'acteurs de Keenu Reeves. Aujourd'hui, une page se tourne. Terminé "Les métaphores pour les nuls", j'ai décidé de passer à "Boule et Bill", surtout Bill en fait. Bill Gates est le père de quatre créatures. Les trois premières sont des enfants au physique tout à fait normal, tandis que la quatrième n'est autre que Microsoft. Une société monstrueuse qui engendrera Windows Millenium, Internet Explorer, le nazisme (à vérifier) et bientôt la Xbox One. Je ne pense pas aller trop loin en annonçant que cet article est certainement le dernier avant que le scénario d'Armageddon ne se réalise. Je ne voulais pas mêler Bruce Willis à cette affaire de camembert et de console next-gen, mais le monde doit savoir : comme la plupart des gens, j'ai un avis sur le sujet, sauf que le mien est plus important que tous les autres.

 

Microsoft sur son 21

Microsoft a réussi. Réussi à faire entrer la Xbox dans les salons. Pas seulement en tant que console, mais en tant que cheval de Troie permettant de s'imposer sur un marché, un marché de services. Le message est clair : la Xbox n'a plus besoin des joueurs pour exister. Depuis 2001, le constructeur n'a cessé de brasser de plus en plus large pour finalement reléguer le jeu au second plan d'une conférence censée présenter une console...de jeu. L'objectif n'était pas d'impressionner les gamers, mais les autres. Télévision, Sport, séries, Skype, Sielberg, Call of Duty, ces quelques mots pourraient résumer à eux seuls la conférence. Et pour cause, le but était d'attirer l'attention de tout le monde, sauf des joueurs.

Cette présentation était bien entendu destinée aux média généralistes, au grand public et à tous ceux qui pensent que le futur c'est de dire "Xbox Halo" pour que la prochaine série chapeautée par Spielberg se lance. Il n'a pas été question de jeu, mais de jeu à travers ce qui est synonyme d'argent bien au-delà de la simple sphère vidéoludique. On ne parle pas de Halo, on parle d'une série par Spielberg, on ne parle pas de Call of Duty, on parle du produit culturel le plus bankable au monde, on ne parle pas de jeux EA, on parle de sport, on ne parle pas de Quantum Break, on parle d'une série TV accompagnée d'un jeu, on ne parle pas de Forza Motorsport, mais d'une séquence bullshit avec de grosses voitures. Si on a pu reprocher à Sony d'avoir été avare en séquence de gameplay, on atteint ici des sommets. Des scènes en fil de fer, trois pauvres séquences de Call of Duty : Ghost - alors que la presse avait eu droit à du in-game quelques jours auparavant - , une gamine qui touche l'oreille des gens, une bande-annonce pérave de Forza 4, il y avait de quoi tirer la tronche. 

Pourtant, il faut tout de même rappeler qu'Aaron Greenberg, le patron de la division Interactive Entertainment Business chez Microsoft, avait clairement annoncé le 17 mai - lors d'un Podcast du Major Nelson - que le reveal de la console serait tout pourri. Enfin, il ne l'avait pas dit comme ça, mais c'était l'idée : "je crois qu'il s'agit surtout de poser les bases". Une phrase qui en dit long. Car "poser les bases" veut certes dire que la suite arrivera à l'E3, mais également que ce qu'on a vu sera la "base" de la console. La "base" aurait pu être le jeu, la place du marché en ligne, les indépendants, l'innovation, le gameplay, les graphismes, mais on en est très loin. La base c'est Kinect, la télévision, le tout connecté et cette furieuse envie de conquérir le monde du divertissement.

 

L'argent n'a pas d'odeur, mais la conférence sentait pourtant le pognon

Microsoft est une entreprise qui a de l'oseille, mais qui avait réussi jusque là à faire bonne figure. S'ils sont arrivés en 2001 dans le monde des consoles, c'est uniquement pour occuper un marché, rien de plus. La Xbox n'est pour eux qu'une boite. Une boite qui aurait pu s'appeler X ou Y, là n'est pas la question. Leur objectif était simplement d'imposer quelque chose sur un marché qui brasse de l'argent. Le jeu vidéo a toujours été un moyen pour Microsoft, pas une finalité. Imposer une infrastructure payante, emmerder Sony sur son terrain, vendre du contenu en ligne, exploiter le filon des indépendants et des titres téléchargeables, les vraies motivations du géant vont bien au-delà du jeu vidéo. Sauf que voilà, ils sont allés tellement au-delà du jeu qu'ils viennent de laisser ceux qui le consomment sur le bord de la route.

