...On pense rarement qu'on peut y être heureux, d'ailleurs, quand on est accro, on vient souvent à culpabiliser du bonheur que les bien pensants (ou ignorants) n'hésitent pas à qualifier d'artificiel procuré par notre monde et notre identité virtuelle, à tel point qu'on est persuadé qu'on serait plus heureux si on se libérai de son addiction.

Pourtant, comme pas mal d'anciens accros, je suis nostalgique de la grande époque de World of Warcraft. Laquelle ? La mienne bien sur, chacun a sa propre interprétation de la grande époque. Mais force est de reconnaître que j'y étais bien, loin des tourments de la vie réelle, entouré de gens à qui parler dés que je me connectai. La date n'avait plus d'importance, l'heure n'en avait que peu, tout ce qui importai, c'était de jouer, d'évoluer, d'avancer dans ce jeu avec mes compagnons d'arme, qui n'avaient rien de virtuels et qui sont aujourd'hui de mes meilleurs amis.

J'ai mis ma vie réelle entre parenthèse pendant deux ans, j'ai vécu dans World of Warcraft comme on vivrait dans un autre pays. Les coutumes ne sont pas les mêmes, les relations sociales sont différentes et basées sur d'autre codes. Dans la vie, je suis un mec timide, dans le jeu, je suis un prêtre. Dans la vie, j'ai du poids à perdre, dans le jeu, je suis un prêtre. Dans la vie, je suis un parasite chômeur, dans le jeu, je suis un prêtre. Dans la vie, comme beaucoup, je n'ai pas accompli grand-chose de vraiment marquant, dans le jeu, je suis le prêtre sur lequel toute une guilde compte. Dans la vie, j'ai beau m'investir dans ce que je fais de toutes mes forces, je n'ai que peu de chances d'obtenir une Rolex, signe de réussite sociale s'il en est, dans le jeu, plus je m'investis, plus je réussi.

Etre accro de World of Warcraft, ou de tout MMO, y vivre sa « grande époque », c'est avant tout se retrouver dans une sorte de monde idéal, où on est ce que l'on est vraiment, plus que dans la vie où s'additionne à notre personnalité l'image qu'on renvoie aux autres. Point d'injustice, point d'obligation, pour treize euros par mois, c'est plonger avec délices dans un monde ou, vraiment, tout est possible pour peu qu'on s'en donne la peine. J'en veux pour preuve le nombre hallucinant de joueurs de world of warcraft, de no life qui se complaisent dans le chômage, de complexés qui n'ont plus à affronter le regard inquisiteur des imbéciles qui leurs reprochent de passer leur vie devant un écran alors qu'eux même passent leur temps libre à regarder la TV entre deux diners au Flunch, de célibataire qui perdent l'obsession du couple, de gens qui ont passé leur vie à se faire railler qui y sont respectés, de timides qui en une soirée dialoguent plus qu'une bande de clubbers en un an, ou tout simplement de gens normaux qui y trouvent leur compte. Parfois, quand je vois ou va le monde, je me dis que finalement, le monde de Warcraft était une alternative sérieuse, un refuge qui me manque mais dans lequel on peine malheureusement à rentrer plus d'une fois.