Mais il ne s'agit pas là d'un oubli ou d'une erreur. Il suffit de regarder l'évolution de l'interface de la console pour s'en rendre compte. L'espace "jeu" s'est petit à petit fait bouffer par le reste (application, musique, VOD, film, TV) et ce lent basculement ne date pas d'hier. Cette conférence n'est en réalité que la suite logique de 10 ans de lutte. Les ventes de la première Xbox ne sont plus là pour déguiser le Goliath en David : Microsoft est une machine de guerre et faire de la Xbox un media-center pseudo futuriste était à mon avis un projet au long court. Le fait est qu'ils ont eu jusqu'à très récemment le statut d'outsider qui a su se faire une place en partant de zéro. Un zéro qui s'appelle Microsoft et qui est capable de mettre pas mal d'argent sur la table. Il y a de quoi se sentir pousser des ailes quand on réalise qu'on vient de faire la nique à Sony en l'espace d'une décennie. Il y a de quoi se dire que Kinect est un fabuleux accessoire quand on en a écoulé 18 millions. Il a de quoi foirer sa conférence quand on veut montrer qu'on sait tout faire, surtout ce qui se fait ailleurs depuis un bail. 

 

Vous avez amélioré "Accessoire inutile". Vous obtenez : "Accessoire inutile amélioré".

Travestir une console en media center est évidemment une riche idée sur le papier, mais c'est un peu oublier d'où on vient et pourquoi on est là. Selon Big M, le futur c'est la TV, la VOD, les séries, le tout connecté, Twitch, c'est un point de vue. Je dirais plutôt que c'est le passé et dans une certaine mesure le présent. Mais admettons ce que ce soit le futur, ce n'est certainement pas celui du jeu vidéo puisque changer de chaine à la voix, discuter avec ses amis via Skype ou naviguer sur internet n'apporte rien au jeu en tant que tel. Qui plus est, tout ce que propose la Xbox One est déjà présent ailleurs, depuis longtemps et surtout en mieux. On nous a déjà fait le coup avec Kinect. Ce n'est pas la première fois qu'on nous promet de se prendre pour un scientologue du futur et c'est d'ailleur assez amusant/flippant de les voir rappliquer avec le même discours qu'à l'E3 2012, calibré pour nous vendre de l'innovation par brouettes entières.

Je passerai rapidement sur le nombre de transistors et de postes de radio à l'intérieur de la console, comme le fait que la RAM...bla bla bla DDR3, R2D2 et bla bla bla GPU, GPL, sans-plomb ou essence, pour m'attacher à l'essentiel : ça a l'air d'être bien de la merde cette console. Alors déjà qu'on te met une caméra Eye-toy qui coûte certainement un bras dans la boite - alors que si ça se trouve t'en veut même pas  - mais en plus la grosse boite noire qui va avec est a priori moins bien que la grosse boite noire du voisin. Ok, il n'y a pas que la puissance qui compte, mais entre toutes ces features complètement superflues qui vont pomper des ressources et le truc-trop-1080p-obligatoire qui servira à dire "Start" pour lancer une partie, j'ai comme l'impression qu'il y a du gaspillage dans l'air.

Le seul fait qu'on m'impose un accessoire suffit déjà à me détourner de cette console. Si on part du fait que Kinect était vendu 150 euros avec un jeu, je considère qu'en achetant une Xbox One je mettrai une centaine d'euros dans quelque chose d'inutile et dont je ne veux pas. Je ne veux pas qu'on me force à mettre le moindre centime dans un accessoire qui en plus de faire monter le prix de la console, sera obligatoire, utilisé à je ne sais quelle fin et n'apportera rien aux jeux. Car c'est bien joli de dire qu'en mettant le bordel dans toutes les boites, les développeurs pourront mieux l'exploiter, mais je vous rappelle qu'il existe une console qui s'appelle la PS4 et un concept qui s'appelle le multi-plateforme. Et je peux vous dire que les mecs n'auront pas que ça à foutre que de se creuser la tête pour tenter de révolutionner le jeu vidéo. Surtout quand pour ça, il faut se servir d'un accessoire de merde, ou pire, de Kinect. Ensuite, concernant la probable politique de Microsoft (et de Sony ?) vis-à-vis du jeu d'occasion et de la liberté accordée aux joueurs, je ne dirai qu'une chose : c'est pas très très gentil.

 

 "Xbox, Go Home"

On en arrive à un tel niveau de connerie en ce qui concerne le contrôle de l'acte ludique que le seul fait de pouvoir insérer une galette pour jouer à un jeu pourrait presque devenir un argument de vente (clin d'œil complice et discret à l'attention de Sony). Ce qui me rassure tout de même, c'est que cette accélération du n'importe quoi concernant la liberté de jouir d'un truc que t'a payé a été suivie d'insultes et de JIFFE rigolos. Reste à savoir si la grande majorité des joueurs restera sur un bon vieux "Microsoft, va te faire mettre s'il te plait. Merci" ou bien est-ce qu'un Halo 5 et un peu de pommade suffiront-ils à détendre quelques sphincters. Sony n'a pas encore osé balancer la sauce à ce sujet, mais au vu des premières réactions, ils ont tout intérêt à jouer la carte du "nous, on fait comme avant". Je ne suis fondamentalement pas contre un système façon Steam où les jeux sont associés à un compte et impossible à revendre, mais à 70 euros, c'est non. Je suis prêt à délaisser un peu de mes libertés si on me propose des soldes de ouf malades et un prix d'entrée à 40 euros ; dans le cas contraire, ce sera sans moi. Je ne vois pas pourquoi les joueurs seraient contraints de faire autant de concessions pour jouer, alors que regarder un film est aussi simple.

Bref, Microsoft s'est joliment foiré. Il suffit de trainer sur les forums, de regarder les sondages, l'avis de la presse et d'observer la vague de troll à l'encontre du constructeur pour se rendre compte du désastre. Microsoft a même dû désactiver tous les commentaires sur ses vidéos pour stopper l'hémorragie. Mais à quoi s'attendaient-ils sérieusement ? C'est super cool de montrer une box internet qui coûte 400 ou 500 euros, mais encore faudrait-il ne pas oublier ceux qui ont le pouvoir de foutre en l'air une communication bien huilée en deux coups de cuillère à pot : les joueurs. Car ce sont bien eux qui étaient au taquet mardi, eux qui claquent 50 boules par an pour jouer en ligne et eux qui maintenant font la gueule. Microsoft en voulant capitaliser sur ce qui marche pour prendre le moins de risque possible a en réalité réussi tout l'inverse. Ils ont lamentablement raté leur entrée et j'ose espérer pour eux que le dessert sera réussi. Malgré tout, je pense qu'il ne faut pas oublier le cas "Wii". On a déjà eu la preuve par le passé que les joueurs n'étaient plus forcément les acteurs principaux du succès commercial d'une console. Ce qui nous renvoie à cette citation d'un éminent blogueur qui écrivait ces mots il y a à peine quelques heures : "Le message est clair : la Xbox n'a plus besoin des joueurs pour exister."  Alors certes, il y a encore trop de zones de flou pour commencer à mettre la Xbox One entre quatre planches, mais assez d'indices pour commencer à flipper sérieusement. Vivement l'E3.

 

Il est venu le temps des camemberts

Oui, parce qu'à la base le concept de cet article était de faire des diagrammes circulaires. Ensuite, je suis parti sur une introduction, puis une entrée en matière et le temps que je réalise que je venais d'écrire trois pages, il était déjà trop tard. Donc ce que j'ai fait est simple, je me suis (re)tapé trois heures de conférence pour compter le temps passé sur chaque sujet, le mettre en pourcentage et sortir des diagrammes moches sur Excel. Et ce qui me rassure, c'est que les résultats obtenus ne sont pas dénués d'intérêt. On remarque immédiatement une chose : la conférence de Sony était principalement dédiée aux jeux. Microsoft en a certes parlé, mais de manière Call of Duty-centrique ou via le spectre du sport. C'est pour cette raison que j'ai divisé ce sujet en trois parties (Jeux, Sport, Call of Duty). Mais malgré ce choix, le constat reste le même : Microsoft s'est éparpillé inutilement, alors que Sony s'est concentré sur les jeux, la console et l'interface. Ce sont bien deux philosophies qui s'affrontent ici, en témoigne le temps accordé par Sony aux services (TV, musique, films...) : 30 secondes, horloge atomique en main. On pourra toujours me rétorquer qu'un David Cage qui cause devant un vieux de 30 000 polygones, ce n'est pas du jeu mais en attendant je sais ce que me réserve la PS4. Il faut quand même en avoir dans pantalon pour ouvrir une conférence avec Knack. Il faut quand même aimer le jeu indépendant pour faire venir Jonathan Blow. Il faut quand même être en sacré manque d'inspiration pour terminer un article de cette façon.

 

Note personnelle : Rahan, je te hais.